Justice-en-ligne a publié le 9 février dernier un article d’Olivia Nederlandt consacré à la libération provisoire.

À la suite d’un incident technique, le tableau annoncé dans cet article et devant figurer à la fin de celui-ci, particulièrement utile pour la compréhension du système, n’y figurait pas dans sa version publiée.

Ceci justifie que l’article soit à nouveau mis en ligne ci-après, avec cette fois le précieux tableau, qui figure en pdf en annexe au présent article, à la fin de celui-ci.

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En attendant l’entrée en vigueur des articles de la loi du 17 mai 2006 instituant le juge de l’application des peines, l’exécution des peines privatives de liberté dont la partie à exécuter est inférieure ou égale à trois ans reste soumise au pouvoir discrétionnaire de l’administration.

La réglementation, floue et complexe, se fait par le biais de circulaires administratives. Les détenus, après avoir exécuté une partie de leur peine, accèdent à la « libération provisoire », mais traînent derrière eux « une partie de peine » qu’ils devront peut-être un jour exécuter.

Koens Geens, l’actuel ministre de la Justice, souhaite apporter de la clarté dans cette matière, ce qui est hautement souhaitable… pourvu que cela se réalise par l’introduction du juge de l’application des peines dans le système pénitentiaire.

Olivia Nederlandt, avocate au barreau de Bruxelles, aspirant F.R.S.-FNRS à l’Université Saint-Louis Bruxelles, nous explique comment le système fonctionne actuellement et quels sont les projets en la matière du nouveau ministre de la Justice Koen Geens.

I. La libération provisoire

1. Le tribunal de l’application des peines est compétent pour octroyer la détention limitée, la surveillance électronique, la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter est supérieure à trois ans. Il est renvoyé sur ce point aux articles que Justice-en-ligne a déjà consacrés à cette question, notamment à ceux de Clotilde Hoffmann : « La libération conditionnelle : et ensuite ? » ; « La libération conditionnelle devant le tribunal de l’application des peines : un droit sous haute surveillance » ; vous pouvez aussi saisir le mot-clé « Tribunal de l’application des peines » dans notre moteur de recherche.

2. En revanche, selon les articles 27 à 46 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des détenus, c’est le juge de l’application des peines qui est compétent pour octroyer ces mêmes modalités aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter est inférieure ou égale à trois ans. Toutefois, huit ans après leur adoption, ces articles ne sont toujours pas entrés en vigueur.

À l’heure actuelle, c’est donc le ministre de la Justice et, plus particulièrement, la Direction Gestion de la Détention (ci-après DGD) et les directeurs des établissements pénitentiaires, qui sont compétents pour octroyer aux condamnés les différentes modalités d’exécution de la peine, à savoir la surveillance électronique et la libération provisoire, qui sont réglementées par la voie de circulaires ministérielles.

La libération provisoire est une mise en liberté provisoire accordée par le directeur de la prison ou la DGD avant la fin de l’exécution d’une ou plusieurs peine(s) privative(s) de liberté dont le total des parties à exécuter est inférieur ou égal à trois ans. Elle est considérée comme un outil majeur de l’exécution des peines, dont l’objectif est notamment la lutte contre la surpopulation carcérale. Il s’agit d’ailleurs du mode de libération le plus fréquent pour les personnes condamnées.

3. La libération provisoire est réglementée par la circulaire n° 1771 du 17 janvier 2005 et la circulaire n°1816 du 10 janvier 2014. Ces circulaires déterminent la date d’admissibilité à la libération provisoire, c’est-à-dire la date à laquelle la personne détenue sera libérée provisoirement. Cette date est déterminée en fonction de la hauteur de la ou des peines privative(s) de liberté :

a) Les condamnés à des peines d’emprisonnement subsidiaire à une amende ou à des peines d’emprisonnement principal qui n’excèdent pas quatre mois sont immédiatement mis en liberté. L’idée que les courtes peines ne sont tout simplement pas exécutées est fort répandue. Or parler de non-exécution est incorrect : les condamnés à de telles peines se rendront à la prison pour exécuter ces peines mais bénéficieront immédiatement de la libération provisoire.

