L’OCAM : lutte et prévention contre l’extrémisme

par Thérèse Jeunejean - 20 février 2024

L’actualité des dernières semaines a souvent mis l’OCAM au-devant de la scène.
De quoi s’agit-il ?
Thérèse Jeunejean, notre journaliste, nous l’explique.

L’OCAM, présentation générale

1. Le niveau de la menace est maintenu à 3 ! », a dit l’OCAM quelques jours après l’attentat du 16 octobre 2023 à Bruxelles au cours duquel deux supporters de football suédois ont été tués.
OCAM, pour « Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace ».
Sa mission est définie par la loi : « garantir autant que possible la sécurité des citoyens et des intérêts belges en Belgique et à l’étranger, tout en respectant les principes de l’État de droit ».
L’OCAM travaille sous la tutelle des ministres de la Justice et de l’Intérieur. Il est indépendant et rend compte au gouvernement via le Conseil national de sécurité. Il est contrôlé par le Comité P (contrôle des services de police), le Comité R (contrôle des services de renseignement) et l’Organe de contrôle de l’information policière (« COC »).
Ajoutons des contacts avec des partenaires étrangers dans un objectif de partage le plus important possible de l’information.

Mesurer la menace

2. Sur la base des informations communiquées par ses « partenaires », dont il sera question plus loin sous le n° 9, cet organisme fédéral analyse et évalue en permanence la menace terroriste et extrémiste sur une échelle de 1 à 4.
Ponctuellement, lors de certains événements (marché de Noël, sommet de l’Union européenne, etc.), lorsque des menaces sont proférées contre des personnalités ou par une personne ou un groupe, l’OCAM détermine spécifiquement le niveau de la menace.
C’est généralement lorsque ce niveau de menace est annoncé que le grand public entend parler de lui. C’est aussi sur base de ces analyses que différents services vont concrètement prendre des mesures de sécurité.

3. Au niveau 1, ou faible, la personne, le groupement ou l’événement analysé n’est pas aucune menace n’est détectée.
Au niveau 2, ou moyen, la menace est peu vraisemblable.
Au niveau 3, ou grave, la menace est possible et vraisemblable.
Au niveau 4, ou très grave, cette même menace est sérieuse et imminente.
Actuellement, au 10 novembre 2023, date à laquelle le présent article a été rédigé, l’OCAM a décidé de placer la menace au niveau 3 pour l’ensemble du Royaume.

Historiquement

4. Quand, en 1984, on parle de menace terroriste en Belgique, le Groupe Interforces Antiterroristes – brièvement : le « GIA » – est mis sur pied.
Sa raison d’être : rassembler et analyser de manière coordonnée les informations et renseignements relatifs au terrorisme et à de possibles manifestations terroristes. Il s’agit d’aider les services de police et de renseignements à prendre les mesures adéquates pour lutter contre le terrorisme.
Vingt-deux ans plus tard, en 2006, l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM) est créé, avec le même objectif que le GIA, défini ci-dessus.
Mais les progrès sont importants : les services « partenaires » (voir ci-dessous, sous le n° 9), plus qu’auparavant, sont aussi obligés de communiquer l’ensemble de leurs informations à l’OCAM.

Un gros travail de prévention

5. L’annonce du niveau de la menace est l’une des missions de l’OCAM, mais elle en exerce d’autres.

6. Le directeur ad interim de l’OCAM, Gert Vercauteren, est très clair à ce sujet :
« Le terrorisme n’apparait pas en vase clos. Il est souvent précédé d’un processus de polarisation et de radicalisation. Certains individus qui se sentent rejetés de la société deviennent vulnérables à l’influence d’idéologies extrémistes. Dès lors, la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme commence avant tout par la poursuite d’une société inclusive. Nous devons éviter que les problèmes sociétaux se transforment en problèmes de sécurité ».
Réunissant et analysant toutes les informations concernant le terrorisme, l’extrémisme et la radicalisation problématique, en provenance de tous ses partenaires, l’OCAM accomplit tous les jours un travail de prévention et de suivi pour lequel une approche multidisciplinaire est indispensable. Concertation, collaboration, coopération sont au centre de son travail. Celui-ci permet la détection précoce d’un problème (une radicalisation par exemple), l’échange d’informations, la détection des priorités et la coordination des services les plus adéquats pour prendre des mesures nécessaires.

