1. Vous avez récemment emprunté sans encombre la E19 au niveau de Nivelles, le ring Est à Waterloo ou encore la E411 à proximité de Wavre ? Félicitations, vous avez toutes vos chances lors de la prochaine édition du Paris-Dakar.

Si par contre, vous avez endommagé votre suspension, votre pare-brise s’est fêlé ou, pire encore, vous avez été victime d’un accident en raison de l’état déplorable de la voirie, quels recours s’offrent à vous ?

Cette question ne se posera à vous de manière concrète que si vous ne disposez pas d’une assurance omnium puisque, dans cette hypothèse, c’est votre assureur qui entreprendra les démarches nécessaires.

2. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les fondements juridiques permettant d’obtenir réparation auprès du responsable de la voirie sont nombreux.

Les règles générales prescrites par les articles 1382 et 1383 du Code civil s’appliqueront bien entendu, mais également l’article 135, § 2, de la loi communale tout comme les règles visées à l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil qui fonde la responsabilité du fait des choses.

3. A cet égard, on relèvera qu’il existe trois gestionnaires différents de la chaussée, à savoir les régions (notamment pour les autoroutes), les provinces et les communes.

Le droit commun de la responsabilité est tout d’abord susceptible de s’appliquer : le propriétaire d’une voirie ne peut ouvrir celle-ci à la circulation que si elle est suffisamment sûre. L’autorité publique est ainsi soumise à une obligation de sécurité, qualifiée d’obligation de moyen, et elle ne pourra se soustraire à sa responsabilité que si elle démontre avoir mis en œuvre tous les moyens raisonnables pour parer à ce danger.

4. Les communes sont soumises en outre à un régime spécifique de responsabilité puisque la loi communale impose à celles-ci une obligation de moyen de veiller à la sécurité de toutes les voiries situées sur leur territoire, qu’elles en soient ou non propriétaires, à l’exception des autoroutes.

On peut donc imaginer qu’une région ou une province soit poursuivie en même temps que la commune sur le territoire de laquelle est située la route litigieuse, sur base de ce fondement.

Ici également, la commune pourra échapper à l’indemnisation si elle démontre avoir procédé aux mesures appropriées en vue d’éviter tout danger anormal.

Tant dans le régime de droit commun de la responsabilité que dans celui fixé par la loi communale, le propriétaire de la voirie ou la commune pourra être mis hors cause s’il démontre qu’il ne connaissait légitimement pas la situation litigieuse ou qu’il n’était raisonnablement pas en mesure d’intervenir préalablement au sinistre.

Les autorités publiques précitées limiteront leur responsabilité, voire plus rarement s’en exonéreront, si l’usager de la voirie a lui-même commis une faute, par exemple en n’adaptant pas sa conduite aux circonstances concrètes du lieu dès lors que celui-ci est le premier gardien de sa sécurité.

5. Le troisième fondement à une demande d’indemnisation réside dans le régime de la responsabilité du fait des choses, lequel présente un intérêt particulier.

En effet, l’article 1384, alinéa premier, du Code civil instaure une véritable présomption de responsabilité : si la victime démontre l’existence de son dommage et le lien entre celui-ci et le vice de la voirie, le gestionnaire de celle-ci ne peut contester sa responsabilité.

Ainsi, l’autorité publique ne sera pas fondée à faire état de son ignorance de la situation litigieuse ou de l’impossibilité pour elle d’être intervenue préalablement.

L’autorité en question sera uniquement celle qui est propriétaire de la voirie. Les communes ne seront donc responsables que des voiries vicinales.

Il y aura vice de la chose lorsqu’il sera démontré que celle-ci présente une caractéristique anormale, susceptible d’occasionner un dommage.

Bien entendu, des ornières, trous, affaissements, dénivellations et autres différences de niveau constituent de tels vices pour autant qu’ils présentent une certaine importance.

Ainsi, il a déjà été jugée que sont viciées les routes qui sont affectées d’un trou profond de 15 cm, d’une excavation de 11 cm ou de 25 cm de profondeur, d’un affaissement de 15 cm, de trous de 10 à 15 cm remplis d’eau, d’un nid de poule d’une profondeur de 5 cm, etc.

Dans ces hypothèses, la marge de manœuvre de la région, de la province ou de la commune est très réduite.

