La procédure de plainte d’un justiciable mettant en cause un avocat – Le devoir de loyauté de l’avocat

par Pierre Corvilain - 23 décembre 2009

L’une de nos internautes fait état de difficultés rencontrées avec son avocat, au sujet duquel elle s’est plainte auprès du bâtonnier. Comme celui-ci a estimé ne pas devoir poursuivre l’avocat sur le plan disciplinaire, notre correspondante s’interroge. Elle se demande aussi quelle est la portée de la règle déontologique selon laquelle l’avocat ne peut plaider le contraire de ce qu’il sait.

Nous avons demandé à Pierre Corvilain, ancien président de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (O.B.F.G.), de nous éclairer.

1. La question posée par cet internaute est relative aux plaintes concernant des avocats introduites auprès du bâtonnier de leur Ordre.

Il ne m’appartient évidemment pas d’exprimer une opinion sur l’affaire qui donne lieu à la question posée, à défaut de connaître le dossier.

Il convient d’abord de rappeler que, pour être recevables, les plaintes sont introduites par écrit, doivent être signées et datées et contenir l’identité complète du plaignant. A partir du moment où une plainte répond à ces conditions, le bâtonnier procède à une enquête qu’il mène lui-même ou à laquelle il fait procéder par l’enquêteur qu’il désigne, lui aussi avocat. Le plaignant et l’avocat concerné sont informés par écrit de l’ouverture de l’enquête. Le plaignant a le droit d’être entendu pendant l’enquête. Ses déclarations sont consignées dans un procès-verbal dont il peut demander une copie.

A l’issue de l’enquête, si le bâtonnier estime que la plainte est non recevable, non fondée ou présente un caractère véniel, il en informe le plaignant et l’avocat par écrit.

C’est apparemment ce qui a été fait dans le cas d’espèce.

Le plaignant peut contester la décision dans un délai de trois mois, par lettre recommandée à la poste adressée au président du conseil de discipline (65, avenue de la Toison d’Or à 1060 Bruxelles, si l’avocat en question appartient à l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles).

Ce n’est donc pas, dans les affaires disciplinaires, le conseil de l’Ordre qui peut être saisi d’un recours du plaignant, mais bien le président du conseil de discipline. Celui-ci peut soit confirmer la décision du bâtonnier, soit décider de mesures d’instruction complémentaires, soit encore décider que l’avocat doit comparaître devant le conseil de discipline.

La décision du président du conseil de discipline est notifiée au bâtonnier, à l’avocat et au plaignant. Cette décision n’est susceptible d’aucun recours.

2. Quant au fait qu’un avocat ne peut plaider le contraire de ce qu’il sait, c’est l’application du devoir de loyauté qui est un des fondements de la profession d’avocat. Le serment qu’il prête lui fait obligation de ne pas défendre une cause qu’il sait ne pas être juste. Un avocat ne pourra donc, dans des affaires civiles, contester un fait que son client a reconnu, même sous le couvert du secret professionnel. Loyauté et indépendance sont ainsi liées : l’avocat n’est pas aux ordres de son client et se doit de refuser toute intervention qui lui ferait méconnaître son devoir de loyauté. Ces obligations peuvent aller jusqu’à contraindre l’avocat à mettre fin à son intervention si son client ne se range pas à son avis.

3. Enfin, il convient également de souligner que l’avocat contre lequel une plainte a été déposée a un devoir de sincérité à l’égard de son bâtonnier et de l’enquêteur éventuellement désigné par celui-ci. Les confidences qu’il pourrait être amené à faire à ces derniers ne pourront être portées à la connaissance du plaignant. Celui-ci ne pourra jamais faire état, dans une procédure pénale, civile ou administrative, de l’existence ou d’éléments d’une procédure disciplinaire (article 477 du Code judiciaire).

