La dénonciation et la délation sont des actes ambivalents, qui font appel à la responsabilité et à l’éthique de chacun. La dénonciation peut être le fait de particuliers ou de groupes d’individus qui, animés de considérations diverses, alertent la communauté de faits qu’ils jugent inadmissibles. Mais la dénonciation peut aussi être inspirée par la cupidité, la haine ou le mépris, auquel cas elle est qualifiée de délation.
Moralement discutable, la dénonciation fait partie de notre quotidien judiciaire et consiste à révéler aux autorités la commission d’une infraction par autrui. Elle se distingue de la plainte, qui émane de la victime de l’infraction.
La dénonciation est tantôt obligatoire, tantôt facultative ; elle peut être encouragée, voire récompensée ou rémunérée, afin de prévenir la commission d’infractions, de porter des infractions à la connaissance des autorités, de faciliter l’élucidation d’enquêtes policières ou judiciaires…
Ainsi, il existe dans le chef des fonctionnaires une obligation de dénoncer au procureur du Roi, les délits et les crimes dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Une obligation similaire pèse sur les particuliers qui sont témoins d’un attentat soit contre la sûreté publique, soit contre la vie ou la propriété d’un individu. Les personnes dépositaires d’un secret professionnel sont autorisées, à certaines conditions, à lever ce secret lorsqu’elles dénoncent au procureur du Roi la commission d’infractions à caractère sexuel sur un mineur. La dénonciation peut aussi valoir comme cause d’excuse et entraîner la réduction ou l’exemption de peine pour celui qui empêche la réalisation d’infractions considérées comme particulièrement graves pour l’ordre social ou qui révèle l’identité des auteurs d’infractions, comme en matière de stupéfiants. Enfin, la dénonciation peut être rémunérée à travers la figure de l’indicateur.
En dehors des cas expressément prévus par la loi, il n’existe aucune obligation générale de dénonciation. Rien n’empêche toutefois une personne de dénoncer aux autorités policières ou judiciaires un fait qu’elle a constaté ou qui a été porté à sa connaissance par un tiers. La personne s’expose toutefois à des poursuites en cas de dénonciation calomnieuse.
Les faits dénoncés aux autorités n’ont aucune valeur probante particulière et ne sont pas synonymes de preuves. En effet, les informations révélées aux autorités valent comme « simples renseignements » et il appartient au procureur du Roi d’en apprécier le bien-fondé. Le procureur devra ainsi vérifier si le fait constitue une infraction, distinguer les informations dignes d’intérêt de celles qui lui paraissent farfelues, procéder à différents devoirs d’enquête pour établir la véracité des faits et rassembler des éléments de preuve. Ce n’est qu’au terme de son information que le procureur du Roi décidera, en vertu de son pouvoir d’opportunité des poursuites, de la suite à réserver au dossier (classement sans suite, transaction, médiation, poursuites, mise à l’instruction).
La loi précise que le procureur du Roi veille à la légalité et à la loyauté des moyens de preuve. Ainsi, le dénonciateur ne peut avoir eu connaissance de l’information révélée à la suite d’une illégalité ou d’une irrégularité, par exemple en violation du secret professionnel ou du secret des lettres. La jurisprudence admet toutefois que cette illégalité ou cette irrégularité soit couverte par des preuves recueillies de manière légale et régulière par le procureur du Roi subséquemment à la dénonciation. Et l’on sait que la Cour de cassation autorise, depuis l’arrêt « Antigoon » du 14 octobre 2003, le juge pénal à déclarer, sous certaines conditions, une infraction établie sur la base d’une preuve obtenue de manière irrégulière ou illégale.
La question n’est alors plus tant la dénonciation que le sort réservé par la justice à n’importe quelle information portée à sa connaissance et renvoie à la question épineuse de l’admissibilité de la preuve et du respect des droits de la défense. Mais il s’agit là d’un autre débat…
Votre point de vue
Alida Le 21 avril 2023 à 10:37
Bonjour,
Quelle est la disposition légale qui impose aux particuliers qui sont témoins d’un attentat soit contre la sûreté publique, soit contre la vie ou la propriété d’un individu dénoncer les faits ?
Merci
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GEORGES Le 9 janvier 2012 à 17:27
Bonjour,
Quelle est la disposition légale qui impose au fonctionnaire ou même au juge de dénoncer les fait au Parquet ?
Merci pour votre précision.
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www.justice-en-ligne.be Le 10 janvier 2012 à 15:50
La disposition légale qui impose aux fonctionnaires une obligation de dénonciation est l’article 29 du Code d’instruction criminelle qui se lit comme suit :
"Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur-le-champ au procureur du Roi près le tribunal dans le ressort duquel ce crime ou délit aura été commis ou dans lequel l’inculpé pourrait être trouvé, et du transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Toutefois, les fonctionnaires de l’Administration des Contributions directes, les fonctionnaires de l’Administration de la Taxe sur la valeur ajoutée, de l’Enregistrement et des Domaines, les fonctionnaires de l’Administration de l’Inspection spéciale des Impôts et les fonctionnaires de l’Administration de la Fiscalité des entreprises et des revenus, ne peuvent, sans autorisation du directeur régional dont ils dépendent, porter à la connaissance du procureur du Roi les faits pénalement punissables aux termes des lois fiscales et des arrêtés pris pour leur exécution "
Il convient de souligner cependant que le non respect de cette disposition n’est pas sanctionnée pénalement.
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