JeL : À quoi vous attendiez-vous exactement ?
G.L. : Je pensais dormir deux jours en prison, c’est-à-dire à vivre comme un vrai détenu ne serait pas correct. Disons que je m’attendais à voir la prison de l’intérieur et à expérimenter, même de très loin, les conditions de vie d’un détenu. Mais je n’ai jamais imaginé que j’allais vraiment me sentir détenue !
JeL : Vous avez donc seulement approché la réalité…
G.L. : Je suis arrivée le dimanche à huit heures et ce n’était pas facile de trouver le bon endroit parce que le personnel lui-même ne savait pas par où nous devions rentrer, ce que nous devions faire…
Nous avons dû faire notre badge (ce badge devrait permettre une relative autonomie au détenu, à l’intérieur de la prison de Haren) et je suis entrée vers dix heures dans ma cellule. La porte a été fermée.
Nous avons eu plusieurs activités – conférence d’un ex-détenu, information concernant Rhizome, association qui aide les détenus à leur sortie et dessin –, nous avons eu également trois préaux. Mais un détenu n’a jamais tout ça ! Jamais ! D’autre part, contrairement de nouveau à un détenu, nous papotions après chaque activité ; nous avons parlé avec le directeur, les gardiens, les responsables d’activité mais un détenu rentre immédiatement dans sa cellule après son activité.
Cela dit, il y a eu une certaine expérience de l’enfermement. Quand la porte de la cellule s’est fermée, nous avons tous eu des angoisses. Vous voyez l’heure par la fenêtre mais vous ne savez pas du tout ce qu’il se passe dans la prison. Les portes des cellules sont vraiment grosses alors parfois vous entendez du bruit, vous avez l’impression qu’il y a un mouvement et vous vous demandez « Est-ce qu’il se passe quelque chose ? Est-ce qu’on m’a oubliée ? ». On est vraiment seul !
JeL : Seule comme doivent se sentir les détenus ?
G.L. : Je crois, même si c’est évidemment en mode mineur. Vous êtes seule, tout fonctionne par badge. Vous pensez que cela va bientôt être le préau et donc que la petite porte du badge devrait s’allumer sur l’écran mais ce n’est pas le cas. Donc de nouveau vous vous demandez « M’a-t-on oubliée ? » ou encore « Dois-je badger ou pas ? ».
Vous êtes tout seul mais, en fait, pas vraiment ! Les gardiens ont toujours un droit de regard sur vous, par la petite lucarne extérieure que vous ne savez pas occulter. Donc oui, vous êtes seul mais vous n’avez pas d’intimité. On peut vous déranger tout le temps, en vous regardant par la lucarne quand vous ne vous y attendez pas. Et quelqu’un peut toujours, à n’importe quel moment, ouvrir votre porte.
JeL : Quel a été le plus pénible à vivre, pour vous ? Ce manque d’intimité ?
G.L. : J’avais plus de stress avec le fait de me savoir enfermée sans savoir quand je pourrais sortir, quand on ouvrira ma porte pour aller au préau, au repas. Du coup, je me suis dit qu’on doit se faire vite de petites stratégies et, finalement, j’ai eu moins de mal à surmonter ce stress quand j’ai demandé, à chaque rentrée en cellule, quelle était l’étape suivante.
En fait, vous êtes complètement dépendant, ça c’est dur, vous ne savez jamais ce qui va se passer, vous êtes tout le temps dépendant !
JeL : Votre façon de voir la prison a-t-elle changé après cette expérience ?
G.L. : C’est une mauvaise question pour moi parce que je ne suis vraiment pas convaincue par la prison. Il y a des personnes qui sont réellement dangereuses pour ceux qu’elles côtoient dans la société mais, même à ces personnes-là, on ne leur propose pas une manière d’aller mieux…
Les conditions de détention à Haren sont vraiment bien meilleures qu’à Forest ou Saint-Gilles, c’est une évidence. Oui, il y a une certaine autonomie avec l’idée de circuler seul grâce aux badges. Mais en même temps, si les budgets ne suivent pas concernant la réinsertion, la formation, le suivi médical, psychologique, psychiatrique, je ne pense pas que la récidive va baisser.