Par un arrêt du 12 janvier 2012 (Di Sarno e.a. c. Italie), la Cour européenne des droits de l’homme poursuit sa construction jurisprudentielle du droit à un environnement de qualité en tant que droit de l’homme. Pour rappel, même si la Convention européenne des droits de l’homme ne liste pas ce droit à l’environnement parmi les droits protégés, la Cour elle, par le biais essentiellement, du droit à la protection de la vie privée et familiale et du domicile (article 8), reconnaît l’effectivité de ce droit : si un citoyen subit des nuisances environnementales (odeurs, gaz, bruit, vibrations, etc.) ou même s’il supporte un stress lié à un risque environnemental (déchets dangereux, usines, etc.), sa vie privée et familiale en est perturbée de même que la jouissance de son domicile.
Dans le cas d’espèce, c’est l’absence de gestion des déchets de la région de Naples pendant des années qui est en cause. Tout le monde se souvient de ces images d’amoncellements de déchets dans les rues de Naples et autres communes, auxquels des habitants n’hésitaient pas à mettre le feu avec toutes les conséquences que l’on imagine en termes de dégagement de gaz toxiques.
Des habitants d’une des communes concernées, Somma Vesuviana, ont donc poursuivi l’Italie devant la Cour européenne des droits de l’homme en considérant que cette situation avait violé notamment leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile. Au Gouvernement italien, qui estimait qu’il s’agissait d’une action populaire non recevable visant la gestion globale des déchets en Campanie, la Cour répond, en se fondant sur des études et des rapports divers mais aussi sur la condamnation de l’Italie par la Cour de justice de l’Union européenne pour les mêmes faits, que les requérants, même s’ils dénonçaient une situation affectant l’ensemble de la population de la Campanie, avaient bel et bien été affectés directement dans leur propre bien-être.
Le gouvernement italien considérait aussi que la requête n’était pas recevable au motif que les requérants n’avaient pas utilisé toutes les voies de recours devant les juridictions italiennes pour obtenir gain de cause. La Cour européenne constate qu’aucune juridiction italienne ne s’est jamais prononcée sur les responsabilités civiles ou pénales liées à cette gestion catastrophique des déchets. A tel point qu’il était visiblement inutile pour les requérants de tenter d’obtenir une telle condamnation. Ce qui vaut d’ailleurs à l’Italie d’être aussi condamnée, sur la base de l’article 13 de la Convention, pour absence de recours effectifs, dans l’ordre juridique italien, pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de cette « gestion » des déchets.
La Cour ne suit pas plus l’Italie lorsque celle-ci invoque la force majeure liée entre autres à la criminalité organisée dans la région, estimant en effet que les circonstances invoquées par l’Etat italien ne relèvent pas de la force majeure.
Tout ceci conduit la Cour au constat que les autorités italiennes avaient des obligations dites positives d’assurer pour les intéressés la protection de leur vie privée et de leur domicile même si la collecte et le traitement des déchets avaient été confiés contractuellement à des organismes tiers. A défaut, l’Italie est condamnée.
Cet arrêt confirme l’étendue sans cesse croissante de la sphère de l’applicabilité du droit à un environnement de qualité. Si les premiers arrêts de la Cour sanctionnaient des situations très ponctuelles (une station d’épuration, une usine d’engrais chimique, un centre de traitement de déchets dangereux, etc.), l’arrêt sur les déchets de Naples illustre qu’un manquement généralisé dans un volet de la politique environnementale d’un Etat peut aussi être à l’origine d’une violation de ce droit à l’environnement.