1. Le 22 juin dernier, l’Autorité belge de la concurrence a en effet prononcé sa première décision de transaction suite à une entente illégale entre une vingtaine d’entreprises, les unes fournisseurs de produits de marques nationales dans les catégories droguerie, parfumerie et hygiène, les autres acteurs du secteur de la grande distribution.
Celles‐ci s’étaient mises d’accord, entre les années 2002 et 2007, pour augmenter le prix de vente des produits concernés, comportement qui restreignait ainsi les règles belges et européennes de la concurrence.
Les entreprises en question, comme cela a été largement relayé par la presse, ont accepté le paiement d’importantes amendes, allant jusqu’à plus de 29.000.000 euros, pour l’entreprise la plus lourdement sanctionnée.
2. La Belgique, largement inspirée par le droit de l’Union européenne connaît depuis longtemps des règles de concurrence.
Le livre IV du Code de droit économique, en vigueur depuis fin août 2013, interdit au titre des pratiques restrictives de concurrence les accords entre entreprises qui empêcheraient, restreindraient ou fausseraient la concurrence sur le marché belge, notamment en fixant les prix d’achat ou de vente de produits.
3. Afin de veiller à la bonne application de ces règles, le même Code a créé une Autorité belge de la concurrence, qui a remplacé l’ancien Conseil de la concurrence.
Cette Autorité est composée d’un président (et de son service), d’un Collège de la concurrence, d’un Comité de direction et d’un Auditorat.
Chaque organe a des compétences spécifiques mais nous nous intéresserons plus spécifiquement à celles de l’Auditorat dans le cadre de la présente contribution.
4. Celui‐ci est notamment chargé de la coordination et de la direction des instructions.
Il décidera de poursuivre ou non les contrevenants à la réglementation et rassemblera les preuves contre eux.
Il dispose de moyens importants pour accomplir cette mission, comme la possibilité de recueillir des témoignages, d’effectuer des perquisitions et des saisies.
Avant qu’il n’arrive au terme de son instruction en formulant un projet de décision qui sera soumis au Collège de la concurrence, lequel prendra la décision définitive, l’Auditorat a la possibilité d’initier une procédure de transaction avec l’entreprise concernée par l’instruction.
Si celle‐ci aboutit, l’entreprise fournit une déclaration de transaction, dans laquelle elle doit reconnaître sa participation à l’infraction, sa responsabilité et accepter la sanction présentée.
L’Auditorat a la faculté d’appliquer une réduction de l’amende.
Cette déclaration est consignée par l’Auditorat dans une décision, incluant l’amende, qui clôture la procédure et n’est susceptible d’aucun recours.
5. Une particularité mise en évidence par l’affaire des hausses coordonnées des prix de vente est la possibilité pour une entreprise contrevenante de bénéficier d’un traitement de faveur.
En effet, l’entreprise qui a mis en œuvre une pratique prohibée mais contribue à en établir la réalité en fournissant des preuves et en permettant d’identifier les auteurs, peut se voir exonérée totalement ou partiellement des sanctions pécuniaires prévues par la réglementation.
Dans ce cas‐là, le Collège de la concurrence, à la demande de l’Auditorat, adoptera un avis de clémence.
6. Cette réglementation applicable en matière de concurrence traduit une volonté de pragmatisme et d’efficacité, adaptée à la vie des affaires et répondant directement aux exigences du contexte économique européen.
7. Un mot encore : en l’absence de transaction, lorsque l’affaire aboutit cette fois à une décision du Collège de la concurrence, un recours est ouvert devant la Cour d’appel de Bruxelles. Ainsi se trouve respecté le principe selon lequel aucune décision mettant en jeu des droits civils (affaires commerciales, propriété, etc.) ne peut échapper au pouvoir judiciaire, même lorsqu’une instance spécialisée comme l’est l’Autorité belge de la concurrence intervient. Des recours comparables sont prévus par exemple en ce qui concerne les sanctions prises dans le domaine bancaire et financier par l’Autorité belge des services et marchés financiers (FSMA), successeur de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA).
Votre point de vue
Gisèle Tordoir Le 26 juillet 2015 à 12:31
Belle mentalité, en effet : le dénonciateur échappe à toute sanction... Lu à ce sujet "La pratique avait été dénoncée fin 2006 par Colgate-Palmolive qui bénéficie, au titre de "premier demandeur de clémence", d’une exonération totale d’amende dans ce dossier."
Totalement amoral...Et pourquoi pas une décoration pour délation ???Plus que l’ombre d’un doute dans ce type d’affaire mais aussi et surtout dans ce cas précis de "demandeur de clémence"...Qui a informé cette société de l’enquête en cours ? Délit d’initié, dès lors ? Fuite(s) ?
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Amandine Le 25 juillet 2015 à 16:21
Merci beaucoup pour cet article qui porte sur un aspect que les médias n’avaient pas ou guère évoqué : l’institution de l’Autorité belge de la Concurrence et son mode de fonctionnement.
Au point 5, vous constatez la possibilité, pour une entreprise contrevenante, de se voir exonérer partiellement ou totalement des sanctions pécuniaires prévues par la réglementation, dès lors qu’elle fournit des preuves contre ses co contrevenants afin d’aider à les identifier.
Je me demande si, sous prétexte de pragmatisme, en ce domaine particulier du droit, les contrevenants ne se voient pas mis ainsi en situation d’échapper, s’ils le désirent, et moyennant marchandage, à l’exercice du pouvoir judiciaire, auquel nous sommes en principe tous soumis.
Ce qui m’amène à poser deux questions :
– cette Autorité peut-elle être considérée comme se rattachant au Pouvoir Judiciaire, et donc comme étant un pouvoir indépendant des pouvoirs législatif et exécutif ? Notamment : qui désigne les membres de cette Autorité ? Durée de leurs mandats ?
– les séances de cette Autorité sont-elles publiques ?
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skoby Le 25 juillet 2015 à 16:15
Cette procédure me paraît tout-à-fait logique. Ces accords interdits qui faussent
la concurrence et contribuent à augmenter les prix de vente aux consommateurs
doivent effectivement êtres sanctionnés durement. Mais est-il logique que le
dénonciateur, qui était un des participants au délit échappe à toute sanction ?
Ceci ne me paraît pas très moral.
Pourquoi a-t-il dénoncé les faits ? Peut-être a-t-il été mis au courant qu’une
enquête était en cours ????
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