Votre point de vue

  • GRUSZKA
    GRUSZKA Le 13 juillet 2013 à 10:28

    Bonjour, je réside également en Guadeloupe et j’ai également rencontré des problèmes avec mes affaires contre le rectorat. L’avocat que j’avais retenu, après en avoir consulté deux autres, a tenté de dépasser le délai de dépôt de plainte que je voulais déposer contre le recteur. Il a fallu que je dépose moi-même plainte puis que je suive son avancée, car elle avait mystérieusement disparu, en écrivant au Procureur Général de la Cour d’Appel de Basse Terre.
    Cette plainte est désormais en cours d’instruction.
    Sans arrêt les avocats nous serinent avec une Justice Coloniale mais que font les avocats quand on dénonce des comportements inadmissibles de hauts fonctionnaires guadeloupéens ? Il fuient.
    Il y a un système mafieux en Guadeloupe aussi pitoyable qu’en Corse.

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  • cath
    cath Le 10 novembre 2012 à 08:17

    bonjour, je viens de lire l’article de Maître Corvilain sur la responsabilité de l’avocat et plainte au batonnier.
    cet article me rassure mais les commentaires me déroutent...
    j’ai contacté le batonnier pour dénoncer un fait grave mettant en cause la responsabilité de l’avocat. celui-ci a omis de faire valoir un article (442 bis) en chambre du conseil ; résultat : mandat d’arrêt confirmé. malgré cette erreur, je reste convaincue que la chambre du conseil a également des responsabilités. n’est-elle pas là pour vérifier la validité d’un mandat d’arrêt ?
    Bref, je n’ai pas réagi à temps et 5 ans sont passés. j’ai malgré tout, gardé confiance en mon avocat même si cette erreur a été lourde de conséquences...
    5 ans après, ce même avocat laisse "passer" la date de prescription, là, c’en est trop !
    dans un courrier, je lui fais par de ma déception et souligne son erreur.
    réponse : elle prendra ses responsabilités via son RC.
    je précise que je me défends seule. courrier au batonnier, j’attends la réponse.
    je reste néanmoins confiante et j’espère que cette situation sera, avant tout, réglée à l’amiable. pas envie de trainer mon avocat devant un conseil de discipline !

    • tiguisson
      tiguisson Le 25 mars 2013 à 23:06

      Bonsoir,
      Vraiment pas facile quand l’avocat joue son " jeu". Face au client, l’avocat c’est "Le pot de fer contre le pot de terre". Il est au fait des rouages de la justice, peu honnête, il en profite.
      Je recherche un avocat hors du barreau, mais pouvant intervenir en Guadeloupe.
      J’ai l’intention de porter plainte contre un avocat du barreau pour (Manquement ou tromperie).
      Le motif, voila bientôt cinq années que j’aie confié mon dossier à cet avocat en vue d’assignation au tribunal de grande instance de Pointe-à-pitre. S’agissant de régler une affaire de prescription acquisitive.
      J’ai reçu une promesse verbale de sa part, mais sans aucun effet. En dépit des honoraires payés.

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  • es sentiel
    es sentiel Le 21 octobre 2012 à 19:48

    Le 21 octobre 2012 par es sentiel

    Que l’on perde ou que l’on gagne, il faut déposer plaintre contre toutes anomalies.
    Osons espérer que les plaintes s’accumant le conseil de l’ordre s’en inquiètera .
    Ces plaintes devraient figurer dans un listing accessible à tous .
    J’ai pour ma part fait les frais de mensonges de l’avocat .

    "Il est plus facile de s’arranger avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation." - Friedrich Nietzsche

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  • De Puydt E.
    De Puydt E. Le 24 mai 2011 à 17:49

    "il convient également de souligner que l’avocat contre lequel une plainte a été déposée a un devoir de sincérité à l’égard de son bâtonnier et de l’enquêteur éventuellement désigné par celui-ci"... .

    L’on croit vraiment en Saint-Nicolas ou du moins l’on joue le jeu de faire croire ... .

