Le principe
1. Une enquête judiciaire en matière pénale implique toujours le ministère public, dont c’est une des fonctions principales. Dans certains cas, un juge d’instruction est saisi. Lorsque l’on se trouve dans la première hypothèse, on parle d’information judiciaire et, dans la seconde, d’instruction judiciaire.
Sur toutes ces notions, il est renvoyé à l’article que Laurent Kennes a publié sur Justice-en-ligne, « L’action pénale : ‘information’ ou ‘instruction’ ? ».
2. Qu’elle prenne la forme de l’information ou de l’instruction, l’enquête est menée sous la direction et l’autorité des magistrats, qui en assument la responsabilité.
Dans le cadre d’une information, ce seront le procureur du Roi ou le procureur fédéral et leurs substituts, membres du ministère public, qui assureront la direction de l’enquête.
Lorsqu’un juge d’instruction a été saisi des faits, c’est à lui qu’appartiendra ce rôle.
Concrètement, ce pouvoir de direction des enquêtes implique que le juge d’instruction ou le procureur du Roi ont le droit de requérir les services de police pour effectuer tous les actes d’enquête qu’ils jugeront nécessaires.
3. Les services de police sont tenus de suivre ces instructions et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les réaliser.
Néanmoins, ceux-ci conservent une certaine marge de manœuvre. En effet, lorsqu’ils estiment n’être pas en mesure d’accomplir les devoirs qui leur sont demandés car leur exécution empêcherait la réalisation d’autres missions, les services de police peuvent en faire part au magistrat. Cela ne les délie pas de leur obligation d’exécuter le devoir demandé, mais cela permettra dans certains cas au magistrat d’adapter ses réquisitions (ses instructions) de manière à ce qu’elles tiennent comptent des moyens opérationnels policiers.
En pratique, les supérieurs hiérarchiques des services de police établissent eux-mêmes les priorités entre les différentes réquisitions à réaliser.
Bien évidemment, il est possible que le magistrat ne s’accorde pas avec ces priorités. Dans ce cas, une procédure d’arbitrage auprès du procureur fédéral est prévue, qui permet de trancher le conflit.
_ La communication d’informations recueillies par les services police
4. Les services de police ont également la possibilité d’agir d’initiative, c’est à dire sans que les actes demandés n’aient été requis au préalable par un magistrat.
Dans cette hypothèse, la loi prévoit que les policiers sont tenus d’informer le procureur du Roi (qui dirige le ministère public dans chaque arrondissement judiciaire) dans un délai fixé par directive de ce dernier.
En effet, il est impératif que le procureur du Roi soit informé afin qu’il puisse exercer son rôle de direction de l’information.
5. L’exemple suivant permet d’illustrer le déroulement des évènements.
Une personne a un comportement suspect qui semble indiquer qu’elle vend des stupéfiants. Une patrouille de police repère cette personne et l’interpelle.
Ils procèdent à son identification, puis l’emmènent au commissariat pour la fouiller. Au commissariat, la fouille s’avère positive, de sorte que la personne est mise en cellule.
Après avoir privé cette personne de sa liberté, les policiers informent le procureur du Roi, qui décide s’il confirme la privation de liberté.
Concrètement, cela signifie qu’ils prennent contact avec le substitut du procureur du Roi de garde. C’est à ce dernier qu’il appartiendra d’ordonner les mesures à prendre, telles que la remise en liberté ou non, l’analyse des sachets de stupéfiants qui auront été trouvés lors de la fouille, l’audition de la personne interpellée, etc.
S’il s’avère que les faits constatés sont en lien direct avec une enquête déjà en cours, les policiers ont l’obligation d’informer immédiatement l’autorité judiciaire concernée.
Ainsi, si une personne est interpellée à Dinant et qu’il apparaît qu’elle est signalée dans le cadre d’une enquête à Bruxelles, le parquet de Bruxelles devra immédiatement en être informé.
Cela évite ainsi que des enquêtes ne soient ouvertes parallèlement sans qu’il n’y ait de communication entre les différents services.
_ Quels sont les devoirs qui peuvent être sollicités ?
