Qu’entend-t-on par procédure accélérée au pénal ?

par Olivier Legrand - Sophie Morel - 5 février 2025

Il est souvent question dans les médias de procédure accélérée, de justice accélérée ou de procédure de comparution immédiate ? De quoi s’agit-il ?
À l’heure où le tout récent accord de gouvernement « Arizona » évoque des réformes en la matière, Olivier Legrand et Sophie Morel, juges au Tribunal de première instance francophone de Bruxelles et praticiens de ce type de procédure, nous l’expliquent.

La procédure accélérée en vigueur aujourd’hui

1. La procédure accélérée, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, implique la remise d’une citation à comparaître devant un tribunal en main propre à une personne qui a été temporairement privée de liberté à la demande d’un magistrat du parquet, aussi appelé procureur du Roi.
Soit la citation est remise par le magistrat lui-même et on parlera alors de « convocation par procès-verbal » (article 216quater du Code d’instruction criminelle), soit elle est remise à la demande de ce magistrat par la police et on parlera de «  citation police  » (article 216quinquies du Code d’instruction criminelle).

Les avantages de la procédure accélérée

2. Dans un cas comme dans l’autre, l’intérêt est de « toucher » directement l’auteur suspecté d’avoir commis l’infraction, avec l’assurance qu’il a pris valablement connaissance de la citation, le cas échéant avec l’assistance d’un interprète.
C’est un avantage majeur par rapport à la citation classique, par huissier de justice, qui suppose de connaitre le domicile ou le lieu de résidence de la personne à citer. Cela permet ainsi d’atteindre les justiciables les plus précarisés, comme les personnes sans domicile fixe ou les personnes en séjour illégal, et de leur permettre ainsi de faire valoir leurs arguments de défense devant le juge.

3. L’autre avantage de la procédure accélérée, et non des moindres, c’est sa rapidité.
L’audience intervient en effet généralement dans un délai de deux à quatre semaines à dater de la remise de la citation et donc le plus souvent à dater des faits.
Le jugement est rendu, quant à lui, au plus tard deux semaines après l’audience.

4. La justice accélérée offre donc l’opportunité à l’auteur suspecté d’avoir commis une infraction d’être rapidement fixé sur son sort et d’être ainsi confronté aux conséquences de ses actes. Cette comparution rapide devant le juge permet de donner tout son sens à la réponse judiciaire. Elle offre aussi l’opportunité de recadrer rapidement le condamné sans pour autant devoir recourir nécessairement aux peines les plus contraignantes, comme la prison.

5. Le prévenu comparait souvent libre à l’audience. Il peut se défendre seul ou, s’il le souhaite, se faire assister par un avocat.

6. L’avantage d’une procédure rapide se ressent bien entendu aussi du côté de la victime de l’infraction, qui n’a pas le temps de se sentir, souvent à tort, parfois à raison, oubliée par le système judiciaire.
Il lui est ainsi loisible de venir réclamer rapidement, si elle le souhaite, la réparation de son dommage.

Les limites de la procédure accélérée

7. La justice accélérée ne peut toutefois pas être utilisée pour tout et n’importe quoi.
Elle suppose que les charges apparaissent d’emblée suffisantes, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une enquête plus approfondie. Les faits ne doivent pas non plus être d’une telle gravité qu’ils nécessitent une mise à l’instruction en vue d’obtenir un mandat d’arrêt ou une autre mesure relevant des prérogatives exclusives du juge d’instruction.
Les dossiers qui sont des « candidats idéaux » pour la justice accélérée sont nombreux : certains faits de violences intrafamiliales, les violences dites « de rue », les menaces, le harcèlement sous toutes ses formes, certaines entraves méchantes à la circulation, certains faits de vol (simple, avec effraction ou avec violences), les faits de recels, de fraude informatique, certaines rébellions à l’encontre des services de police, certains faits de vente de stupéfiants, certaines infractions à la loi sur les armes, etc. La liste est longue.

