Aveu de faillite et réorganisation judiciaire : le tribunal de commerce fait respecter les règles du jeu dans l’affaire Brink’s

par Xavier Dewaide - 6 décembre 2010

Voilà un peu plus d’un mois que Brink’s Belgium, filiale belge du groupe américain de transport de fonds Brink’s (« The Brink’s Company »), occupe les premières pages de nos journaux.

Retour, sous la plume de Me Xavier Dewaide, sur un événement aux frontières du droit du travail et de la faillite mais également du politique, du juridique et de l’économique.

Les événements ont pour point de départ une réunion extraordinaire du conseil d’entreprise, convoquée par la direction de Brink’s Belgium.

Au cours de cette réunion, il est exposé aux syndicats la proposition de soumettre tous les membres du personnel, jusque là engagés à titre d’employés, au régime ouvrier. La différence essentielle entre les deux régimes consiste notamment dans la durée de préavis applicable à l’une et l’autre catégorie des contrats de travail.

Craignant que ce changement de statut ne permette de licencier les membres du personnel à moindre coût, aucune négociation ne s’avèrera possible.

Les autorités politiques vont tenter d’infléchir la position de la maison mère mais rien n’y fera.

C’est dans ce cadre que le conseil d’administration tentera de passer en force en déposant au greffe du tribunal de commerce les documents nécessaires à l’appui d’un aveu de faillite.

Entretemps toutefois, Brink’s Belgium avait transféré son activité (rentable) de transport de diamants et pierres précieuses à une société sœur, Brink’s Diamond and Jewelry Services.

Le communiqué de presse publié par la maison mère américaine ne laisse d’ailleurs planer aucun doute sur la manœuvre puisque le, 12 novembre (le jour de l’aveu de faillite), The Brink’s Company annonce qu’elle quitte le marché du transport de « cash » en Belgique mais que l’activité de transport de pierres précieuses continuerait à être assurée.

L’aveu de faillite saisit le tribunal de commerce de la question de la faillite mais, contrairement à l’idée généralement répandue, celui-ci conserve la liberté de prononcer ou non celle-ci selon les éléments en sa possession.
A l’occasion de la première audience, le procureur du Roi doit rendre un avis sur la demande formulée. Dans ce cas précis, il sera extrêmement sévère dans son réquisitoire, estimant que la faillite ne serait effectuée que dans un but de fraude. Il demandera d’ailleurs l’ouverture d’une information pénale à ce sujet.

Cependant, ce n’est pas sur cet élément que le tribunal de commerce va refuser de prononcer la faillite de Brink’s Belgium. Le tribunal va constater que le conseil d’administration n’est pas correctement composé : certains administrateurs auraient du être soit remplacés, soit renouvelés dans leurs fonctions.

La décision d’entamer les démarches de l’aveu ayant été prise par un organe non compétent, le tribunal va donc rejeter la demande et va en profiter pour nommer deux administrateurs indépendants sur base d’un article de la loi sur les faillites qui permet une telle désignation en cas d’absolue nécessité.

Dans le même temps, et sur base de cette décision, la Présidente du tribunal de commerce va rendre une ordonnance qui suspend le transfert de l’activité « diamants », ce qui permettra à la Ministre de l’Intérieur de ne pas délivrer la licence nécessaire à Brink’s Diamond and Jewelry Services pour pouvoir exercer cette activité.

Les deux administrateurs vont donc prendre la place du conseil d’administration.

C’est dès lors en cette qualité qu’ils vont procéder au dépôt d’une requête en réorganisation judiciaire qui est examinée le 23 novembre 2010 par le tribunal de commerce de Bruxelles (cette décision n’est cependant toujours pas publiée aux annexes du Moniteur Belge).

Pour rappel, la loi sur la continuité des entreprises (qui permet la réorganisation judiciaire) a remplacé l’ancienne loi sur le concordat. D’abord plus souple, elle est censée faciliter et alléger financièrement la restructuration d’une société en difficulté. Elle permet notamment de mettre la société qui sollicite la procédure à l’abri de ses créanciers, le temps nécessaire pour permettre le transfert de tout ou partie de l’entreprise.

C’est dans cette optique que travaillent les deux administrateurs indépendants puisqu’une fois qu’ils auront recueilli les offres détaillées qu’ils estimeront suffisantes, il leur appartiendra de les soumettre au tribunal, qui choisira celle qu’il estime comme étant la meilleure.

A ce stade, rien ne permet de savoir si c’est l’entièreté de l’activité qui serait transférée ou seulement une partie de celle-ci.

Rien ne permet non plus de s’assurer que les membres du personnel conserveront leur statut d’employé et ne se verront pas proposer de passer au statut d’ouvrier.

Les syndicats avaient vu dans cette exigence de la direction, une manœuvre pour fermer l’entreprise à moindre coût… Pareille intention ne pourra être reprochée à un repreneur.

S’agissant d’une intention jamais affirmée, nous ne connaîtrons sans doute jamais la vérité sur celle-ci mais un élément de réponse pourrait aussi être la suivante : sur ce marché concurrentiel, les membres du personnel du principal concurrent de Brink’s prestent… sous le statut d’ouvrier.

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