Celle-ci ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en établissant l’existence d’une force majeure (exemple : un vent d’une force inhabituelle) ou encore en démontrant l’existence d’une faute de l’usager tellement grave que même si la route avait été en bon état, le dommage serait survenu de la même manière (exemple : l’automobiliste qui emprunte un sens interdit).

Compte tenu de ce que les juristes appellent la théorie de l’équivalence des conditions, ce n’est que dans des circonstances très spécifiques que le pouvoir public pourra s’appuyer sur la faute de la victime pour écarter toute mise en cause.

Si l’autorité publique démontre l’existence d’une faute de la victime, mais sans établir que celle-ci explique à elle seule le sinistre, il y aura alors lieu à un partage de responsabilités et l’usager ne sera que partiellement indemnisé.

C’est alors au juge qu’il appartiendra de fixer la partie du préjudice qui doit demeurer à charge de l’usager.

On pense ici à un conducteur qui a commis un excès de vitesse sur une chaussée dégradée par exemple.

6. Pour être complet, précisons que, si l’accident a occasionné un ou plusieurs blessés voire un mort, une procédure pénale pourra également être diligentée à charge de l’autorité responsable de la voirie, celle-ci pouvant en effet être alors déclarée coupable de coups et blessures involontaires ou d’homicide involontaire, du fait de sa négligence.

7. S’agissant enfin du dommage, il devra être prouvé, tout comme le lien causal entre celui-ci et l’inertie de l’autorité ou le vice de la route, par la victime.

Il sera dès lors nécessaire de se constituer un dossier composé notamment de photographies prises sur les lieux le plus rapidement possible, voire d’un film enregistré sur place, de témoignages, d’un constat d’huissier le cas échéant, d’une expertise du véhicule ou à tout le moins d’un devis de réparation précis et d’une mise en demeure envoyée dès que possible.

8. En conclusion, le régime de droit commun de la responsabilité, tout comme celui plus spécifique prévu par la loi communale, constituent des fondements moins intéressants compte tenu de la possibilité pour l’autorité publique, qui n’est soumise qu’à une obligation de moyen, d’échapper à sa responsabilité en soutenant par exemple qu’elle ignorait la situation exacte de sa voirie, qu’elle n’avait pas eu le temps matériel de faire procéder aux réparations nécessaires ou encore que la situation était exceptionnelle.

A cet égard, on a entendu récemment des gestionnaires soutenir qu’ils attendaient la fin de la période de gel pour procéder aux travaux nécessaires, tenant compte notamment du caractère inhabituellement rigoureux de cet hiver.

Ce type d’argument pourrait le cas échéant être accueilli par les juridictions de fond qui disposent d’un large pouvoir d’appréciation.

Le système de la responsabilité du fait des choses (voy. le n° 5, ci-avant) est bien plus intéressant : il repose en effet sur une présomption de responsabilité, qualifiée par certains de présomption de faute, à charge du gestionnaire de la voirie et le gestionnaire de voirie ne pourra ici généralement s’en tirer, et sauf rare exception uniquement pour une partie du dommage, qu’en apportant la preuve d’une faute commise par la victime.

Votre point de vue

  • Didier PARENT
    Didier PARENT Le 3 mai 2017 à 09:13

    Bonjour,

    Je suis conducteur de voiture, mais également motard et l’état de la route du Condroz (à liège) est devenu extrêmement dangereux. Je viens d’exploser un pneu de ma voiture dans un nid de poule et je n’ose imaginer, si j’avais été en moto, ce qu’il me serait arrivé. La descente vers liège est l’acérées de fissures avec des nids de poule en sus et le bas au niveau d’Angleur est devenu plus que dangereux. J’aimerais prévenir les autorités compétentes avant qu’il y aie un mort. Où dois je faire cela ?

    • Marc Lezin
      Marc Lezin Le 22 mars 2019 à 08:45

      Bonjour, connaissant exactement le même problème que vous, (mauvais état de la route qui fait trembler toute ma villa !) je me suis déjà adressé à cinq adresses : jamais de réponses ! Si jamais vous aviez une bonne adresse pour demander la réparation de la route, cela m’intéresserait très fort. On dirait que les "autorités" se cachent !

