La prescription, la fin du temps pénal

par Gian-Franco Raneri - 31 mars 2009

L’un de nos correspondants nous interpelle sur la notion de prescription en matière pénale. Voici quelques explications fournies par Gian-Franco Raneri, référendaire à la Cour de cassation, maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles et assistant à l’Université Saint-Louis à Bruxelles.
L’attention des lecteurs est toutefois attirée sur le fait que la législation en la matière a évolué depuis la date à laquelle cet article a été mis en ligne.

L’action publique, c’est-à-dire les poursuites pénales entamées à la suite d’une infraction, ne peuvent durer éternellement : telle est la raison d’être de la notion de prescription , organisée par les articles 21 à 25 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale : il s’agit d’un délai mathématique dans lequel la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit être définitivement jugée ; à défaut, elle ne peut plus être ni poursuivie, ni jugée sur sa culpabilité pénale. Éteignant ainsi l’action publique, l’écoulement du temps empêche le juge de dire la « vérité judiciaire » au plan pénal : il ne peut pas, même si la personne était en aveux, la déclarer coupable, ni lui infliger une peine.

Le juge n’est pas face à un choix mais à une obligation, celle de constater d’office la prescription. De plus, le prévenu ne peut y renoncer. C’est ce qu’on appelle le caractère d’« ordre public » de la prescription.

La prescription est classiquement justifiée par l’atténuation du trouble à l’ordre social en raison du temps écoulé (l’infraction aurait plongé dans l’« oubli ») ainsi que par le dépérissement ou la fragilisation des preuves, la perte des souvenirs chez les témoins et l’accroissement consécutif du risque d’erreur judiciaire et la mise à mal des droits de la défense.

Seules trois infractions sont imprescriptibles : les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et les crimes de guerres. En revanche, non sans émoi dans le grand public, les autres infractions, les plus odieuses soient-elles, sont soumises à un délai de prescription. La durée de ce délai varie, toutefois, en fonction de la nature de l’infraction et donc de leur gravité. Elle est prédéterminée par le législateur :
 crimes non correctionnalisables : 15 ans ;
 crimes correctionnalisables mais non correctionnalisés : 10 ans ;
 crimes punissables de la réclusion à perpétuité ou de la réclusion de vingt à trente ans qui ont été correctionnalisés par la juridiction d’instruction ou par le ministère public : 10 ans ;
 certains crimes sexuels (voy. ci-dessous) commis envers des mineurs qui ont été correctionnalisés : 10 ans ;
 crimes punissables de la réclusion n’excédant pas vingt ans qui ont été correctionnalisés (sauf comme dit ci-dessus, certains crimes sexuels commis envers des mineurs) : 5 ans ;
 délits : 5 ans ;
 délits contraventionnalisés : 1 an ;
 contraventions : 6 mois.

Des lois particulières peuvent déroger à ces délais de principe. Il en est ainsi, par exemple, en matière de roulage.

Dans un passé récent, quelques importants procès de délinquance financière et de grand banditisme étaient sur le point d’aboutir au constat d’une irrecevabilité des poursuites en raison de la prescription. La loi a alors été modifiée, un peu en catastrophe, pour allonger le délai de prescription. Ce type de mesure ne va pas sans poser problème sur cette manière de légiférer et montre les dangers d’une justice rendue dans des délais trop longs.

Le point de départ des délais de prescription est, en principe, le jour où l’infraction a été commise, sauf par exemple pour cinq crimes sexuels commis envers des mineurs. Par ailleurs, les délais de prescription sont allongés en présence de causes d’interruption (audition du prévenu ou d’un témoin, citation du ministère public ou de la partie civile, plainte avec constitution de partie civile, jugement de condamnation, etc.) qui font courir un nouveau délai d’égale durée (exemple : maximum théorique de 30 ans pour les crimes non correctionnalisables) ou de causes de suspension de la prescription, telle la durée de la procédure devant la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation.

