Une ONG active pour mieux assurer la Justice dans le monde : « RCN-Justice & Démocratie »

par Pierre Vincke - 20 janvier 2025

Des pays et leurs peuples sont parfois durement blessés et la Justice doit y être refondée pour rebâtir leur société et leur État de droit. L’ONG « RCN Justice & Démocratie » y apporte sa contribution.
L’article qui suit, coordonné par Pierre Vincke, administrateur de cette ONG, nous présente cette dernière

1. ONG de droit belge, « RCN Justice & Démocratie » a été fondée en octobre 1994 pour appuyer le Gouvernement rwandais à reconstruire un système judiciaire capable de traiter les crimes de génocide perpétrés contre les Tutsis.
La formation des juges, des procureurs et des officiers de police judiciaire permit de démarrer les premiers procès dans des chambres spécialisées en 1997.
Par son action, « RCN Justice & Démocratie » participa à la naissance d’un long processus de justice qui non seulement évita tout risque de vengeance, mais se termina par le jugement de plus d’un million d’accusés par les juridictions gacaca que l’ONG avait anticipées à travers l’appui aux procédures d’aveu menées par le parquet (sur ces juridictions, il est renvoyé à l’article suivant publié sur Justice-en-ligne : Noëmie Martin, « L’expérience des gacaca au Rwanda : nous avons vu le film ‘Une des Mille Collines’ »).

2. Parallèlement à ces appuis, en 1998, « RCN Justice & Démocratie » ouvrit un bureau d’aide judiciaire en Haïti, un autre au Burundi et un troisième en République démocratique du Congo.
Contrairement au Rwanda, ces deux derniers pays firent l’objet à la fois d’appui au Ministère de la Justice et aux associations locales.
Cette stratégie d’appui à la société civile et à l’État renvoie à Hegel et à sa définition de la société civile, laquelle est antérieure à l’État, lui-même sphère de gestion des conflits indépassables dans la société civile et garant de l’intérêt général. Cette acception de la société civile est pensée ainsi dans la plupart des ONG.
Ce double impact de « RCN Justice & Démocratie » au Burundi et en République démocratique du Congo se traduit, d’une part, dans l’offre de justice, à savoir des activités de soutien aux institutions judiciaires, et, d’autre part, dans la demande de justice, autrement dit aux associations et aux personnes concernées.

3. Rapidement, « RCN Justice & Démocratie » comprend que, mis à part le contexte rwandais, partout ailleurs, l’accès à la justice était une fiction pratiquée par les programmes de développement et les élites. La majeure partie de la population se détourne des tribunaux, même les tribunaux de paix : trop chers, trop lents, trop lointains, trop incompréhensibles.
Dès les années 2010, « RCN Justice & Démocratie » se focalise sur les opérateurs de l’État les plus proches de la population (officiers de police judicaire, animateurs du droit, etc.). C’est le même souci de proximité qui fut le déclencheur au Burundi d’un long processus de vérité et de mémoire mené durant les mêmes années 2000 lors de la création d’une trilogie sur l’histoire du Burundi, tragédies théâtrales présentées sur les collines à plus de 200.000 personnes ; la troisième tragédie figurait une commission « Vérité et Réconciliation ». Ce travail fut ensuite traduit sous la forme d’une consultation auprès de la population présente durant les spectacles sur les modes de justice qu’elle espérait voir se concrétiser.

4. Dès la seconde décennie, « RCN Justice & Démocratie » poussa plus loin sa vision relative à la justice de proximité en étudiant les autres modes de justice opérant en République démocratique du Congo, les coutumes et les modes alternatifs plus ou moins formels pratiqués par les associations ou collectivités en l’absence de l’État. Plus avant, l’hypothèse de l’absence de l’État se mua en l’hypothèse de l’absence d’État.
Ceci explique aujourd’hui la perception d’un plurijuridisme de fait et un plaidoyer pour un plurijuridisme de droit, lequel serait un pas de plus vers l’État de droit. Le pluralisme juridique est défini par le professeur Jacques Vanderlinden comme étant la situation dans laquelle un individu peut, dans une circonstance identique, se voir appliquer des mécanismes juridiques relevant d’ordres juridiques différents. Les appuis apportés aux acteurs de la justice coutumière en parallèle avec ceux fournis aux acteurs judiciaires attestent la pertinence des choix de l’ONG, de plus en plus soutenue par ses bailleurs de fonds pour continuer dans cette voie.
Voie qui poursuit un combat mené depuis presque un siècle par les grands visionnaires que furent Antoine-Joseph Sohier, procureur au Congo avant l’indépendance, Jacques Vanderlinden, professeur d’histoire du droit à l’ULB, Étienne Leroy, créateur du laboratoire d’Anthropologie de Paris I Sorbonne, et Pierre Akele, professeur de droit pénal et secrétaire général du Ministère de la Justice de la République démocratique du Congo, depuis les indépendances jusqu’à nos jours.

5. En filigrane de cette évolution de « RCN Justice & Démocratie », dont la description est loin d’être complète, se pose toujours la question de la décolonisation du droit, légué par les colonisateurs et embrassé par les pouvoirs qui lui succédèrent.

6. Depuis trois ans, « RCN Justice & Démocratie » est associé à l’ULB et à l’UCL : l’accès à un certificat en Justices transitionnelles est proposé aux étudiants, magistrats, activistes, artistes, scientifiques durant une demi-année en distanciel et en présentiel (un mois).
Les cours sont dispensés par de grandes figures du monde académique, professionnel et associatif francophone. « RCN Justice & Démocratie » y dispense aussi ses expériences et visions à la fois sur le travail de mémoire et celui du plurijuridisme.
Les prochains cours débutent en janvier 2025. Ils sont encore accessibles à ce jour et une bourse est décernée par nos soins.
Pour tout renseignement complémentaire, s’agissant du certificat et de la bourse qui peut y être associée, on peut contacter Mme Noëmie Martin (noemie.martin@rcn-ong.be).

7. Nous ne pourrions manquer de citer les programmes d’appui menés au Maroc, en appui aux femmes victimes des violences sexuelles, au Sénégal, en appui aux victimes de Hissène Habré, au Sud-Soudan en formations des juges d’un État naissant, et au Burkina Faso.

8. À ce jour, l’ONG est composée d’environ trente personnes et est partenaire de nombreuses associations congolaises, burundaises, rwandaises, marocaines, belges et burkinabées.

9. « RCN Justice & Démocratie » est également active au sein de la société belge, par un travail auprès des médias et des écoles, centré sur le devoir de mémoire relatif aux crimes de génocide et contre l’humanité et la prévention de la violence, ainsi que des mises en dialogue, des voyages d’échange et la création d’outils pédagogiques. La Fédération Wallonie-Bruxelles a décerné, à ce titre le label mémoire à l’ONG.

10. La stratégie à long terme de l’ONG définit quatre grands axes d’intervention : celui du traitement et de la non-répétition des violences de masse, celui de la visibilisation des violences systémiques (de genre, racistes, et contre les minorités), celui de l’effectivité et la reconnaissance des justices plurielles et celui du respect des droits humains par les autorités judiciaires et policières.

ONG « RCN Justice & Démocratie » (https://rcn-ong.be)
Direction : Joël Phalip
Boulevard Adolphe Max, 13-17 (Bte 8) – 1000 – Bruxelles – Belgique
Tél : +32/(0)2/347.02.70

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