« L’empire du silence » de Thierry Michel : pour que demain la justice puisse faire son travail

par Patricia Vilas Boas Pereira - 10 août 2022

Le cinéma peut dénoncer les crimes commis par les puissants en attendant – il faut l’espérer – qu’ils soient jugés. « L’empire du silence », de Thierry Michel, est un de ces films, qui dénonce les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis au Congo.
Patricia Vilas Boas Pereira, étudiante en droit, l’a vu et le commente ci-dessous.

1. Thierry Michel, réalisateur belge, a réalisé de nombreux documentaires sur le Congo. En 2021, il décide de clôturer ce cycle avec un dernier film, L’empire du silence. Un documentaire au travers duquel il retrace les 25 dernières années du Congo, de 1993 à 2018.
Avec ce film, Thierry Michel a pour ambition de dénoncer les exactions en donnant la parole aux victimes. L’empire du silence relate les atrocités qu’ont vécu et que vivent encore aujourd’hui les Congolais, dont la majorité des gouvernants sont des criminels de guerre jamais jugés.
Les images d’archives, mêlées aux images d’actualité, révèlent des scènes de crimes atroces et banalisés, rappelant que ceux-ci continuent à se perpétrer en République démocratique du Congo.

2. Voir ce film engendre un profond malaise, les images sont souvent extrêmement violentes. Il nous rappelle l’horreur du quotidien de la plupart des Congolais.
Heureusement, du début à la fin, ces scènes s’entrecroisent avec les magnifiques paysages du Congo. Un véritable contraste qui permet de reprendre son souffle avant d’être replongé dans les horreurs que vivent ces personnes.

3. Thierry Michel nous guide dans son investigation sur les faits perpétrés au Congo depuis 1993.
Le film débute par les tragiques génocide et massacre perpétrés au Rwanda, lorsque les auteurs se réfugient au Congo. De nouveaux massacres y sont commis, des centaines de milliers de personnes sont abattues.

4. Avec ce film, Thierry Michel veut mettre en lumière les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité passés sous silence par les autorités congolaises et le plus souvent ignorés par la communauté internationale.
Une scène illustre cette inertie. Tous les hommes d’un village situé non loin du campement des casques bleus se sont faits décimer, alors que les villageois pensaient être en sécurité en étant aussi proche des personnes envoyées par la communauté internationale pour les aider. Les casques bleus n’ont pas posé un geste pour arrêter les crimes. Ils ont rappelé que leur mission incluait uniquement l’observation.

5. Le documentaire s’ouvre avec le discours du docteur Mukwege lors de la remise de son prix Nobel en 2018.
Lors de ce discours, ce dernier fait référence au rapport Mapping, qui moisit dans un tiroir. Ce document rédigé à la suite d’une enquête minutieuse réalisée par des experts internationaux a été publié par le Haut-commissaire des Nations Unies en 2010. Il dénombre 617 « incidents » graves commis entre 1993 et 2003 sur le territoire congolais et qui pour la plupart n’ont jamais fait l’objet de poursuites pénales. Interviewé, le Haut-commissaire au droit de l’Homme reconnaît ce cuisant échec.

6. Ce film nous le rappelle, être témoin implique des obligations. Observer ne suffit pas.
Les Nations Unies ont récemment décidé d’adopter une résolution appelant le Congo à instaurer, comme demande le docteur Mukwege, « une stratégie nationale de justice transitionnelle pour promouvoir la vérité afin de garantir la recevabilité pour les crimes du passé, les réparations pour les victimes et les garanties de non-répétition ».
Un des piliers de la justice transitionnelle est la recherche de vérité souvent conjuguée avec la réconciliation, les autres étant les poursuites judiciaires, les réparations, les réformes de l’État et les processus mémoriels. Le film de Thierry Michel s’inscrit déjà dans cette dynamique et nous invite à en devenir acteurs, en étant spectateurs d’abord et ensuite passeurs de mémoire.

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