« Briser le secret des lieux de détention » : expo et rencontre autour de Céline Cuvelier, artiste peintre

par Marie Berquin - 24 mai 2020

Céline Cuvelier, artiste peintre, anime des ateliers de dessin et de peinture en prison.
Elle a fait part de cette expérience le 11 mars 2019 auprès de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles (« Briser le secret des lieux de détention : expo et rencontre »), lors d’une rencontre entre cette artiste et la section belge de l’Observatoire international des prisons (OIP).

Marie Berquin, avocate au barreau de Bruxelles et co-présidente de la section belge
de l’Observatoire international des prisons, relate cette rencontre, qui a permis à nouveau de mettre en lumière les conditions de détention dans les prisons belges.

Se confrontent ainsi le témoignage d’une artiste qui offre un peu de liberté à des prisonnières et les constats faits depuis de nombreuses années par l’Observatoire international des prisons sur les conditions de vie en milieu carcéral.

1. À l’occasion de cette activité de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles et de cette rencontre, j’ai eu le plaisir de faire la rencontre de Céline Cuvelier, artiste peintre.

Céline a commencé par raconter son premier contact avec le milieu carcéral : elle habitait rue Berkendael, en face de la prison pour femmes. De son salon, Céline avait vue sur les cellules. L’immobilisme forcé de ces femmes l’a frappée. Céline a commencé à prendre des photos de ces silhouettes immobiles derrière les barreaux. Cette position, qu’elle qualifie de voyeuriste, l’a finalement mise mal à l’aise : il fallait aller voir de l’autre côté des murs.

Elle a donc mis en place, après plusieurs mois de bataille, un atelier d’art au sein de la prison de Berkendael. Deux heures par semaine, dix détenues.

2. Ce que Céline a pu dire de ses constats lors de la mise en place de ces ateliers, de ses discussions avec les femmes détenues, de la manière dont elle a été accueillie (ou peu accueillie) au sein de la prison, fait évidemment écho à ce que nous constatons, au quotidien, dans notre travail avec l’Observatoire international des prisons.

Céline a parlé de la difficulté pour ces femmes, qui sont enfermées depuis parfois plusieurs années, de créer lorsqu’elles sont laissées libres de toute directive, à quel point il est difficile pour elles d’être livrées à elles-mêmes, de retrouver un peu de liberté, y compris simplement pour dessiner ou peindre.

L’Observatoire international des prisons constate combien le fait pour les détenus de se voir privés de toute responsabilité ou prise de décision est dommageable pour eux. Ils ne font plus rien eux-mêmes (dans certaines prisons, ce sont les agents qui doivent allumer et éteindre la lumière des cellules), ne décident plus de rien (les horaires des repas, des visites, du préau, le menu, le nombre de douches, etc.) et doivent, à leur sortie, réapprendre tout ce qu’ils ont désappris.

3. Céline a parlé de l’importance que prennent, pour les femmes détenues, des objets qui nous paraissent pourtant anodins : par exemple, en prison, les femmes ne reçoivent pas de protections hygiéniques, elles doivent les acheter et seules des serviettes hygiéniques sont disponibles ; le tampon devient un luxe, objet de convoitise.

L’Observatoire international des prisons constate que les détenus ne bénéficient souvent pas du matériel minimum pour assurer des conditions de vie dignes. Protections hygiéniques, produits d’hygiène, papier toilette, tout manque. Certaines cellules n’étant pas équipées de l’eau courante, les détenus doivent y faire leurs besoins dans des seaux.

4. Céline a parlé de ces femmes, internées (qui ont donc été déclarées irresponsables de leurs actes et devraient être transférées vers un établissement de soin), qui ont parfois des crises en pleine activité.

L’Observatoire international des prisons constate que malgré les nombreuses condamnations nationales et internationales, la Belgique n’a toujours pas vidé les annexes psychiatriques des prisons, où des dizaines d’internés croupissent littéralement, parfois pendant plusieurs années, sans recevoir les soins nécessaires, en attenant leur transfert vers un établissement de défense sociale.

5. Et Céline a parlé de la bienveillance de ces femmes, entre elles et avec elle, qui mettent tout en place pour préserver une activité qui leur permet, le temps de deux heures, de s’évader un peu.

L’Observatoire international des prisons ne peut que constater que les conditions de vie qui sont imposées aux détenus en Belgique sont indignes d’un État de droit. Et, au-delà des conditions matérielles de détention, la faillite du système pénal et pénitentiaire est indubitable.

L’État belge s’entête dans une politique carcérale qui n’a aucun sens. Il se contente de prendre des mesures-spectacles destinées à rassurer une population à qui il tente de cacher les horreurs qu’il fait subir à ses citoyens détenus.

Céline Cuvelier fait entrer un peu de lumière dans l’ombre de la prison. Elle met aussi en lumière les ombres de la prison.

Votre point de vue

  • E. berlherm
    E. berlherm Le 13 novembre 2020 à 10:20

    Nous avons tous été contraints d’exister et contraints à entrer dans la société. Personne n’a jamais signé de contrat social. Nous avons été mis devant le fait accompli de l’existence. Nous devrions donc être considérés comme innocents d’exister donc innocents de nos actes, mais par un artifice tordu les humains ont transformé la supposée responsabilité de soi-même (c’est-à-dire en fait le sevrage de n’importe quel animal) en une responsabilité judiciaire. Être innocents d’exister implique l’innocence de ses actes. N’importe quel philosophe sérieux, n’importe quel scientifique sérieux, n’importe quel rationaliste sérieux peuvent comprendre cette innocence totale. L’imperfection de notre fabrication et l’imperfection de notre éducation dans un monde imparfait sont faciles à comprendre. Qu’y a-t-il d’impossible à comprendre dans la notion d’innocence de l’existence et le fait que cela entraine l’innocence de ses actes ? Est-ce si difficile de comprendre que les enfants n’ont pas demandé à exister et à exister tel qu’ils ont été fabriqués ? Est-ce si difficile de comprendre que nous sommes tous enfants d’enfants et que nous désirons tous être des invités sur la planète plutôt que des esclaves ? Peut-être sommes-nous trop nombreux et que l’impression de pullulation nous empêche la réflexion et la compassion ! "Nous sommes contraints d’exister donc innocents d’exister donc innocents de nos actes."

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  • skoby
    skoby Le 25 mai 2020 à 12:36

    Cette initiative bien sympathique permet effectivement aux détenues de participer
    à une occupation intéressante. Mais il est assez sidérant de voir les conditions
    de détention actuelles dans vraisemblablement un grand nombre de pays.

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