76 millions d’euros saisis au détriment de Google par le mécanisme de la saisie conservatoire européenne : de quoi s’agit-il ?

par Albane Toussaint - 3 juillet 2025

Voici quelques semaines, la presse a fait état d’une décision d’un Juge des saisies belge ordonnant une saisie conservatoire d’une somme due par Google à l’un de ses clients.
Cette actualité nous permet de revenir sur les mécanismes de l’astreinte et de la saisie conservatoire, mais aussi d’évoquer un règlement européen n° 655/2014 du 15 mai 2014 qui, ainsi que le confirme son intitulé, crée « une procédure […] européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale ». Ce règlement contribue ainsi à éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles, autrement dit à rendre plus effectifs les recours aux juges pour faire valoir les droits des justiciables, en ce compris lorsqu’un géant économique est en cause et que le litige se partage entre plusieurs États européens.
Explications par Albane Toussaint, avocate au barreau de Mons et assistante à l’UCLouvain.

1. En mars dernier, un jugement du Juge des saisies du Tribunal de première instance du Brabant wallon aurait ordonné la saisie conservatoire d’une somme de 76 millions d’euros au profit de la startup belge Proxistore, située à Wavre, sur le compte Citibank de Google Ireland Limited.
Il semble que Google ait bloqué certaines campagnes publicitaires de Proxistore, qui a alors agi en urgence devant les cours et tribunaux et sollicité que le service fourni par Google reprenne, et ce, sous peine d’astreinte. L’astreinte aurait été fixée à un million d’euros par heure de blocage. Le blocage ayant duré 76 heures, Google est redevable à Proxistore d’une somme de 76 millions d’euros. C’est en se fondant sur cette créance à l’égard de Google que Proxistore, dans le but de sauvegarder ses intérêts, a obtenu du Juge des saisies la saisie conservatoire.

L’astreinte

2. Dans le cas où un débiteur est redevable d’une somme d’argent, il devra, un jour ou l’autre et d’une manière ou d’une autre, procéder au paiement. Il est possible de l’y obliger via une saisie.
Dans le cas où le débiteur n’est pas condamné à verser une somme d’argent mais à faire quelque chose, la mise à exécution forcée de cette décision est plus problématique : en effet, on ne peut pas forcer quelqu’un à faire quelque chose. C’est pourquoi l’astreinte existe : en cas de condamnation à faire une chose précise, le débiteur se verra en outre condamné (si le créancier le demande) à verser une astreinte par jour de retard dans l’exécution de la décision. Par exemple, si une personne est condamnée à abattre un arbre dans un délai imparti, elle sera condamnée à une astreinte de x euros par jour de retard dans le cas où elle n’y procèderait pas volontairement.
L’astreinte permet donc de forcer une personne à respecter une décision judiciaire qui lui impose de faire quelque chose.

3. En l’occurrence, Google aurait été condamné à cesser le blocage des publicités de Proxistore sous peine d’astreinte d’un million d’euros par heure de blocage, seule possibilité de forcer Google à mettre fin à ses agissements.

La saisie conservatoire

4. La saisie conservatoire se distingue de la saisie-exécution.
La saisie conservatoire a un but préventif : elle vise à empêcher le débiteur de faire disparaitre des biens de son patrimoine pour se rendre insolvable. Ce mécanisme rend les biens du débiteur indisponibles. Il ne peut donc ni les vendre ni les donner, par exemple.
La saisie-exécution vise, quant à elle, à exécuter une décision de justice. Cette saisie permet au créancier de vendre les biens du débiteur et de se faire payer sur leur prix de vente.
En l’occurrence, c’est à une saisie conservatoire qu’a fait procéder Proxistore.

Le règlement européen 655/2014

5. En l’espèce, la saisie conservatoire ordonnée par le juge belge l’a été sur un compte bancaire situé en Irlande. Ce type de saisie est facilité grâce au règlement européen 655/2014 du 15 mai 2014 relatif à l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, applicable depuis le 18 janvier 2017.
Ce règlement vise à faciliter le recouvrement de créances entre les pays de l’Union européenne en matière civile et commerciale (l’exécution des obligations alimentaires est, quant à elle, facilitée grâce au règlement européen 4/2009 du 18 décembre 2008).
Il met en place une procédure permettant à une juridiction d’un pays de l’Union européenne de geler les fonds d’un compte bancaire détenu par un débiteur dans un autre pays de l’Union européenne.
Pour obtenir la délivrance d’une telle ordonnance, le créancier doit démontrer qu’il est urgent d’obtenir une mesure conservatoire car il existe un réel risque qu’à défaut d’une telle mesure, le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu plus difficile. S’il introduit cette demande avant d’obtenir une décision sur le fond du litige, le créancier devra également démontrer qu’il existe de bonnes chances que le juge du fond fasse droit à sa demande (article 7 du règlement).
L’ordonnance de saisie conservatoire oblige la banque à immobilier les avoirs saisis. Les fonds présents sur le compte bancaire qui excéderaient la somme indiquée dans l’ordonnance de saisie conservatoire ne sont pas concernés par celle-ci et doivent être libérés au profit du débiteur.

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous