Uber doit cesser ses activités
Par une ordonnance du 23 septembre 2015, le Président du Tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles a interdit à Uber de continuer à mettre en relation conducteurs et consommateurs. La sanction est, en apparence, lourde : si Uber continue ses activités sur le marché, une sanction de 10.000 euros par jour et par personne peut être prononcée. La limite totale de la sanction est plafonnée à un million d’euros : une mesure suffisamment dissuasive pour que même Uber ferme son application UberPop.
L’ordonnance du Tribunal
L’ordonnance rendue par le Tribunal se veut d’une froide logique.
D’abord, le Tribunal rappelle que l’activité de taxi est encadrée par la législation bruxelloise et que celle-ci exige que les conducteurs disposent d’une licence octroyée par la Région.
Ensuite, l’ordonnance confronte la définition de « service de taxi » établie par la loi avec l’activité des chauffeurs Uber et décide que ces derniers fournissent effectivement des services de taxi.
Enfin, considérant que le service fourni par Uber facilite la fourniture de services de taxi illégaux, le Tribunal juge qu’Uber est coupable de concurrence déloyale.
Une étrange défense
Devant le juge, Uber développe une défense particulièrement surprenante. Il conteste avoir aidé à la fourniture de services de taxis dans la mesure où… ses conducteurs ne seraient pas rémunérés. Uber se présente comme un champion de l’économie du partage dont les conducteurs ne toucheraient pas d’autre rétribution qu’une participation aux frais de la course.
Cet argumentaire était voué à l’échec : Uber n’avait pas lésiné sur les messages promotionnels pour recruter de nouveaux conducteurs en leur faisant miroiter la perspective d’une confortable rémunération. On est loin d’un simple défraiement.
Qu’en est-il du covoiturage ?
Le Tribunal condamne Uber mais fait preuve de plus de modération pour les cas de covoiturage. Saisi d’une hésitation, le Tribunal décide de suspendre la procédure pour interroger la Cour de Justice de l’Union européenne. En conséquence, cette Cour devra prochainement décider si les restrictions imposées par la législation bruxelloise sur les taxis portent atteinte à la liberté d’entreprendre de manière disproportionnée en ce qu’elles empêchent le covoiturage.
De manière surprenante, la Cour n’est pas interrogée sur la proportionnalité de la législation bruxelloise avec la liberté d’entreprendre en ce qu’elle empêche l’entrée d’Uber sur le marché. Selon notre opinion, Uber aurait pourtant eu intérêt à contester de front la validité de la législation bruxelloise sur la base du droit européen de la concurrence, comme un article précédent sur Justice-en-ligne a tenté de le montrer (Norman Neyrinck, « L’interdiction d’Uber sur le marché du transport des personnes par automobile à Bruxelles : le monopole des taxis est-il bien conforme au droit européen ? »).
Encore deux autres procédures au moins
À ce stade, Uber doit donc cesser ses activités. Pourtant, deux procédures doivent encore être réglées.
D’une part, Uber a sollicité du Tribunal qu’il se prononce sur la légalité de la centrale d’appel « Les taxis verts ». Pour Uber, cette centrale serait coupable d’abus de position dominante, ce qui est également interdit par le droit de la concurrence.
D’autre part, Uber a annoncé faire appel du jugement. Une seconde décision devra donc être prise, pour confirmer ou infirmer l’interdiction qui le frappe.
Vers une réforme de la réglementation bruxelloise ?
On l’aura compris : l’interdiction qui frappe Uber est intimement liée à la législation en vigueur à Bruxelles pour protéger l’activité des taxis. Le Ministre bruxellois de la mobilité a promis une réforme en ce sens. À ce jour, cette réforme est attendue depuis huit mois.
Si la législation changeait, Uber pourrait peut-être immédiatement relancer ses activités
Votre point de vue
Gisèle Tordoir Le 18 novembre 2015 à 14:29
Uber offrait un service à la hauteur des attentes des utilisateurs des taxis : bonne présentation, correction, service à la clientèle impeccable...Lorsque j’entends différents témoignages de ce que sont trop souvent, aujourd’hui, les chauffeurs de taxis, je suis sidérée par ce jugement que je trouve particulièrement arbitraire. Rien n’empêchera les citoyens d’organiser leurs transports au mieux de leur intérêt. Il est, néanmoins, grand temps de changer la législation trop protectrice, à mon avis, d’une corporation majoritairement incapable d’offrir le service de qualité auquel le client peut prétendre. Vivement que cette réforme se fasse.
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