    Un bâtonnier dans TRES peu de cas est objectif et traite les plaintes correctement. En général il couvre son confrère... .

    Foutaise absolue donc cette procédure. Allez directement au but : tribunal de première instance sans passer par le cantonnier... ou est-ce le chansonnier...?

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  • VAN LIERDE FREDERIQUE
    VAN LIERDE FREDERIQUE Le 28 avril 2010 à 11:35

    Bonjour à vous tous,
    Je découvre ce site et même si je sais qu’il ne réparera pas toutes les injustices que j’ai vécues, cela me fait le plus grand bien de pouvoir enfin m’exprimer. Je comprends le désarroi des personnes qui se sentent dupées par LE POUVOIR de la Justice. Il devrait exister une sorte de Commission de Justice Générale vérifiant la bonne attitude des Juges, Bâteliers et avocats et donc, du respect des droits des personnes en procédure. Mes expériences avec la Justice et les avocats m’ont largement démontrées qu’il faut avoir de l’argent et des "connaissances" voire du pouvoir pour avoir droit à cette Justice. Nombre de débats pourraient être ouverts sur son fonctionnement trop souvent ANORMAL !

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  • Ingeveld Aimée
    Ingeveld Aimée Le 18 mars 2010 à 22:10

    Bonjour,
    Aux prises avec le bâtonnier de l’Ordre des avocats qui reçoit son "confrère" accusé par moi de malversations et l’écoute, mais refuse de me recevoir pour défendre mon point de vue ...le bâtonnier refuse simplement de ne pas passer le dossier aux membres du Conseil de l’Ordre et m’envoie au pénal avec ce dossier.

    J’ai donné toutes les preuves concernant l’accusation portée contre l’avocat, mais le bâtonnier le protège.
    Ai-je un recours contre le bâtonnier ?
    Je ne laisserai pas passer cette faute d’avocat qui prête ses connaissances des lois pour les contourner moyennant monnaie ....
    Je tenais à le souligner, car marre de voir les "petits" écrasés par l’argent, le protectionnisme et la mauvaise foi !

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  • Le 10 janvier 2010 à 14:10

    Même si des fois je ne suis pas toujours d’accord avec tous les articles que l’on peut-y trouver, je tenais à vous remercier pour votre formidable site.

    Merci pour ton article et bonne année à toutes et à tous !

    Mario de Jeux de mario & Jogos de mario

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  • KOULOS Kosta
    KOULOS Kosta Le 30 décembre 2009 à 00:57

    Quant l’avocat du client est une éminente personne, Docteur en Droit, Licencié en Criminologie et ancien Bâtonnier de surcroît, malgré ses fautes lourdes évidentes, il est toujours protégé par ses Confrères ! Je me bats depuis des années pour faire valoir mes droits, malgré mes plaintes fondées, dont une avec Constitution de Partie Civile et cinq autres chez des Bâtonniers, j’attends toujours les suites ?
    Le Code de déontologie qui est constitué de règles supposées strictes et précises a été violé quasiment par tous les avocats que j’ai consultés, sans aucune gêne, est-ce normal ?

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  • anne-Marie reynders
    anne-Marie reynders Le 24 décembre 2009 à 10:55

    Parfois on ne peut pas obtenir ce que l’on veut et on a besoin d’une ’tête’ à foudroyer. C’est de l’impuissance face à un pouvoir plus fort. L’avocat n’est pas toujours en cause. Pour Fortis, nous ne savons pas tout je suppose et pour une fois les "petits" n’ont pas perdu leur maigre avoir. C’est dur pour ceux qui comptaient sur de grosses sommes mais c’est une bénédiction pour ceux qui n’en avaient que très peu.Je pense que la différence entre les deux reste toujours au même niveau même si l’un a perdu beaucoup de sous. Dommage pour eux. D’un coup ils se sentent vulnérable, impuissant et ça......difficile à accepter.

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