1. Après avoir statué une première fois dans un délai de cinq jours suivant la délivrance du mandat d’arrêt, la chambre du conseil (qui, constituée au sein de chaque tribunal de première instance, est chargée de diverses questions en rapport avec le déroulement de l’instruction et ses suites, ici la légalité du mandat d’arrêt) statue de mois en mois, et tous les deux mois à partir de la troisième décision, sur le maintien et la modalité d’exécution de la détention. Chacune de ces décisions est susceptible d’appel auprès de la chambre des mises en accusation (constituée au sein de chaque cour d’appel).
2. Jusqu’à la loi « pot-pourri II », l’inculpé bénéficiait de la possibilité de se pourvoir en cassation immédiatement contre chaque décision rendue par la chambre des mises en accusation dans le cadre de ces contrôles.
3. Mais dans un souci de diminution de la charge de travail de la Cour de cassation, le législateur de 2016 a décidé de limiter ces possibilités de pourvoi immédiat.
Selon les travaux préparatoires de la loi, ces pourvois n’offriraient effectivement qu’« une plus-value limitée dans la pratique », qui se caractérisaient par un faible taux de succès, seuls 6 % des pourvois ayant mené à une cassation en 2014.
Pour les mêmes raisons, le législateur supprime la possibilité pour un détenu d’introduire un pourvoi en cassation immédiat contre les arrêts de la chambre en accusation concernant des mesures de restrictions de contact dans le cadre de l’exécution de son mandat d’arrêt (telles qu’une mise à l’écart d’autres inculpés, qu’une interdiction de visite de personnes extérieures à la prison ou qu’une interdiction de correspondance).
Sous l’empire de ce régime, une seule décision de la chambre des mises en accusation reste donc susceptible de pourvoi en cassation par l’inculpé : le maintien de la détention prononcé sur appel de la première décision de la chambre du conseil dans les cinq jours du mandat d’arrêt. Pour le législateur, ce maintien se justifiait par le fait que le contrôle opéré à ce stade semblait plus crucial que celui des décisions de prolongation de la détention préventive intervenant ultérieurement, étant donné que c’était à ce moment qu’étaient également vérifiées la régularité et la légalité du mandat d’arrêt.
4. Ce changement législatif a toutefois recueilli un avis négatif du Conseil d’Etat, s’interrogeant sur la conformité de la justification de ces limitations de recours avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui considère que les motivations de la détention préventive doivent être contrôlées plus strictement avec le temps.
Emboîtant le même pas que la section législative du Conseil d’Etat, divers recours ont alors été menés devant la Cour constitutionnelle dans le but de solliciter une censure de ces limitations drastiques de possibilités d’intenter un pourvoi en cassation immédiat. Rappelons que la Cour de cassation est la juridiction suprême de l’Ordre judiciaire et qu’elle vérifie si les cours et tribunaux ont respecté les règles de droit.
5. Soulignant le caractère exceptionnel de la détention préventive et l’exigence qu’elle ne soit prononcée qu’en cas d’absolue nécessité, la Cour constitutionnelle annule ces limitations de pourvoi immédiat dans son récent arrêt du 21 décembre 2017.
Ce faisant, la Cour rappelle qu’il ne peut être question, en matière de privation de liberté, que d’interprétation stricte et restrictive. Toutes les limitations de la liberté individuelle doivent être examinées au cas par cas avec la plus grande circonspection, en dépit du temps et de l’investissement que les procédures relatives à ces limitations prendraient.
6. Il faut donc dorénavant considérer que les décisions de la chambre des mises en accusation de maintien en détention préventive sont à nouveau toutes susceptibles de pourvoi en cassation immédiat, dans un délai de 24 heures à compter de leur signification à l’inculpé. En matière de liberté de communiquer des détenus, tout pourvoi immédiat est également rétabli.
Cela ne remet néanmoins pas en cause la situation des détenus qui ont été confrontés au régime limitatif de la loi pot-pourri II puisque l’annulation de la Cour ne vaut qu’à partir de la date de la publication de l’arrêt au Moniteur belge, à savoir le 12 janvier 2018.
7. Une telle décision de la Cour constitutionnelle, aussi marginale qu’elle puisse paraître par rapport aux autres annulations prononcées par l’arrêt du 21 décembre 2017 (Justice-en-ligne y reviendra), ne peut qu’être approuvée.
Elle fixe les limites, nécessaires, d’une vision managériale de la justice et rappelle que la Cour constitutionnelle se dresse comme garante des droits fondamentaux dans un paysage souvent trop restreint à des soucis d’effectivité, d’efficacité et de rapidité de la justice, dans une logique cout-bénéfice inapplicable au droit pénal.
Votre point de vue
skoby Le 26 janvier 2018 à 17:17
Je suis choqué par le fait que des individus pris en flagrant délit d’actes
répréhensibles, donc la sanction serait une mesure d’incarcération, devrait
être incarcéré immédiatement afin qu’ils ne puissent continuer leurs actes
répréhensibles et aussi d’éviter qu’ils ne puissent quitter le territoire.
Trop d’individus sont relâchés quasi immédiatement et cela est très choquant
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