Deux observations méritent d’être formulées.
La première serait de saluer ces décisions (courageuses) dans une affaire extrêmement sensible.
Il n’est pas en effet courant que, dans un dossier de cette ampleur, les juridictions d’instruction recadrent le travail d’un juge d’instruction qui, malgré l’étendue des pouvoirs dont il dispose (notamment celui de décerner un mandat de perquisition qui est une entorse au principe de l’inviolabilité du domicile , reste tenu au respect strict des règles de la procédure pénale.
Or, avant d’ordonner une perquisition, le juge d’instruction doit disposer d’éléments permettant de penser que le domicile visé abrite des objets utiles à la manifestation de la vérité, en rapport avec les faits dont il est chargé. Cette dernière précision est fondamentale : le juge d’instruction ne peut, au moyen d’un mandat de perquisition, « aller à la pêche », c’est-à-dire utiliser la perquisition pour rechercher des éléments relatifs à des crimes et délits dont l’existence n’est pas encore connue.
Il doit s’en tenir à une « feuille de route » qui délimite le champ de ses investigations, à savoir ce que l’on appelle en droit sa « saisine ». Celle-ci peut se définir comme les faits dont il a été valablement saisi soit par le réquisitoire du ministère public qui exerce la poursuite, soit par une plainte avec constitution de partie civile.
Dans l’affaire qui nous occupe, le magistrat instructeur se serait départi du respect de ces règles élémentaires qui limitent son pouvoir de perquisition.
Les décisions de la Cour tombent donc à point nommé pour rappeler que les règles de la procédure pénale, si elles doivent donner aux autorités judiciaires les moyens de mener à bien leur tâche, constituent également des remparts contre un certain arbitraire. Trop souvent l’on a constaté, ces dernières années, que des pans entiers de la procédure pénale étaient sacrifiés sur l’autel de l’efficacité des poursuites (l’on songe par exemple à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’admissibilité de preuves obtenues de manière irrégulière).
La seconde observation est, elle, plus mitigée.
Elle est fonction d’un constat : c’est le ministère public lui-même qui a invité, dans des délais extrêmement courts, la chambre des mises en accusation à statuer sur la régularité des perquisitions ordonnées par le juge d’instruction. Soit deux circonstances qui sont à l’opposé de la pratique, au quotidien, du droit pénal : les questions de procédure sont le plus souvent soulevées par la défense, et ne sont débattues la plupart du temps, au mieux, qu’à la clôture de la phase d’instruction.
La réflexion serait dès lors de se demander pourquoi l’initiative prise par le Procureur général près la cour d’appel de Bruxelles ne pourrait pas être étendue à d’autres affaires ?
L’on connait en effet nombre de dossiers où les atteintes aux droits fondamentaux des personnes poursuivies sont aussi graves, voire davantage que dans l’enquête actuellement en cours sur des faits de pédophilie au sein de l’Eglise belge.
Cependant, force est de constater que rien n’est vraiment entrepris pour soumettre ces questions de principe, sans délai, à la chambre des mises en accusation qui est chargée d’assurer le contrôle des instructions. On est en droit d’attendre un changement.
Gageons que le ministère public, qui vient de faire la démonstration qu’il
pouvait exercer son rôle de gardien de la légalité des moyens de preuve avec efficacité, sera vigilant à faire usage de ses prérogatives avec la même détermination, et ce quel que soit le type de criminalité et de dossiers envisagés.