1. En une centaine de pages et neuf chapitres aux titres parfois provocants, ce recueil dépeint la réalité de l’internement, telle qu’elle est perçue par Pierre Schepens et par Virginie De Baeremaeker, à la Clinique de la Forêt de Soignes (La Hulpe).
Pierre Schepens est psychiatre et médecin-chef, Virginie De Baeremaeker psychologue et criminologue. Ils travaillent tous deux dans l’unité Baobab, qui accueille 26 personnes internées, libérées à l’essai. Cette unité est nichée au cœur de la forêt, dans l’ancienne Clinique du Dr. Derscheid, bien connue des auditeurs de feue l’émission de radio « Le jeu du dictionnaire ».
2. Dénonçant lieux communs et préjugés, l’essai rejette l’idée que la justice n’apporterait pas de réponse satisfaisante dans la situation du délinquant déclaré irresponsable : n’étant pas « jugé », il « échapperait » à la sanction.
Pourtant, le trajet en internement, à durée illimitée, représente une trajectoire pénale complète ; le but de la loi du 5 mai 2014 ‘relative à l’internement’ est de rechercher une réponse adéquate tant à la maladie mentale qu’à la dangerosité.
3. Les auteurs s’interrogent sur la fiabilité et la validité du diagnostic en psychiatrie ; l’expertise psychiatrique est obligatoire avant l’internement, mais les experts sont trop peu nombreux.
Ils nous rappellent les expériences éclairantes de Milgram (sur la soumission à l’autorité) et de Zimbardo (sur l’influence surdéterminante des circonstances sociales sur les conduites individuelles).
Le Dr. Schepens et Mme De Baeremaeker s’insurgent contre la logique sécuritaire à tout prix (« dans le doute, enfermons »). Ils insistent sur la nécessité de rencontrer l’humain derrière l’acte commis et de « surfer » entre diverses rencontres : celle du patient, de la maladie, de l’acte et surtout de l’humain qui réunit ces trois aspects.
Cela peut amener au constat que, pour certains, leur place est en prison. Les auteurs tiennent toutefois à rappeler que 85 à 97 % des agresseurs ne sont pas des malades mentaux et que plus de 90 % des patients ayant été hospitalisés en psychiatrie ne sont pas violents.
4. Le livre dénonce la surpopulation des prisons, la misère des équipes de soins dans la plupart des annexes psychiatriques, ainsi que les séquelles du long séjour en prison avant que la personne internée reçoive enfin les soins adéquats.
La prison est pourvoyeuse de souffrances psychiques pouvant conduire à la folie ou au suicide ; le taux de suicide y est quatre fois supérieur à la population « normale ».
5. Analysant divers aspects de la loi ‘relative à l’internement’, l’essai encourage aussi à poursuivre le débat sur la suppression du caractère judiciaire de celui-ci, ainsi qu’à lutter contre le conformisme et surtout contre l’indifférence.
À travers le récit de patients, se révèle un point commun à tous ces êtres aux destins chaotiques : une grande souffrance, passée, présente et malheureusement souvent à venir.
6. Si les auteurs se voulaient impertinents dans leur propos, leurs analyses sont partagées par de nombreux observateurs, dans le monde du soin comme dans celui de la justice. Il reste pourtant indispensable que, de la foule, s’élève le cri de l’enfant : « le roi est nu » !
On ne peut que recommander cette lecture très accessible, parsemée de citations vivifiantes et d’illustrations, peut-être en écoutant la playlist très rock proposée par les auteurs, dont le magnifique « L’espoir, cinq minutes au paradis », de Bernard Lavilliers et Jeanne Cherhal.
Votre point de vue
Panier Le 15 janvier à 14:37
Écoutant ce matin Tendances Première ( RTBF ), je veux dire à Mr SCHEPENS et à TARIK mom admiration et mon profond respect pour leur travail et leurs réflexions sur l’internement carcéral que, jeune magistrat dans les eighties, je qualifiais déjà de “ goulag innommé “ …. Mais c’est à désespérer de tout changement !!!!!!! Courage et solidarité en leur combat. Et merciiiiiiiiii…
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Mamylène Le 7 juin 2021 à 10:45
J’ai lu cet ouvrage avec intérêt .
Je conduis bénévolement des enfants pour rendre visite à leur parent incarcéré et suis interpelée par le manque d’accueil de la part du personnel de la prison, et par la saleté des salles d’attente...
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