Une étroite collaboration

7. En effet, si le plan initial de 2006 envisageait uniquement une approche purement répressive, au fil des années, celle-ci s’est montrée insuffisante.
Ce plan initial a donc évolué vers un plan d’approche pluridisciplinaire, prenant en compte tous les niveaux de pouvoir en Belgique et visant une coopération la plus étroite possible.
On parle maintenant de la « Stratégie extrémisme et terrorisme » (en bref : « T.E.R. »). Son but : « réduire autant que possible le radicalisme et l’extrémisme, y compris le processus de radicalisation au sein de notre société ». Les thématiques prises en compte sont beaucoup plus larges puisqu’elles incluent les convictions politiques, idéologiques, confessionnelles ou philosophiques diverses.

8. Diverses plateformes de concertation sont mises en place :

  • Les Taskforces locales (TFL) s’intéressent au volet répressif et sécuritaire. Les services de sécurité échangent des informations et discutent de cas concrets : comment les personnes concernées seront-elles suivies via des mesures socio-préventives ou de sécurité ?
  • Les cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisme (CSIL R) travaillent préventivement. Elles sont présidées par le bourgmestre et réunissent les autorités locales, l’Officier de police local et les représentants des acteurs sociaux locaux (écoles, Forem/Actiris, CPAS, etc.).

Depuis 2018, les communes ont l’obligation de créer une CSIL R.

  • Un « information Officer » présent au sein des TFL et des CSIL R fait le lien entre les deux plateformes. Il n’est pas l’officier de police local.

9. Enfin, une Taskforce nationale (TFN) coordonne la « stratégie T.E.R. ». Elle réunit les principaux « partenaires » de l’OCAM, soit :

  • le ministère public ;
  • les services de renseignement : la Sûreté de l’État et le Service de renseignement militaire (le Service Général du Renseignement et de la Sécurité, « SGRS ») ;
  • les services de police (fédérale et locale) ;
  • le SPF Affaires étrangères ;
  • le SPF Intérieur (la Direction générale « Sécurité et Prévention », la Direction générale « Office des Étrangers » et la Direction générale « Centre de crise national ») ;
  • le SPF Justice (la Direction générale des Établissements pénitentiaires et le Service des cultes et de la laïcité) ;
  • le SPF Finances (Cellule de traitement des informations financières, CTIF) ;
  • l’Autorité flamande (Communauté et Région flamandes) ;
  • la Fédération Wallonie-Bruxelles (les Services d’aide à la jeunesse, les Maisons de justice, etc.) ;
  • la Région wallonne ;
  • la Région germanophone ;
  • la Région de Bruxelles-Capitale.

Des groupes de travail s’intéressant à une thématique particulière réunissent des spécialistes des différents services et administrations pour des échanges d’expertises et de connaissances.

Une banque de données commune

10. Autre outil de l’OCAM : il possède et gère une banque de données contenant les personnes suivies prioritairement dans le cadre de l’extrémisme et du terrorisme en Belgique.
Créée en 2016, elle permet le partage d’informations avec et entre les différents partenaires.

11. Actuellement en Belgique, on distingue cinq catégories d’extrémistes :

  • Les « Foreign Terrorist Fighters » (FTF) sont partis ou revenus d’une zone de conflit avec l’objectif de se rallier à un groupe terroriste. Ce sont aussi des personnes empêchées de partir ou qui ont l’intention de partir.
  • Les « Homegrown Terrorist Fighters » (HTF) n’ont pas l’intention de partir rejoindre une organisation terroriste à l’étranger, mais commettent des actions terroristes en Belgique ou aident ceux qui les commettent.
  • Les « Propagandistes de haine » veulent justifier le recours à la violence à des fins idéologiques, influencer leur entourage et nuire à l’État de droit.
  • Les « Extrémistes Potentiellement Violents » ont des conceptions extrémistes et l’intention de recourir à la violence, sans avoir entrepris des démarches concrètes dans ce but.
  • Les « Personnes condamnées pour terrorisme », en ce compris les personnes internées ou faisant l’objet d’une mesure de protection pour terrorisme en Belgique ou à l’étranger.

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Thérèse Jeunejean


Auteur

Diplômée en psycho-pédagogie et journaliste, elle a été la première plume en Belgique francophone à mettre l’actualité socio-économico-politique à la portée d’un jeune public. Sur Questions-Justice, elle décode aujourd’hui le fonctionnement de la justice.

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