b) Pour les condamnés à des peines d’emprisonnement principal dont le total dépasse quatre mois sans excéder six mois :

 si toutes les condamnations mises en exécution sont passées en force de chose jugée (c’est-à-dire ne sont plus susceptibles d’appel ou d’opposition) après le 31 janvier 2014, la libération provisoire sera octroyée dès que le condamné aura subi un mois d’emprisonnement ;

 si toutes ou une partie des condamnations mises en exécution sont passées en force de chose jugée avant le 1er février 2014, la libération provisoire est octroyée immédiatement.

c) Les condamnés à des peines d’emprisonnement principal dont le total dépasse six mois sans excéder un an et les condamnés à des peines d’emprisonnement remplaçant une peine autonome de travail n’excédant pas un an seront libérés après avoir subi une partie minimale de leur peine fixée comme suit :

 quinze jours de détention pour les condamnés à des peines de moins de six mois et pour les condamnés à une peine d’emprisonnement subsidiaire à une peine de travail ;

 un mois de détention pour les condamnés à des peines qui excèdent quatre mois sans excéder sept mois ;

 deux mois de détention pour les condamnés à des peines excédant sept mois sans excéder huit mois ;

 trois mois de détention pour les condamnés à des peines excédant huit mois sans excéder un an.

Pour ces trois premières catégories, il n’est pas procédé à l’examen de contre-indications spécifiques et le condamné ne se voit pas imposer de guidance. Sur le plan de la procédure, c’est le directeur de la prison qui prend la décision d’octroyer ou non la libération provisoire.

d) Les condamnés à des peines d’emprisonnement principal dont le total en exécution excède un an sans excéder trois ans peuvent bénéficier de la libération provisoire dès qu’ils ont atteint le tiers de leur(s) peine(s).

L’accès à la libération provisoire est cette fois soumis à la vérification par le directeur de l’existence de contre-indications (impossibilité de subvenir à ses besoins matériels ou risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers). La libération provisoire est octroyée sans que des conditions spécifiques ne soient imposées au condamné.

4. La procédure diffère pour les personnes condamnées du chef de faits de mœurs commis à l’encontre de mineurs. Ceux-ci devront faire l’objet d’un avis spécialisé du Service psycho-social, qui, le cas échéant, proposera la mise en place d’une guidance. Le directeur examine les éventuelles contre-indications à une libération provisoire susmentionnées ainsi qu’une contre-indication supplémentaire : le risque d’importuner la victime. Des conditions individualisées peuvent être imposées afin de limiter le risque de récidive.

Pour cette catégorie de condamnés, la décision d’octroi de la libération provisoire est prise par la Direction Gestion de la Détention, sur base de l’avis émis par le directeur. En cas d’octroi, mandat sera donné au service des maisons de justice, qui sera chargé du suivi de la mesure et du contrôle des conditions imposées pour une durée de deux ans.

5. On lira ci-après, sous l’article, un tableau résumant ce qui précède ; ce tableau figure en pdf en annexe au présent article, à la fin de celui-ci.

6. Deux remarques :

a) Les condamnés n’ayant pas droit au séjour bénéficient de la libération provisoire dans les mêmes conditions de temps mais, une fois libérés, ils sont mis à la disposition de l’Office des étrangers.

b) Pour les condamnés faisant l’objet d’un mandat d’arrêt aux fins d’extradition ou d’un mandat d’arrêt européen, la demande d’extradition ou le mandat d’arrêt européen sera exécuté à la date de la libération provisoire.

Ils seront alors libérés par le directeur en vue d’extradition.

_ II. L’exécution sous surveillance électronique

7. La circulaire ministérielle n° ET/SE-2 du 17 juillet 2013 pose la surveillance électronique comme la norme en matière d’exécution des peines privatives de liberté dont la partie exécutoire n’excède pas trois ans. Par conséquent, une personne privée de liberté, si elle a une résidence et un titre de séjour en Belgique, exécute la partie de sa ou ses peine(s) privative(s) de liberté qu’elle doit exécuter avant d’accéder à la libération provisoire sous surveillance électronique (SE), sinon elle l’exécute en prison.

