1. Dans ces deux arrêts, la Cour estime que le statut d’enfant doit prendre le dessus sur le statut d’étranger en séjour irrégulier dans leur prise en charge par l’État...
Ces MENA fuyaient des situations de guerre et cherchaient soit à rejoindre l’Angleterre, soit à retrouver des membres de la famille dans d’autres pays européens.
2. Dans l’arrêt Khan c. France}], du 28 février 2019, il est question d’un enfant de douze ans, de nationalité afghane, vivant dans un abri de fortune près de Calais, qualifié de bidonville, en attente de pouvoir rejoindre l’Angleterre. Il s’y est retrouvé dans des conditions déplorables en l’absence de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge. Il a fait l’objet d’une mesure de protection par le juge des enfants mais celle-ci n’a pas été mise en œuvre. La Cour estime que l’inexécution de ce jugement combiné avec les circonstances particulièrement graves de ses conditions de vie dans la lande de Calais sont constitutives d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme}].
3. Dans l’affaire H.A. et autres c. Grèce, du 28 février également, plusieurs adolescents ont été détenus dans différents postes de police, pour des périodes allant jusqu’à trente jours, alors que les conditions de vie y étaient totalement inadaptées à leur âge ou à leur condition d’enfant. Ils n’y ont pas eu la possibilité de sortir ni de se divertir et cela a eu des conséquences négatives sur leur bien-être.
La Cour estime que les conditions de détention de ces mineurs étrangers isolés, dans des postes de police grecs peuvent constituer une violation de l’article 3 de la Convention, tant en raison de la longue durée de la détention qu’en raison des conditions de vie qu’ils y ont subies. Cette détention pouvait uniquement être justifiée pour une courte période, dans le cadre de la recherche d’une structure d’accueil adaptée.
De plus, la Cour considère que leur détention n’est pas régulière parce qu’il s’agit d’une mesure de dernier ressort qui ne peut être appliquée de manière automatique aux mineurs. Dans ces postes de police, ils n’ont pas été informés des raisons de leur détention, de la durée de celle-ci ni des modalités de recours pour la contester (violation des articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme).
4. Ces arrêts rappellent que les MENA en situation irrégulière relèvent de la « catégorie des personnes les plus vulnérables de la société » à double titre :
– il s’agit de mineurs isolés, sans relais au niveau familial ;
– ils se retrouvent dans un pays étranger en séjour irrégulier et sont soumis à une législation spécifique en droit des étrangers.
Pour cette raison, ils doivent être considérés comme des enfants plutôt que comme des étrangers en situation irrégulière. L’État a l’obligation de respecter les droits fondamentaux à l’égard de ces mineurs, compris dans la Convention européenne des droits de l’homme mais également dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Il doit prendre les mesures pour empêcher que les mineurs ne soient exposés à de mauvais traitements.
Il y a donc une obligation positive de l’État de les protéger et de les mettre à l’abri de ces traitements. Il doit également veiller à ce que, dans toute mesure ou décision prise à l’égard d’un enfant, son intérêt supérieur soit pris en compte (article 3 de cette Convention). Le statut d’enfant doit prendre le dessus sur le statut d’étranger en séjour irrégulier.