L’Observatoire international des prisons fait le point sur l’état du système carcéral belge en 2017

par Marie Berquin - 31 mai 2018

Comme pour le rapport concernant l’année 2013 et celui des années 2014-2016 de l’Observatoire international des prisons, Justice-en-ligne fait écho, ci-dessous, grâce à Marie Berquin, avocat au barreau de Bruxelles et membre de l’Observatoire international des prisons, aux points saillants de celui relatif à l’année 2017.

1. Depuis vingt ans, l’Observatoire international des prisons observe les conditions d’incarcération, alerte et dénonce les abus et les manquements aux droits humains dans le milieu carcéral.

La publication tout à fait aléatoire et irrégulière des statistiques clefs de l’administration pénitentiaire ne facilite pas ce travail. Les informations de l’Observatoire international des prisons proviennent d’un solide réseau d’informateurs (détenus, proches, travailleurs du milieu carcéral, commissions de surveillance, avocats, etc.) et sont vérifiées et recoupées.
Prison Insider est une plateforme créée en 2015 et qui a pour objet de regrouper sur un même site internet des informations de première main sur les conditions de détention dans les prisons du monde entier.

2. Pour les informations relatives à la Belgique, c’est la section belge de l’Observatoire international des prisons qui dresse l’état des lieux. Observations, dernières statistiques, actualité de l’année écoulée, … le tableau reste sombre en 2017.

Dans son rapport 2017, l’Observatoire décrit l’état de nos prisons et revient sur les faits marquants de l’année écoulée. L’Observatoire international des prisons souligne particulièrement les motifs d’inquiétude suivants :

1° L’année 2017 a, une fois de plus, été marquée par l’interpellation de la Belgique par les autorités internationales quant à ses conditions de détention.
La Belgique a encore été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment dans un arrêt Tekin, pour la mort d’un jeune détenu, malade mental, causée par l’intervention des agents.

Le Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe a, lui aussi, pointé les manquements la Belgique à plusieurs reprises. Dans un rapport récemment publié relatif à sa visite en Belgique, mais aussi en juillet 2017, à travers une déclaration publique (la procédure la plus sévère du Comité). Celle-ci dénonce le sort réservé aux détenus durant les actions collectives menées par les agents pénitentiaires.

Depuis plusieurs années, l’Observatoire international des prisons plaide pour la mise en place d’un service garanti en cas de grève des agents pénitentiaires, sans lequel les détenus subissent de nombreuses violations de leurs droits fondamentaux.

2° L’Observatoire international des prisons insiste également sur la déclaration du Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui souligne la situation des internés qui séjournent encore dans les prisons et qui devraient être transférés au plus vite dans des structures permettant une prise en charge psychiatrique adaptée.

À ce jour, de nombreux patients attendent jusqu’à plusieurs années dans les annexes psychiatriques qu’une place se libère. Et au sein de ces annexes, comme dans les prisons, les professionnels de la santé mentale sont en sous-effectif. La situation dans certains établissements est réellement critique.

3° De manière générale, la question des soins de santé reste problématique en prison. Sur ce sujet, deux rapports ont été publié en 2017 : l’un par les Commissions de Surveillance, l’autre par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) (sur les Commissions de surveillance des prisons, il est renvoyé à l’article suivant de Réginald de Béco, publié sur Justice-en-ligne : « Les Commissions de surveillance des prisons : un outil méconnu de soutien aux détenus »). Tous deux dépeignent une situation particulièrement
alarmante : la moitié de la population carcérale se dit en mauvaise santé.

L’insuffisance de personnel médical est un problème majeur, dont résultent notamment des délais d’attente importants pour les rendez-vous médicaux et des consultations de très courte durée. De plus, l’absence de médecins spécialistes dans les prisons est criante. À l’heure actuelle, les soins de santé dépendent du SPF Justice, et Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants soutient le transfert de ces compétences vers le Service public fédéral de la Santé publique.

