1. Quatre enfants étaient nés du mariage d’une Polonaise avec un compatriote.
Après le divorce du couple, l’hébergement des enfants avait d’abord été confié à la mère, mais, ensuite, il lui a été retiré, au motif qu’elle avait noué une nouvelle relation, cette fois avec une femme.
Le caractère homosexuel de cette nouvelle relation a constitué la base principale de la décision des tribunaux polonais de retirer à la mère la garde de ses enfants puisque les experts judiciaires estimaient qu’elle « s’était concentrée de manière excessive sur elle-même et sur sa relation avec sa petite amie » et que le transfert de la garde au père était justifié par « le rôle plus important du père dans la création du modèle masculin » du plus jeune enfant, un garçon.
Une modification de ces décisions ne pourrait s’envisager, selon les juges polonais, que si la mère « corrigeait résolument son attitude et excluait sa compagne de la vie familiale ».
La mère a eu beau démontrer qu’elle avait jusque là toujours été la principale gardienne des enfants et que son ex-mari n’exerçait pas lui-même la garde de ses enfants, mais déléguait cette fonction éducatrice à ses sœurs et à ses propres parents, tous ses recours auprès des juridictions polonaises sont restés vains.
2. Elle a alors intenté, en 2010, un recours à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, invoquant une discrimination dans son droit à mener une vie familiale.
Le 16 septembre 2021, la Cour lui a donné raison : l’orientation sexuelle nouvelle de la mère ne peut pas valablement justifier que la garde de ses enfants lui soit retirée, alors qu’elle avait fait preuve de qualités éducatives au moins équivalentes à celles du père.
L’État polonais est donc condamné pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme, et doit verser 10.000 € de dommage moral à la mère.
3. Cette décision tranche un point important : l’homosexualité d’un parent ne peut justifier que ses droits parentaux lui soient retirés en raison de cette orientation sexuelle.
Elle laisse cependant un goût un peu amer.
Tout d’abord, elle intervient onze ans après le recours à la Cour de Strasbourg, recours qui lui-même faisait suite à cinq années de débats devant les juridictions polonaises.
Ensuite, le montant de 10.000 € est, avec la satisfaction morale de voir enfin reconnue l’injustice qui lui avait été faite, le seul résultat obtenu par la mère : en effet, la décision de la Cour n’annule pas les décisions prises en Pologne. La Cour européenne des droits de l’homme n’a en effet pas ce pouvoir.
Comment, d’ailleurs, aurait-il été possible de rendre à la mère ces années de privation de relation avec ses enfants, devenus entretemps adultes ou adolescents ?
4. Enfin, en tranchant ce point particulier des droits parentaux, la Cour n’établit pas un principe général d’égalité des droits des personnes homosexuelles avec les personnes hétérosexuelles.
Ainsi, les États membres du Conseil de l’Europe, qui comprennent aussi la Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie, ne sont nullement obligés de permettre aux couples homosexuels de se marier, ni de permettre à un couple non-marié d’adopter un enfant ensemble.
Ces couples doivent cependant, selon la Cour, pouvoir obtenir de l’Etat la reconnaissance de leur vie familiale au travers d’un « autre » statut, aux effets éventuellement plus limités que le mariage Pacs, la cohabitation légale, etc.
5. La Belgique n’est pas visée par cette jurisprudence puisque le mariage y est ouvert aux couples homosexuels depuis 2003 et qu’ils peuvent adopter ensemble un enfant depuis 2006.
À plus forte raison, l’homosexualité d’un père ou d’une mère ne pourra servir de prétexte pour lui retirer l’exercice de ses droits parentaux.