Si la victime s’était constituée partie civile avant l’extinction de l’action publique devant le juge pénal du fond, celui-ci reste compétent pour se prononcer sur l’action civile, c’est-à-dire sur l’indemnisation de la victime. Dans le cas inverse, la victime n’est pas sans recours, mais elle doit introduire son action devant le juge civil (avec la limite de la prescription de l’action civile).

La prescription de l’action publique ne se confond pas avec le délai raisonnable, autre limite au traitement d’un dossier. Pour que le procès soit équitable, comme l’exige l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la justice doit être rendue dans un délai raisonnable. Ce délai n’est pas mathématique, prédéterminée ; il est plus « subjectif » : il dépend des données concrètes de l’affaire. Si le délai raisonnable est dépassé sans altération de la force probante des éléments de preuve, il incombe au juge d’en tirer les conséquences : soit en ne prononçant qu’une simple déclaration de culpabilité, sans qu’une peine soit prononcée ; soit en appliquant une peine réduite (article 21ter du Titre préliminaire du Code de procédure pénale).

Un dernier mot : pour répondre plus précisément à la préoccupation concrète de notre correspondant, signalons-lui seulement que :

 depuis un peu plus de vingt ans, le législateur est intervenu spécifiquement en matière de délinquance sexuelle envers les mineurs ;

 depuis une loi du 13 avril 1995, il postpose le point de départ du délai de prescription pour certains crimes sexuels commis envers les mineurs :non pas le jour où l’infraction a été commise, mais celui où la victime a atteint l’âge de 18 ans ; la liste de ces crimes a été étendue par une loi du 28 novembre 2000 (entrée en vigueur, pour la disposition qui nous intéresse, le 27 mars 2001) et une loi du 10 août 2005 (entrée en vigueur le 12 septembre 2005) ; il s’agit des crimes d’abus sexuels (articles 372 à 377, 379 et 389 du Code pénal), de mutilations sexuelles (article 409 du Code pénal) ou de traite à des fins d’exploitation sexuelle (article 433quinquies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code pénal) ;

 depuis la loi du 28 novembre 2000, complétée par la loi du 10 août 2005, le législateur prévoit que, pour l’ensemble de ces crimes sexuels commis envers les mineurs, le délai de prescription reste, même en cas de correctionnalisation, de 10 ans (et n’est donc pas réduit à 5 ans) ; cette loi ne supprime par contre pas la possibilité de correctionnaliser ces crimes ;

 le nouveau régime de prescription n’est applicable qu’aux faits qui, au moment de son entrée en vigueur, ne sont pas prescrits suivant la loi ancienne.

Votre point de vue

  • Georges
    Georges Le 2 mars 2016 à 09:23

    Bonjour j ai signer un document comme quoi mon créancier à une saisie sur mes part de ma société, est ce que le fait de signer ce document à fait remettre à zéro ma prescription ?

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  • irene
    irene Le 4 février 2015 à 20:13

    En voulant vendre ma voiture , on m’a dit qu’elle est gagée , une immobilisation a été faite par la police le 3 fev 2010 .Nous sommes le 4fev 2015 , y a -t-il prescription ?

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  • tristesse
    tristesse Le 25 septembre 2014 à 13:04

    en septembre 2009 j’ai été condamné à une amende de 1000,10 EUR à payer à l’état luxembourgeois pour une infraction de roulage, je n’ai pas su encore régler cette somme, j’ai trés peu de moyen, résultat si je ne paye pas je vais en prison, contrainte par corps 20jrs, est-ce légal ? n’y à t-il pas délai de prescription ?.
    je suis résidente belge

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  • gladys
    gladys Le 16 juillet 2014 à 21:55

