1. Depuis plus d’un an à présent, la question de la régularité des mesures COVID est posée devant les juridictions en charge du contrôle de ces mesures.
En Belgique, ces juridictions sont de deux ordres. Les unes sont les juridictions judiciaires qui ont pour mission de garantir la protection des droits de chacun. L’autre, c’est la section du contentieux administratif du Conseil d’État, qui s’assure de la compatibilité des mesures prises par l’administration avec les règles et principes juridiques qui s’imposent à elles, en les annulant si la compatibilité n’est pas au rendez-vous et en en suspendant, si besoin, l’exécution dans l’attente d’une annulation éventuelle.
2. Jusqu’ici, la section du contentieux administratif du Conseil d’État n’a cessé d’estimer que les mesures COVID déférées à sa censure pouvaient avoir été prises sur la base du trio de lois qui en constitue le fondement : la loi sur la protection civile de 1963, la loi sur la fonction de police de 1992 et la loi sur la sécurité civile de 2007.
À plusieurs reprises, c’est même l’assemblée générale de la juridiction administrative qui l’a martelé.
3. Saisies de litiges touchant aux compétences qui sont les leurs, les juridictions judiciaires, quant à elles, n’ont pas toujours partagé ce point de vue. Des juridictions de premier degré, tant en matières civile que pénale, ont parfois conclu à l’irrégularité des mesures COVID, estimant que le trio de lois servant de fondement à l’adoption des mesures en cause n’était pas fait pour ça.
On se rappellera que ce fut notamment le cas du Tribunal de première instance de Bruxelles qui, le 31 mars dernier, condamnait l’État belge à prendre, dans les trente jours, toutes les mesures utiles afin de mettre fin à l’irrégularité constatée, ce que la Cour d’appel de Bruxelles déjugea toutefois le 7 juin suivant. Il est renvoyé à cet égard aux deux articles que Justice-en-ligne a publiés sur ces décisions (D. Renders, « L’État a trente jours pour revoir des mesures COVID jugées à première vue illégales ! » ; « Justice et mesures COVID : pour la Cour d’appel de Bruxelles, tout est, à première vue, légal… ou presque ! » ).
4. En parallèle, quel ne fut pas le nombre de situations dans lesquelles des citoyens étaient poursuivis, au pénal, pour avoir bravé les mesures COVID interdisant, par exemple, les rassemblements et autres déplacements inutiles dans l’espace public, durant la première vague de la pandémie.
À ce sujet, une juridiction d’appel avait, à Courtrai, estimé que les citoyens poursuivis devaient être acquittés des charges pesant sur eux, celles-ci reposant, selon elle, sur des mesures COVID n’ayant pas de fondement juridique régulier.
5. C’est de cette décision courtraisienne que la Cour de cassation était saisie par le Ministère public, qui considérait, pour sa part, que les poursuites qu’il avait entreprises devaient, au contraire, aboutir à des condamnations.
Ce 28 septembre 2021, la Cour de cassation — la plus haute juridiction judiciaire du pays — a jugé que les mesures COVID de nature pénale contenues dans l’un des arrêtés du Ministre de l’Intérieur — celui du 23 mars 2020 — trouvaient un fondement juridique régulier dans l’une des dispositions de la loi sur la sécurité civile de 2007.
En tout particulier, la Cour de cassation estime qu’une situation d’urgence épidémique ou pandémique susceptible de mettre en danger la vie de l’ensemble de la population, telle que la pandémie de COVID-19, doit être considérée comme pouvant justifier l’adoption de mesures visées à l’article 182, § 1er, de la loi ‘sur la sécurité civile’.
6. C’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur des mesures COVID, et sans doute pas la dernière.
Ce qui frappe, c’est que la haute juridiction rend un verdict qui converge avec d’autres, les uns passés, d’autres présents.
Au passé, faut-il rappeler les multiples arrêts de la section du contentieux administratif du Conseil d’État et les multiples décisions judiciaires qui divergeaient de la décision courtraisienne cassée, au nombre desquelles l’important arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 7 juin dernier.
Au présent, faut-il souligner l’adoption d’une loi « pandémie », le 14 août 2021, entrée en vigueur ce 4 octobre 2021, qui, à quelques nuances près, établit pour le futur un même dispositif législatif que celui qui a servi d’assise aux mesures COVID de ces dix-huit derniers mois… mais qui déclare aussi le trio de lois mobilisé jusqu’ici inapplicable à l’avenir… ce qui revient à écrire que le législateur lui-même consent, de ce fait, à ce que le trio de lois en cause ait pu valablement servir jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
7. On sera attentif aux développements à venir, notamment ceux qui conduiront la Cour constitutionnelle, saisie de diverses questions préjudicielles, à devoir s’exprimer.
Mais les interventions successives du législateur et de la Cour de cassation de ces dernières semaines devraient peser lourd dans cette lutte parallèle visant à défendre la légalité des mesures prises en vue de protéger la population d’un virus particulièrement dévastateur pour la vie et la santé de l’être humain…