6. L’éventail des devoirs qui peuvent être requis est large, et peut constituer une intrusion importante dans la vie privée de la personne visée.
La plupart de ces devoirs seront accomplis par les services de police. Classiquement, on peut citer les devoirs suivants : auditions, perquisition, écoutes téléphoniques, saisie et dépôt de pièces à conviction, etc.
Certains devoirs ne pourront toutefois être effectués que sur ordonnance d’un juge d’instruction. Il s’agit de ceux qui, énumérés par la loi, comportent une limitation à une liberté, comme par exemple une écoute téléphonique, qui est une intrusion dans la vie privée des intéressés.
Parmi ces devoirs, une mesure classique est celle de l’expertise, qui ne pourra être ordonnée que par le juge d’instruction, sauf le cas de flagrant délit, où le procureur du Roi se voit conférer des pouvoirs élargis.
Ainsi, un expert en balistique, un psychiatre, un médecin légiste, un graphologue, un expert en informatique, pourront notamment être sollicités en vue de réaliser une expertise qui permettra d’éclairer le juge d’instruction sur un point particulier et ainsi compléter l’enquête.
7. Si c’est la police qui, en pratique, accomplit la plupart des actes d’enquête, il va de soi que les magistrats du ministère public et les juges d’instruction peuvent aussi, comme la police, en accomplir certains, comme par exemple l’audition de témoins, l’interrogatoire des suspects, etc. Certains actes sont même réservés à ces magistrats ; par exemple, seul le juge d’instruction peut délivrer un mandat d’arrêt, c’est-à-dire décider exceptionnellement d’arrêter une personne avant son jugement.
8. C’est sur la base de toutes les données ainsi recueillies, rassemblées dans le dossier pénal, que les juridictions éventuellement saisies apprécieront les suites judiciaires à réserver aux faits.
Votre point de vue
Jarod Le 15 mars 2015 à 19:24
Y-a-t-il des ouvrages de références en la matière ? Liés à ce résumé.
Quant à la procédure à suivre par un inspecteur de la PJ pour poursuivre une enquête - quel que soit le sujet traité ; les méthodes d’enquêtes... et enfin la procédure générale à suivre dans différents cas de figures.
Merci !
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Gisèle Tordoir Le 8 janvier 2015 à 16:51
La question que se pose l’interlocuteur quant à savoir "qui fait quoi ? comment, concrètement, se répartissent les rôles entre les magistrats du ministère public et les policiers dans les enquêtes pénales ?" me paraît bien intéressante. Par contre, les arguments lus ne me rassurent pas, ne m’apportent aucune vraie réponse crédible...Comment expliquer que l’on entende des commentaires tels "je suis policier, je fais mon boulot, j’arrête des voyous et plus vite qu’ils ne sont enfermés ils se retrouvent à la rue, libres...A quoi sert que je prenne des risques ? Comment puis-je protéger les citoyens si la magistrature met de tels bâtons dans les roues ?" Je ne pense pas être la seule à avoir lu et/ou entendu ce type de propos. Je crains que trop rarement policiers et magistrats collaborent efficacement ; j’ai l’impression que c’est plutôt chacun pour soi, faisant abstraction de l’intérêt de la police, par exemple.
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skoby Le 7 janvier 2015 à 12:57
Pas de réaction. Cette description me paraît conforme à ce que l’on peut attendre.
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Georges-Pierre TONNELIER Le 6 janvier 2015 à 23:39
Quelques années de pratique du droit pénal permettent de se rendre également compte que la relation entre les magistrats et la police peut être fort élastique dans le cadre d’une enquête.
Certains juges d’instruction ou substituts du procureur, souvent surchargés, ont plus ou moins tendance à se fier à leur chef d’enquête et donc ce policier, en charge d’un dossier, peut exercer sur le magistrat un pouvoir de suggestion assez important quant aux devoirs à accomplir pour faire avancer une enquête. Si la direction théorique de celle-ci est en effet toujours aux mains du magistrat, l’influence des policiers peut être plus ou moins grande selon la personnalité de celui-ci et la surcharge de son cabinet.
Georges-Pierre Tonnelier
Juriste spécialisé en droit des nouvelles technologies
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