Dans un procès civil, quelles obligations pour les juges et les avocats par rapport aux modes alternatifs de règlement des litiges ?

par Bénédicte Inghels - 20 juin 2024

Vous consultez un avocat pour un problème civil, et il vous parle de vos droits. Avec lui vous allez envisager peut-être un procès, mais il vous parle aussi d’un mode alternatif de règlement des litiges. Est-ce normal ? Votre avocat n’est-il pas trop conciliant ?
Ou, au contraire, il ne vous en a pas parlé, et le juge vous interroge sur ce point. Est-ce normal ? Avez-vous vraiment envie d’un procès ?
Bénédicte Inghels, avocat général à la Cour de cassation et collaboratrice scientifique à l’Université catholique de Louvain, vous livre quelques éléments de réflexion à ce sujet.

1. Ces questions, vous devrez vous les poser désormais avant toute procédure.
En effet, en 2018, une loi a eu pour objet de promouvoir les formes alternatives de résolution des litiges . Cette loi a voulu mettre les modes alternatifs de règlement des conflits au cœur du procès civil, et tant le juge que l’avocat doivent être des acteurs pour expliquer à une personne en procès qu’elle peut régler les choses autrement. Le grand apport de la loi est de souligner que cette promotion passe par les avocats, mais aussi et peut-être surtout par les juges.

Du côté de l’avocat ?

2. La sensibilisation aux modes alternatifs a d’abord figuré dans les obligations déontologiques de l’avocat. Mais après la loi de 2018, il s’agit d’une obligation légale : « Les avocats informent le justiciable de la possibilité de médiation, de conciliation et de tout autre mode de résolution amiable des litiges. S’ils estiment qu’une résolution amiable du litige est envisageable, ils tentent dans la mesure du possible de la favoriser ».

3. Il y a donc plusieurs degrés d’obligations mises à charge de l’avocat.
D’abord, une obligation d’information : un avocat ne peut plus échapper à cette information complète sur l’existence et le contenu des modes alternatifs comme mode de résolution du problème pour lequel un citoyen vient le consulter. Cela suppose notamment que l’avocat soit informé et même formé à ces divers outils pour pouvoir en parler et conseiller utilement son client.
Ensuite, une obligation de favoriser un mode, s’il est envisageable : l’avocat tente de mettre tous les outils au service d’une solution amiable. Cela signifie que l’avocat a une compétence juridique mais aussi une compétence en modes alternatifs de règlement des conflits, pour aider son client et l’assister dans un processus amiable. « Plaider et défendre » ou « négocier et accompagner en négociation », ce n’est pas la même posture.

Du côté du juge ?

4. La loi dit que le juge peut, à l’audience d’introduction, c’est-à-dire à la toute première audience (ou à une date de remise très proche), interroger les parties sur la manière dont elles ont tenté de résoudre le litige à l’amiable avant l’introduction de la cause et les informer des possibilités d’encore résoudre le litige à l’amiable.

5. À ce moment, le juge peut vraiment expliquer aux parties présentes les divers modes alternatifs que nous allons envisager, tels que la conciliation, ou la médiation. Il va demander aux personnes présentes si elles en ont déjà entendu parler. Si pas, il va leur expliquer ce dont il s’agit. Et éventuellement, il va réorienter le dossier pour permettre un tel mode.
L’idée sous-jacente est d’éviter une perte d’énergie, de temps, d’argent, liée au fait qu’on va « mettre en état un dossier » : c’est-à-dire que les avocats vont s’échanger des écrits – les « conclusions » – pour développer une position. Et ils vont se communiquer des pièces pour prouver la position de leur client. Tout cela demande du temps, exige une stratégie, peut être ressenti comme agressif, et peut coûter de l’argent, alors qu’une solution amiable plus rapide, plus responsabilisante, plus douce, pourrait être envisagée.

6. La procédure amiable n’est pas obligatoire (sauf dans des cas exceptionnels) mais elle doit être discutée.
Pour pouvoir interroger les parties sur leur tentative de solution amiable, la loi a même prévu que le juge peut ordonner la comparution personnelle des parties dès le début puisqu’elles ne sont pas systématiquement présentes à ce stade de la procédure. En d’autres termes, il peut exiger leur présence. Le but est de vérifier si leur litige peut être résolu à l’amiable, totalement ou même en partie, et cela doit se faire rapidement (en principe dans le mois).

7. Comme tant le juge que l’avocat vont parler directement aux parties des modes alternatifs, il y a une sorte de « petit contrôle réciproque ».
L’idée est d’éviter qu’à l’avenir, plus jamais, à l’entame d’une procédure, il y ait des personnes qui n’ont pas reçu la moindre information sur le fait qu’il existe, dans la loi, différentes manières d’envisager la suite d’un litige. Il faut aussi qu’elles sachent que chaque mode est encadré par la loi et qu’un juge en est le gardien.
Tout est donc mis en œuvre, dans la loi, pour qu’à l’entame du procès, chaque personne puisse être éclairée et avoir le choix : Quid d’une conciliation ? Quid d’une médiation ? Quid d’un autre mode ? Ou alors quid du tribunal ?
À vous de choisir, en étant bien informé !

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