Dans le cours du procès, il arrive qu’une question d’interprétation ou d’application du droit surgisse, à laquelle il faut nécessairement répondre pour résoudre le litige. Parfois, le juge de l’action (c’est-à-dire celui qui est saisi de l’affaire) n’est pas compétent pour répondre lui-même à cette question ; il doit alors poser celle-ci à un autre juge. On parle alors d’une question préjudicielle.
En pratique, le juge de l’action rend un jugement (ou un arrêt) dans lequel il formule la question posée à une autre juridiction, et dont le prononcé a pour effet de suspendre le cours du procès, dans l’attente de la réponse apportée à cette question par l’autre juridiction, qui se prononce également par un jugement ou un arrêt : on dit que le juge de l’action sursoit à statuer. Le jugement qui formule cette question est ensuite adressé à la juridiction compétente pour y répondre. Ce dialogue ainsi noué entre deux juges est parfois qualifié de « mécanisme de renvoi préjudiciel ».
La question préjudicielle peut être soulevée d’office par le juge (c’est-à-dire de sa propre initiative) ou avoir été suggérée par l’une des parties au litige. Lorsque la question a été proposée par l’une des parties, l’intensité de l’obligation qui incombe au juge de la poser varie suivant les circonstances : de manière générale, cette obligation est très contraignante lorsque le juge de l’action est appelé à statuer sur le litige par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours (ainsi en est-il, par exemple, des arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat) ; en revanche, les juridictions dont les décisions peuvent faire l’objet de recours disposent d’une certaine marge d’appréciation de l’opportunité de poser la question : elles peuvent, par exemple, y renoncer lorsqu’elles estiment que le juge compétent pour y répondre s’est déjà prononcé sur la même question dans une autre affaire, et que sa jurisprudence peut être appliquée au cas d’espèce.
Lorsque le juge auquel a été posée une question préjudicielle a répondu à celle-ci, le juge de l’action doit tenir compte de la réponse, pour statuer sur l’action ou le recours dont il est saisi. Ainsi, par exemple, lorsque la réponse à une question préjudicielle fait apparaître qu’une loi est contraire à une disposition de la Constitution, le juge de l’action ne peut appliquer cette loi.
Quelques exemples de mécanismes de renvoi préjudiciel :
– Les juridictions nationales des Etats de l’Union européenne doivent saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions d’interprétation des normes de droit européen (telles les directives).
– Les juridictions belges, néerlandaises et luxembourgeoises posent à la Cour de justice Benelux les questions relatives à l’interprétation des traités conclus entre ces Etats, au sein de l’union Benelux.
– En Belgique, toutes les questions relatives à la conformité des lois, des décrets et des ordonnances à certaines dispositions de la Constitution relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle. Toutes les juridictions belges sont donc tenues de la saisir à titre préjudiciel lorsqu’un doute surgit à propos de la constitutionnalité d’une norme législative à l’une des dispositions de la Constitution au regard desquelles la Cour constitutionnelle exerce son contrôle.
– La Cour de cassation est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation des dispositions de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 15 septembre 2006.