4° Autre publication notable en 2017 épinglée par l’Observatoire international des prisons : celle au mois d’octobre d’un rapport de la Cour des comptes qui s’attarde sur la comptabilité des établissements pénitentiaires. L’institution pointe notamment que « le contrôle interne des prisons est insuffisant », au point qu’il n’est pas possible de « différencier un vol d’une perte ou d’une sortie en vue d’une utilisation normale ».

5° En ce qui concerne la surpopulation carcérale, les chiffres sont toujours dramatiques dans la plupart des établissements du pays. Plusieurs de nos prisons sont vétustes et mal entretenues et les conditions d’hygiène y restent préoccupantes.

6° Les conditions de détention difficiles signifient des conditions de travail pénibles pour les agents mais aussi pour tous les travailleurs du monde carcéral.

7° Il convient d’ailleurs de souligner le remarquable travail du secteur associatif, qui rend possible l’organisation d’activités et de formations pour les détenus, malgré les maigres moyens qui leur sont attribués. Ces moments hors cellule sont d’autant plus importants que l’offre d’emploi en détention diminue progressivement : la part des détenus employés se situait à 50 % en 2014 ; elle est de 36.5 % en 2017.

8° Enfin, le ministre de la Justice a annoncé en février 2017 la création de nouvelles places à travers l’extension de certains établissements et la construction de nouvelles prisons, maisons de transition et centres de psychiatrie légale. Ces nouveaux établissements sont construits en partenariat public-privé.

Ces derniers représentent un point de préoccupation central, dont les coûts et la pertinence devraient être évalués. Le plus gros projet concerne celui d’une méga prison à Haren qui devrait compter 1190 cellules : un modèle de prison surdimensionnée dont le fonctionnement s’appuie sur une déshumanisation et qui ne réduira pas le problème de la surpopulation (et n’entrainera pas nécessairement la fermeture des établissements vétustes). L’Observatoire international des prisons, ainsi que d’autres associations et mouvements citoyens, s’oppose vivement à ce projet.

Une fois encore, la Belgique choisit d’investir dans la répression et dans des murs et non pas dans l’humain et dans la réinsertion.

3. Cette courte contribution relève quelques-uns des points qui ont fait l’objet de préoccupation centrale pour l’Observatoire des Prisons en 2017, mais la liste est loin d’être exhaustive. La fiche complète rédigée par l’OIP peut être consultée sur le site de Prison Insider

Votre point de vue

  • Marthe-Marie
    Marthe-Marie Le 1er juin 2018 à 11:42

    Bonjour,
    Voudriez-vous me donner le lien par mail avec le texte du rapport 2017 ? Je ne l’ai pas trouvé via Google. Je vous en remercie.

    • Nadine
      Nadine Le 16 juin 2018 à 15:21

      Avez vous eu une réponse directe ? Moi non plus he n’ai pas trouvé ledit rapport

    Répondre à ce message

  • Amandine
    Amandine Le 1er juin 2018 à 14:57

    Merci beaucoup à l’Observatoire international des prisons pour son travail et merci aussi à Mme Berquin de nous en avoir informés.

    Tristes conditions de vie pour les détenus et de travail pour les gardiens.

    Le gouvernement belge devrait y remédier de toute urgence, et consacrer à cette fin le budget qu’il réserve à l’achat de plantureux avions de guerre, peut-être même équipés de missiles nucléaires, destinés à bombarder des populations étrangères.

    Répondre à ce message

  • skoby
    skoby Le 1er juin 2018 à 11:27

    Il est vrai que le sujet est important,MAIS il y a d’autres problèmes tels que
    la liberté provisoire (sans surveillance), la radicalisation en prison, etc...
    Il est certainement indispensable d’investir dans des nouvelles structures et
    dans le suivi médical, mais.... d’où doit venir l’argent ?
    Quel est le % de belges de naissance dans les prisons ?
    Donc, on verra que l’immigration joue un rôle dans beaucoup de domaines et
    nécessite de gros investissements !!

    Répondre à ce message

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Marie Berquin


Auteur

avocate au barreau de Bruxelles, co-présidente de la section belge de l’Observatoire international des prisons

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