    J’ai été victime de crime de chirurgie. J’ai été utilisée pour la vivisection humaine une expérience qui a profité à la science. Je suis rentrée dans une clinique avec mes deux bras et suis ressortie avec un seul bras valide. Celui de gauche est resté paralysé à vie et toujours très douloureux même après 33 ans. Droguée à cause des douleurs durant 9 mois et toujours à cause de la douleur et ma perte de poids 24 kg j’ai fait une année d’hôpital alitée et encore une autre année à la maison sans avoir la force de me lever de mon lit. J’ai dû tout réapprendre d’une main. Ce crime de chirurgie m’a traumatisée à vie c’est un mutilation qualifiée par le procureur de lésion corporelle grave. Mais il y a prescription. Le prof. X qui a pratiquer cette expérience m’a menti et m’a intimidée lorsque je lui ai téléphoner pour avoir du Valloron. Il m’a dit que si je le faisais chier il me coupe le bras. C’est cruelle et abominable J’ai encore du aller 3 ans dans un Centre pour handicapés pour apprendre le métier de secrétaire. J’ai déposé ma plainte il y a seulement une année et comme de bien entendu il y a prescription. J’ai mon dossier médical ou il avoue avoir couper un seul nerf sous-scapulaire. Suite à mes plaintes j’ai été convoquée par la clinique et ils m’ont avoué qu’ils ont fait sur cinq personnes âgées des essais et sur moi qui avait juste 19 ans à l’époque. Ce dont j’ai été victime on peut le considérer comme de la vivisection sur être humain. Je suis mutilée à vie. Je n’ai jamais été dédommagée. A l’heure actuelle j’ai encore beaucoup de témoins vivant, des aveux et des preuves. Ce qu’on a fait avec moi est monstrueux, je ne m’en suis jamais remise. Excusez-moi mais dans certains cas il doit y avoir l’imprescriptibilité. Je ne comprends pas pourquoi en cas de conflit le crime contre l’humanité est retenu et que lorsqu’il s’agit d’une seule personne civile c’est lésion corporelle grave. La vivisection sur être humain ou crime de chirurgie est un truc de nazi donc imprescriptibilité.

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  • Ines
    Ines Le 21 juin 2014 à 12:16

    Bonjour,

    Je voudrais savoir comment on calcul le délai de prescription d’une peine de 10 ans en correctionnelle (après appel).
    je voudrais aussi savoir si il y a aussi une prescription pour les frais (commission pour l’aide financière aux victimes ... - service public Fédéral Finances - administration générale de la documentation patrimoniale)
    d’autre part, est-ce qu’il y a des démarches à faire une fois le délai dépassé ou est-ce automatique
    d’avance merci

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  • Badette
    Badette Le 17 juin 2014 à 07:38

    Si une affaire est déjà venue (bien dans les temps)devant une juridiction mais qu’il y a eu report à plusieurs reprises car la partie adverse n’était pas prête, pas présente ou demandait des délais pour constitution de dossier, peut-on, à un moment donné, stopper l’action pour prescription ? Ce serait alors un jeu d’enfant pour les avocats d’obtenir des reports jusque la prescription....

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  • pierre
    pierre Le 23 avril 2014 à 13:28

    Bonjour a vous je ne comprend pas j ai subi un attouchement en 1999 je suis nee en 1992 puis je peux porter plainte encore ou pas merci

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  • plaza
    plaza Le 18 mars 2014 à 11:20

    j"ai 42 ANS , et j"ai été abusé sexuellement par mon père pendant des années (il ne le nie pas ) seulement je me suis tu tant que ma mère était vivante , elle n’aurait jamais supportée d’apprendre la vérité étant déjà dépréssive ; elle est décédé en 2009 , et j’ai éssayé de faire en sorte que justice soit faite meme après tant d’années puisque moi dans mes souvenirs les plus cauchemardesques , il n’y à pas prescription !!! Maintenant je dois vivre avec ça et celà me ronge tout les jours et cet etre répugnant me sourit dès que je le croise ...

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  • Fred
    Fred Le 24 juillet 2013 à 00:48

    Cela fait toujours sourire de voir que la majeure partie des personnes s’intéressant à cet article ne sont pas des victimes... C’est à se demander où est l’interet de ces changements !

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  • Nicolas
    Nicolas Le 13 mai 2011 à 09:37

    Bonjour,

    En terme de prescription , Y a t il un délai pour les infractions urbanistiques ?

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