Les controverses autour de la procédure accélérée

8. La procédure accélérée a ses partisans, mais aussi ses opposants. Certains la considèrent comme un simulacre de justice, une justice « à la va-vite », expéditive ou « justice fastfood ».
Il n’en est rien dans la grande majorité des cas. Le juge de justice accélérée reste en effet, faut-il le rappeler, un juge à part entière. Il peut et doit, si nécessaire, inviter le procureur du Roi à procéder à une audition complémentaire, à faire déposer des photographies ou des vidéos évoquées mais non reprises au dossier de procédure, ou encore à faire procéder à une expertise médicale ou psychiatrique.
En cela, la procédure accélérée telle qu’elle existe actuellement en notre pays nous semble permettre un équilibre entre le souhait légitime de juger les auteurs présumés d’infraction dans un délai relativement court, tout en préservant les droits de la défense et sans non plus verser dans une justice « bête et méchante ».

Procédure accélérée vs. comparution immédiate ou « snelrecht »

9. La procédure accélérée actuelle se distingue de la procédure de comparution immédiate, ou « snelrecht », telle qu’envisagé autrefois en Belgique avant d’être « recalée » par la Cour constitutionnelle, ainsi que Justice-en-ligne l’a exposé dans l’article suivant de Shelley Henrotte, « La procédure de comparution immédiate (le ‘snelrecht’) : qu’est-elle advenue ? ».
Cette procédure, qui existe depuis de longues années en France, implique en effet le placement sous mandat d’arrêt « aux fins d’une comparution immédiate ». En d’autres termes, l’auteur suspecté d’avoir commis l’infraction comparait détenu devant son juge et donc non libre.

10. Les velléités de rétablir une telle procédure en Belgique existent depuis longtemps. Elles se sont notamment concrétisées par la loi du 18 janvier 2024, qui introduit une forme de procédure accélérée « détenu », comparable à celle pratiquée par nos voisins français.
Celle-ci reste toutefois à ce jour largement inutilisée dans la mesure où elle suppose l’accord de la personne concernée et de son avocat. Cette procédure accélérée « 2.0 » se heurte également aux réticences du barreau, qui pointe, non sans raison, une procédure déséquilibrée, susceptible d’aboutir à une extension du filet pénal et à une explosion de la surpopulation carcérale.

Les perspectives de réforme de la procédure accélérée – Les intentions du gouvernement « Arizona »

11. Le débat reste ouvert et il est vraisemblable que des modifications de cette procédure accélérée « 2.0 » soient discutées dans les années à venir.
Le récent accord de coalition fédérale 2025-2029 du gouvernement « Arizona » est du reste très clair à cet égard, tout en continuant à confondre allègrement justice accélérée et procédure de comparution immédiate :
« La procédure de comparution immédiate (aussi appelée procédure accélérée) permet, dans le respect de la présomption d’innocence et des droits de la défense, d’assurer un délai le plus court possible entre la commission d’une infraction et le jugement, ce qui évite le sentiment d’impunité et rend la peine plus effective. La procédure de comparution immédiate récemment introduite dans le cadre de laquelle une comparution a été fixé dans un délai de 5 à 15 jours moyennant le consentement du prévenu sera modifiée et renforcée afin que le consentement du suspect ne soit plus une condition à la comparution immédiate. En l’absence de consentement, un délai de comparution plus long, à savoir entre deux et six semaines, sera d’application et le juge conserve la compétence discrétionnaire pour refuser l’application de la procédure accélérée si les conditions ne sont pas satisfaites à cet égard. Les obstacles actuels entravant l’application de la procédure visée à l’article 216quinquies seront levés au maximum afin de permettre une application pratique de la disposition. Cette procédure sera par ailleurs mise en œuvre de manière efficace et uniforme dans tous les arrondissements judiciaires. Nous veillons à la création dans chaque arrondissement d’au moins une chambre de comparution immédiate spécifique » (page 157 de l’accord de gouvernement).

Affaire à suivre donc.

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