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  • Cottet Marie-ange
    Cottet Marie-ange Le 31 janvier 2019 à 12:44

    Bonjour sur la route menant à la dechetterie de Marmande 47200 un trou rempli d’eau hier soir j’ai évité l’accident en scooter et était obligé de faire intervenir assistance dépannage car mon véhicule ne démarrez plus les frais car pas assuré pour le dépannage me sont revenus à 96€ cette route est très dangereuse dans les 2 sens et j’ ose imaginer ce qui pourrait arriver à un motard car pour moi ce n’est que matériel et une grosse frayeur. J’avertis ce jour la mairie

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  • ATON
    ATON Le 7 février 2017 à 07:45

    bonjour , le rond point de l’étoile de thionville est accidentogène du à cette chaussée glissante ou l’eau ruissele tout le temps.ma voiture est parti en travers alors que j’emprunte cette route tous les jours , ce jour là 4 véhiciles ont atterris dans le fossé. pourquoi des rainurages ne sont pas effectuer comme dans les ronds points. vous attendez qu’il y a des morts pour réagir.
    c’est lamentable. on a plus que nos yeux pour pleurer car plus de voitures !!!

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  • Olivier
    Olivier Le 12 mai 2015 à 12:11

    Maître Leroy, vous êtes avocat et vous savez donc qu’un usager de la route seul contre l’administration n’a que peu de chances d’obtenir gain de cause au cas où il subit un préjudice du fait de l’état des voiries qu’elles soient communales ou non.

    Conduisant un scooter, j’ai subi plusieurs fois (comme tous les autres) des embardées et même deux chutes dues à l’état de la voirie.

    J’ai naïvement cru que j’allais faire valoir mes droits en déclarant l’accident à la police, puis à la commune, qui a fait valoir son assurance. Laquelle m’a demandé de PROUVER que j’étais bien tombé dans CE TROU LA et que les DÉGÂTS provenaient de cette chute.

    La seule manière de le prouver c’est un PROCÈS VERBAL de la police qui, comme vous le savez, ne se déplace plus pour ce genre de "détail". Et qui m’a donc renvoyé... à la commune (SA commune...). La boucle est bouclée.

    Alors, à quoi sert votre texte ? ;) Merci de nous répondre ! OS, Auderghem

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  • Deladrier
    Deladrier Le 11 janvier 2011 à 19:32

    Voilà maintenant 15 jours que le ring RO Bruxelles n’est praticable que sur une bande. Durant ces 15 jours il y avait les congés scolaires et les conditions climatiques étaient correctes. Pourquoi attendre la fin des congés pour entreprendre les réparations je mets 2h30 pour faire Bruxelles-Mons. Un peu plus loin Nivelles voilà presque 1 an que les bandes de circulation sont déviées, une fois à gauche, une fois à droite. Je n’ai jamais vu un ouvrier y travailler. Si vous ne savez pas quoi faire des chômeurs de longue durée il y a peut-être là matière à creuser. Chaque matin je croise des gens en panne suite aux dégradations de ce ring et je me pose la question de savoir si ils ont des enfants dans la voiture. Il est également important de souligner que ces problèmes de voirie étaient les mêmes l’année dernière sur ces tronçons. Il serait judicieux de vérifier la qualité des matériaux employés.

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  • Keckeis Roland
    Keckeis Roland Le 25 mars 2010 à 21:51

    Dans notre région de la Drôme provençale et du Vaucluse, on a fait des saignées longitudinales pour enfouir la fibre optique (?). Les "raies longitudinales de différence de niveaux sont dangereuses pour les deux roues. En avez-vous conscience ? Va-t-on égaliser les tapis prochainement ?

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  • TENAERTS Paul-André
    TENAERTS Paul-André Le 10 mars 2010 à 09:50

    Bonjour,

    J’emprunte tous les jours la liaison E25-E40 pour me rendre au travail.
    La carrosserie et le pare brise de mon véhicule sont criblés d’éclats dus au nombreux gravillons présents sur la chaussée spécialement dans la côte de Burenville.
    Qui est responsable et quelles sont les recours à introduire en vue d’une éventuelle indemnisation ?

    Bien à vous,

    PAT

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  • si je suis un citoyen lambda
    si je suis un citoyen lambda Le 8 mars 2010 à 13:31

    Bonjour,
    Il serait intéressant de préciser où et comment l’on peut trouver qui est le responsable d’une voirie, la région, la province ou la commune ?
    Ex. vécu : le ring...

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