Opération calice : détours et tergiversations

par Amandine Philippart de Foy - 3 janvier 2011

L’opération dite « calice » n’a pas fini de défrayer la chronique.

Après que la Cour de cassation ait cassé les deux arrêts de la chambre des mises en accusation relatifs à la régularité des perquisitions réalisées par le juge d’instruction chargé de l’affaire (voy. l’article que Justice-en-ligney a consacré ), voilà que ce dernier a été accusé à deux reprises de partialité.

Explications des derniers événements judiciaires dans cette affaire, par Amandine Philippart de Foy, assistante à l’Université catholique de Louvain.

1. La non-récusation du juge De Troy

Une demande en récusation peut notamment être introduite par une partie au procès qui estime que le juge saisi de sa cause ne présente pas les garanties suffisantes d’impartialité. Le Code judiciaire parle de la récusation pour cause de « suspicion légitime » (article 828, 1°, du Code judiciaire). Cette demande doit être introduite suivant une procédure définie par la loi. A partir de la communication de l’acte de récusation au juge concerné et jusqu’à la décision de la juridiction supérieure, la procédure en cours est suspendue.

En octobre dernier, Maître Keuleneer, l’avocat du Cardinal Danneels et de l’Archevêché de Bruxelles-Malines, avait introduit, au nom de ses clients, une demande de récusation du juge De Troy, qui conduisait l’instruction dans l’affaire. Selon Me Keuleneer, Wim De Troy s’était montré partial en autorisant certaines victimes (constituées parties civiles) à consulter des documents saisis lors des perquisitions du 24 juin 2010 dans les locaux de l’Archevêché et au domicile du Cardinal Danneels. Cela, alors que la Cour de cassation devait encore se prononcer sur la légalité de l’instruction. Par ailleurs, le juge De Troy refusait de restituer à l’Eglise certaines pièces saisies, au motif justement que la Cour de cassation devait encore se prononcer. Ce comportement était de nature, selon Me Keuleneer, à induire dans l’esprit des parties une impression de partialité.

Entre la communication de l’acte de récusation au juge d’instruction et la décision de la Cour d’appel de Bruxelles à ce propos (rendue le 21 décembre 2010), Wim De Troy n’a plus pu enquêter dans cette affaire. Les victimes ont crié au scandale, voyant cette demande comme un boycott de l’enquête. A la demande du ministère public, Luc Hennart, le Président du Tribunal de première instance de Bruxelles, a nommé Colette Callewaert comme juge d’instruction provisoire, comme il est prévu à l’article 837, alinéa 3, in fine du Code judiciaire. Ainsi, l’instruction a pu poursuivre son cours.

Le 21 décembre dernier, la Cour d’appel de Bruxelles a rejeté la demande en récusation en la déclarant recevable mais non fondée. En principe, Wim De Troy aurait donc dû reprendre ses fonctions. C’était sans compter la seconde demande en récusation introduite par une victime d’abus sexuels, le sociologue Jan Hertogen. Ce dernier dénonce le refus du juge De Troy de lui laisser l’accès à son propre dossier saisi à la Commission Adriaenssens. La réponse à cette seconde requête déterminera si l’instruction sera finalement diligentée par Wim De Troy ou si celui-ci devra se retirer de l’affaire.

2. L’arrêt de la chambre des mises en accusation du 22 décembre 2010 relatif à la régularité de l’instruction

En juin dernier, le juge Wim De Troy avait été chargé de l’instruction dans l’affaire des abus sexuels présumés au sein de l’Eglise catholique de Belgique. Dans le cadre de ses fonctions, il avait ordonné des perquisitions dans les locaux de l’Archevêché de Bruxelles-Malines et au domicile du Cardinal Danneels. S’en étaient suivies la saisie de divers documents et de matériel informatique. Par deux décisions (des 13 août et 9 septembre 2010), la chambre des mises en accusation de Bruxelles avait déclaré ces perquisitions irrégulières et nulles. Le 12 octobre 2010, ces arrêts avaient été cassés par la Cour de cassation (voir article) , à cause d’une erreur de procédure (les parties civiles n’avaient pas été entendues). Par conséquent, l’affaire avait été renvoyée devant une nouvelle chambre des mises en accusation, celle de Bruxelles autrement composée.

Le 22 décembre dernier, cette juridiction a rendu son arrêt. Elle a jugé que les perquisitions réalisées dans les locaux de l’Archevêché de Bruxelles-Malines et celles effectuées au domicile du Cardinal Danneels étaient régulières. Par contre, elle a déclaré irrégulières les perquisitions faites à la Commission Adriaenssens. Concrètement, cela signifie que l’instruction peut continuer son cours, mais que les dossiers saisis à la Commission Adriaenssens doivent être restitués.

Cependant, Me Keuleneer compte introduire un pourvoi en cassation contre cette décision de la chambre des mises en accusation. En effet, il reste convaincu que toutes les perquisitions effectuées sont entachées d’irrégularités. Voilà de quoi continuer à alimenter les chroniques judiciaires – et Justice-en-ligne pendant encore un certain temps.

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Amandine Philippart de Foy


Auteur

Avocate au barreau de Bruxelles

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