Lorsqu’elle est condamnée à une telle peine et peut l’exécuter sous surveillance électronique, elle se présente à la prison et est mise en « interruption de peine » en attendant que le Centre national de surveillance électronique puisse venir installer le matériel à sa résidence, le temps d’attente pouvant atteindre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

_ III. La partie de(s)/de la peine(s) au-delà de la libération provisoire n’est-elle pas exécutée ?

8. Le grand désavantage de la libération provisoire est que, au contraire de la libération conditionnelle, elle n’est pas une modalité d’exécution de la peine mais une modalité de suspension de celle-ci.

Par conséquent, la révocation de la libération provisoire peut intervenir jusqu’à l’expiration du délai de prescription des peines prononcées (c’est-à-dire le délai au-delà duquel la peine ne peut plus être exécutée), soit parce que le condamné a fait l’objet d’une nouvelle condamnation définitive pour un crime ou un délit commis après l’octroi de la libération provisoire, soit en cas de non-respect des conditions qui lui avaient été imposées.

La libération provisoire constitue donc bien souvent un « cadeau empoisonné » dès lors qu’une partie de la peine, qui demeure exécutoire, restera une épée de Damoclès au-dessus de la tête du condamné tant qu’elle ne sera pas prescrite.

Il n’est pas rare que de tels « restes de peines à exécuter » se cumulent dans le temps jusqu’à dépasser le couperet des trois ans. Dans un tel cas, la personne doit réintégrer la prison pour purger des peines pour des faits parfois très anciens dans l’attente qu’une libération conditionnelle lui soit octroyée par le tribunal de l’application des peines, alors qu’entre-temps elle peut s’être « rangée ».

_ IV. Comment notre gouvernement souhaite apporter clarté et cohérence dans l’exécution des peines égales ou inférieures à trois ans ?

9. La volonté de notre Ministre de la justice Koen Geens, qui ressort de l’accord de gouvernement du 10 octobre 2014 et de ses déclarations à la Chambre (exposé d’orientation politique sur la justice du 13 novembre 2014), est celle d’une justice pénale rapide et efficace, claire et cohérente. Il veut faire du renforcement de la crédibilité de l’exécution des peines une priorité. Il a également annoncé qu’il reverrait la circulaire concernant l’exécution des courtes peines à partir de quatre mois et qu’il modifierait la loi de principe concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus avant de la mettre en œuvre, sans toutefois préciser dans quel sens ces textes seraient revus.

10. Le Ministre souhaite également entamer une réflexion sur les peines à prévoir pour les infractions de moindre gravité afin que soit remplacée dans le Code pénal la peine d’emprisonnement par des peines alternatives à celui-ci. Il souhaite aussi qu’il y ait une plus grande cohérence entre la peine théorique, la peine prononcée et la peine réellement exécutée.

11. Il est souhaitable que le Code pénal soit revu afin que des courtes peines ne soient plus exécutées en prison, les effets néfastes et contre-productifs de celles-ci étant bien connus.

Les intentions du Ministre étant encore peu claires, il faut à tout le moins espérer que soient adoptés les arrêtés d’exécution nécessaires pour qu’entrent en vigueur les articles donnant compétence au juge de l’application des peines pour les peines inférieures ou égales à trois ans. Ce système, plus clair et plus cohérent que le régime actuel, mettrait également un terme à la discrimination qui existe entre les condamnés à de telles peines, dont l’exécution relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration, et les condamnés à des peines supérieures à trois ans, qui bénéficient d’une procédure contradictoire devant un tribunal indépendant et impartial.

Enfin, l’entrée en vigueur de ces articles supprimerait le mécanisme de la libération provisoire et donc la problématique de l’exécution tardive des peines inférieures ou égales à trois ans.

Votre point de vue

  • Phil
    Phil Le 11 octobre 2018 à 11:09

    Cet article n’est plus à jour. Pour une contribution plus récente, voyez : "Combien de temps en prison ? Mieux vaut savoir calculer !", OIPbelgique, 12 juin 2017, http://oipbelgique.be/fr/?p=440

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  • Adrian
    Adrian Le 5 août 2016 à 11:12

    4 ans por faux usage du faux je reçus.La delict 2012.... 3 moins a nivelles execute,e libere 2013.Maintenant est venu mandat de 4 ans.citoyen roumain.La semaine prochaine, je viens à la Belgique de se rendre.Maintenant, je travaille en Allemagne avec contrat de travail.Mais je dois tout laisser et viennent de se rendre.La justice belge est injuste !!!

