Pourquoi les magistrats français expriment-ils leur malaise ?

par Gilles Lacan - 21 février 2011

A l’origine, un acte criminel qui a choqué l’opinion : l’enlèvement et le meurtre d’une jeune femme à Pornic, près de Nantes, dont le corps a été retrouvé démembré quelques jours plus tard. L’auteur présumé des faits a été rapidement identifié : il s’agit d’une personne déjà plusieurs fois condamnée pour des actes de violence.

Le président de la République, qui a fait de la lutte contre l’insécurité l’un des axes majeurs de sa politique, a largement commenté l’affaire, stigmatisant les dysfonctionnements supposés de la justice dans le traitement du cas de ce récidiviste et promettant des sanctions.

Les magistrats nantais ont vivement réagi à de telles accusations, se sont mis en « grève » renvoyant les affaires civiles et pénales non urgentes et ont été rejoints dans leur mouvement de protestation par une partie du barreau ainsi que par les personnels des services extérieurs du ministère de la justice, notamment les agents de probation et de réinsertion. Ce mouvement a ensuite fait tache d’huile dans l’ensemble du monde judiciaire et jusqu’à la Cour de cassation.

Les enquêtes diligentées par l’inspection des services judiciaires et l’inspection de l’administration pénitentiaire ont fait ressortir l’absence d’une faute individuelle caractérisée ayant pu être à l’origine du drame de Pornic en même temps qu’une carence dans les moyens en personnels, magistrats et fonctionnaires, affectés au contrôle, à la surveillance et à la réinsertion des personnes sortant de prison.

Jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008, le Président de la République présidait le Conseil supérieur de la magistrature, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cependant, en tant que chef effectif du pouvoir exécutif, il dispose toujours d’un pouvoir de contrôle sur le ministère public, tant en matière d’action publique, par voie de circulaires et d’instructions dans les affaires individuelles, que dans les nominations et promotions des magistrats du parquet. Il conserve également un pouvoir décisionnaire important, certes partagé avec le Conseil supérieur de la magistrature, sur la carrière des magistrats du siège.

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