Un internaute visiteur de Justice-en-ligne nous a posé la question de savoir combien de fois une personne peut bénéficier d’un sursis sans aller en prison ?
Maxime Nardone, avocat au barreau de Bruxelles, en profite pour rappeler de manière plus générale en quoi consiste le sursis lorsqu’il assortit éventuellement le prononcé de certaines peines.

Introduction

1. En matière pénale, il est fréquent que le juge, lorsqu’il condamne une personne à une peine, assortisse celle-ci de ce que l’on appelle un sursis.
Le sursis à l’exécution des peines est une mesure prévue par la loi du 29 juin 1964 (à dater du mois d’avril 2026, date d’entrée en vigueur des lois du 29 février 2024 introduisant le nouveau Code pénal, ces règles seront intégrées au Code pénal lui-même en son article 65), permettant au juge de suspendre, en tout ou en partie, l’exécution d’une peine qu’il prononce.
En d’autres termes, le juge pourra décider que tout ou partie de la peine qu’il prononce ne devra pas être exécutée par le condamné.

2. Cette modalité a pour objectif principal d’encourager la réinsertion sociale du condamné tout en évitant les conséquences négatives liées à une incarcération ou à une exécution immédiate de la peine.

Simple ou probatoire

3. Le sursis peut être simple ou probatoire et s’applique aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales.
Il est dit « simple » lorsque le condamné en bénéficie « simplement » et il est « probatoire » lorsque, pour en bénéficier, le condamné doit respecter une série de conditions édictées par le juge qui lui accorde.
Conditions et champ d’application

4. Toutefois, tout le monde ne peut pas bénéficier d’un sursis, car la loi n’autorise le juge à l’octroyer qu’à certaines conditions, cette mesure étant considérée comme une mesure de faveur pour le condamné.
Pour pouvoir bénéficier d’un sursis simple, certaines conditions préalables doivent être remplies. Notamment, le condamné ne doit pas avoir été précédemment condamné à une peine d’emprisonnement de plus de douze mois. Pour faire obstacle à l’octroi éventuel du sursis simple, cet antécédent judiciaire doit être définitif (ne plus être susceptible de recours) au moment de la commission des faits qui entrainent la condamnation. Il importe peu que cette première peine ait été prononcée avec sursis ou non.
5. Une évolution récente de la législation a modifié cette règle pour le sursis probatoire. Après avoir fixé à trois ans maximum le seuil de l’emprisonnement qui permettait encore l’obtention d’un sursis probatoire, depuis 2022, la loi ne renferme plus aucune condition relative aux antécédents judiciaires du prévenu. Cela signifie que toute personne, quels que soient ses antécédents, peut bénéficier d’un sursis probatoire pour les nouvelles infractions qu’il serait amené à commettre.
En termes de champ d’application, le sursis peut concerner des peines principales, comme l’emprisonnement (ne dépassant pas cinq ans) et les amendes. Il peut également inclure certaines peines accessoires. Cependant, certaines peines sont exclues de cette mesure. Cela inclut la surveillance électronique, la peine de probation autonome, la peine de travail ou encore la peine de confiscation.
Le sursis peut porter sur une ou plusieurs peines prononcées par le juge.

Les objectifs du sursis

6. Le sursis poursuit deux objectifs principaux : éviter le déclassement social des condamnés et favoriser leur amendement.
Cela se réalise par la menace de l’exécution de la peine, qui agit comme une dissuasion en cas de récidive ou de non-respect des conditions imposées. En outre, cette mesure permet au condamné de maintenir une certaine stabilité sociale et professionnelle, tout en s’inscrivant dans un processus de responsabilisation.

Le sursis probatoire : conditions et suivi

7. Le sursis probatoire se distingue du sursis simple par l’imposition de conditions spécifiques destinées à encadrer le comportement du condamné et à prévenir la récidive.
Ces conditions peuvent inclure l’obligation de suivre une formation, de participer à des programmes de réhabilitation, de suivre des soins ou encore de respecter des restrictions particulières. Ces mesures sont évaluées et ajustées par la commission de probation et les assistants de justice, qui jouent un rôle crucial dans le suivi et le soutien des condamnés.
La commission de probation peut modifier les conditions initiales, mais sans les rendre plus strictes, afin de s’adapter à l’évolution de la situation du condamné.
Certaines conditions sont obligatoirement prononcées par le juge :

  • ne pas commettre d’infractions ;
  • avoir une adresse fixe ;
  • donner suite aux convocations de la commission de probation et de l’assistant de justice.

Délai d’épreuve et révocation

8. Le délai d’épreuve associé au sursis est un élément essentiel. Il doit être compris entre un et cinq ans, selon les dispositions du jugement. Pour les peines d’emprisonnement ne dépassant pas six mois ou les amendes, ce délai est limité à trois ans.

9. Durant cette période, le condamné doit respecter scrupuleusement les conditions imposées, si le sursis dont il a bénéficié est probatoire. Par ailleurs, toute infraction ou manquement peut entrainer la révocation du sursis. En cas de révocation, les peines ou parties de peine initialement suspendues deviennent immédiatement exécutoires.

10. La révocation du sursis peut être obligatoire ou facultative.
Elle est obligatoire en cas de nouvelle condamnation à une peine ferme de plus de six mois d’emprisonnement.
En revanche, elle est facultative si la nouvelle infraction est moins grave ou si le condamné manque à certaines conditions.
Dans tous les cas, la décision de révocation repose sur une évaluation approfondie par le tribunal de la gravité des faits et des circonstances entourant le non-respect des conditions.

Le rôle des assistants de justice

11. En matière de sursis probatoire, les assistants de justice jouent un rôle central dans le suivi des condamnés. Ils veillent à l’application des mesures imposées, fournissent des rapports réguliers à la commission de probation et offrent un soutien constructif pour aider le condamné à respecter ses obligations. Cette approche combine aide et contrôle, en mettant l’accent sur la réhabilitation tout en assurant la sécurité publique.
Justice-en-ligne a consacré précédemment deux articles au rôle des assistants de justice, qui relèvent des Maisons de Justice, dans le cadre de la probation : Thérèse Jeunejean, « La probation : d’une mesure à une peine autonome » ; « La probation : comment cela se passe sur le terrain ? L’expérience des assistants de justice ».

Conclusion

12. En conclusion, le sursis constitue un outil fondamental du droit pénal belge. Il reflète un équilibre subtil entre sanction et réinsertion. Son application permet de responsabiliser les condamnés tout en préservant leur capacité à se réinsérer dans la société.
Cependant, l’efficacité de cette mesure dépend étroitement du respect rigoureux des conditions fixées et de la rigueur du suivi assuré par les autorités judiciaires.
Le sursis, qu’il soit simple ou probatoire, incarne ainsi une volonté de réconciliation entre les exigences de la justice pénale et les objectifs de réhabilitation sociale.

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