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  • skoby
    skoby Le 19 mars 2015 à 16:48

    Le Ministre Geens, mouillé dans l’affaire Arco, qui fait du favoritisme, va réduire les peines de 50 %, d’après son nouveau projet. C’est-à-dire libération conditionnelle
    après la moitié du temps infligé ! De plus il supprime les peines de prison inférieures à un an. Que connait-il du système judiciaire ?
    On veut pour les petites peines, infliger des amendes, or l’Administration ne semble
    même pas capable de recouvrer les amendes dues.
    La Justice nomme des experts judiciaires mais est incapable de les payer.
    Tout va donc se résumer à faire des économies au lieu de rénover la Justice là où le bât blesse.

    Répondre à ce message

  • oukili
    oukili Le 19 mars 2015 à 11:53

    A l’évidence, le message n’est pas clair comme le laisse transparaître le contenu des messages des internautes.
    Il est tout à fait normal, dans une société où le tout n’est pas au sécuritaire et au répressif, de considérer qu’après un certain temps, une personne condamnée puisse entrevoir une perspective de libération ou devrais-je dire une poursuite de l’exécution de sa sanction mais en dehors d’un établissement pénitentiaire et sous le contrôle de la société.
    Les auteurs de doctrine et les analyses s’accordent pour dire qu’un système tel que celui prôné, à savoir une incompressibilité, n’est nullement productif quant à l’objectif final. Il faut certes une sanction mais aussi la possibilité de demander sa réinsertion dans la société. Il est regrettable, toutefois, que la volonté politique ne tienne compte que de contingences budgétaires et ne s’inspire pas plus de systèmes mis en place dans les pays scandinaves dont les succès, notamment quant au taux de récidive et de réinsertions réussies, démontrent incontestablement la voie à suivre.

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  • Gisèle Tordoir
    Gisèle Tordoir Le 19 février 2015 à 15:47

    Je suis entièrement d’accord avec Mr (Mme ?) Skoby : pas de liberté provisoire !!! Le délit à l’origine de la sanction n’a rien de provisoire (certainement pas les conséquences...) ; pourquoi dès lors libérer avant terme ? Quel terme d’ailleurs ? La peine causée est sans terme...La peine proclamée doit l’être tout autant...Pour les ressortissants de nationalité autre que belge : retour aux sources...sans restriction aucune. Les condamnés seront alors dans "hébergés" dans des conditions et des cellules correctes...Toujours aux frais des citoyens, rappelons-le tout de même...Pas question d’en faire un club de vacances ni une école sup’...Faut pas pousser... "Qui casse, paie" devrait être le modèle appliqué. Maintenant il faut aussi et surtout que le jugement soit juste, équitable, sans erreur aucune...

    Répondre à ce message

  • skoby
    skoby Le 18 février 2015 à 12:32

    Je suis contre la liberté provisoire ! J’estime que les peines doivent être exécutées !
    Cette liberté provisoire est trop souvent accordée parce que les prisons sont pleines !
    Trouvez-vous que cela est un argument juridique ? Moi pas.

    • Georges-Pierre TONNELIER
      Georges-Pierre TONNELIER Le 18 février 2015 à 15:47

      En réaction à votre message, il me semble en effet déplorable que les décisions telles que l’instauration, ou non, de libérations conditionnelles ou provisoires soit dictées, bien souvent, non pas des choix politiques, donc idéologiques, ainsi que cela devrait être normalement le cas, dans le cadre d’une politique gouvernementale cohérente et planifiée, mais bien de manière essentiellement pragmatique, les décideurs étant bousculés entre les revendications populaires, qui s’expriment à l’occasion d’affaires particulièrement graves - je pense à l’affaire Dutroux, par exemple - et les impératifs budgétaires.

      Qui dirige encore la Belgique ? Réellement ?

      Georges-Pierre TONNELIER, juriste

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Olivia Nederlandt


Auteur

professeure et chercheuse post-doctorante à l’Université Saint-Louis Bruxelles, et membre du Groupe de recherche en matière pénale et criminelle (GREPEC)

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