Voilà en effet une quinzaine d’années que Michelle Martin est incarcérée alors qu’elle avait été condamnée à une peine d’emprisonnement de 30 ans. Le Tribunal d’application des peines vient de la déclarer libérable sous conditions et cela paraît scandaleux à une partie de l’opinion publique. Que faut-il en penser ? Notre justice pénale serait-elle trop laxiste ou insensible à la douleur des victimes ? Cette affaire ne doit-elle pas plutôt nous amener à réfléchir aux principes même du droit de punir dans une société démocratique ? Voici ce que l’on peut en dire en quelques lignes.
Depuis la révolution française et l’élaboration des codes pénaux, la justice pénale a fondé sa légitimité, non pas sur la vengeance ou sur une quelconque loi du talion, mais sur la recherche d’un droit qui protège la société en même temps qu’il reconnaisse l’humanité de tous les coupables. Ensuite, elle a décidé, pour la même raison, de supprimer la peine de mort. Entretemps, elle a mis en place une loi qui organise, dans les faits, un régime transitoire entre l’exécution de la peine privative de liberté et la libération totale. Il ne s’agit pas là d’une forme d’indulgence mais bien plus d’un temps de mise à l’épreuve puisque la sortie de prison est conditionnée au respect d’un nombre souvent important de conditions sous peine pour l’intéressé d’être immédiatement réincarcéré.
Il faut savoir que ce système, qui fonctionne depuis 1888, a, du point de vue de la protection de la société, fait très globalement ses preuves : statistiquement, plus un détenu bénéficie tôt d’une libération conditionnelle, moins il a de chance de récidiver. Par ailleurs, le nombre de récidivistes chez les criminels libérés conditionnels est extrêmement faible (moins de 1 % d’après les études françaises).
Pourquoi alors un tel tollé dans le cas de Michelle Martin ? Ce n’est sans doute pas le risque de récidive qui est en cause, mais beaucoup plus la réactivation des émotions suscitées par les événements tragiques qui se sont déroulés, il y a une quinzaine d’années. Que les victimes, les parents des victimes et leurs proches, qui ressentent au quotidien les traumatismes subis, ne puissent que très difficilement accepter les pratiques issues de cette justice démocratique, ceci est aisément compréhensible et mérite d’être respecté. Par contre, on pourrait attendre des médias et de tous les hommes et des femmes politiques de ce pays un respect des principes dont par ailleurs nous pouvons être fiers. Plus la justice pénale pourra prendre ses distances vis-à-vis des réactions émotives et de l’esprit de vengeance qui peut en découler, plus elle sera garante des fondements sur lesquels repose sa légitimité.
Votre point de vue
Ingeveld Aimée Le 18 juin 2011 à 00:39
Bonjour,
Je me permettrai de faire une remarque importante.
Au delà de cette explication de remise de peine et/ou d’appel à l’humanité et le pardon, il y a le cas Martin, femme du prédateur Dutroux. C’est à elle que le peuple refuse l’élargissement et la remise de peine ! Pourquoi ?
C’est simple, tout le procès Dutroux est FAUSSE, mené avec tous les dénis possibles où 95 % des participants sont acquits à l’idée de prédateurs isolés dans le chef de M. Martin et Dutroux ... de Nihoul aussi, par exemple, mais lui a été blanchi .... Madame Digneffe y croit, elle, à ce roman ? Ou croit-elle, comme le peuple, à une affaire d’Etat ? Les gens ne disent peut-être rien mais n’en pensent pas moins ! Le droit protège la société, Où diable avez vous été chercher cela ? Déjà que nous ne sommes plus en démocratie ! Pauvre Belgique !
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Adrienne gérin Le 25 mai 2011 à 13:07
Chers lecteurs de cet article, je ne suis pas du tout d’accord avec votre façon d’employer le mot démocratie .Vous demandez la démocratie en faveur des condamnés mais où se trouve la démocratie lorsqu’on parle des victimes ?Les victimes demandent l’application des peines prononcées par le jury populaire et pas la vengeance ! Là est la nuance et non l’amalgame. Pourquoi garder la cour d’assise si on sait par avance que les peines prononcées ne seront pas effectuées ?? Que l’on établisse une échelle de peines en fonction des actes commis et qu’on applique la sanction c’est celà la justice et non pas une peine illogique sur le coup de l’émotion qui on le sait ne sera pas exécutée.Le crime enlève la VIE d’une personne où se trouve la possibilité de réinsertion de la victime ??N’oublier pas cela n’arrive pas qu’aux autres tous,nous devons réfléchir comme s’il s’agissait de nous. Merci.
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Guy LAPORTE Le 16 mai 2011 à 12:21
Je suis tout à fait d’accord avec l’excellente analyse de Madame Françoise Digneffe.
Quant à la prise en charge partielle éventuelle par la justice française de la réalisation des conditions posées par le jugement du Tribunal d’Application des Peines, je ne suis par certain que les conditions prévues par la convention européenne du 30 novembre 1964 concernant la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition (notamment celle tenant à l’établissement d’une résidence habituelle sur le territoire de l’état requis - articles 5, 6 et 7)soient remplies, et que la France soit dès lors tenue de faire droit à une demande officielle de la Belgique formulée par la voie diplomatique.
Pour le texte de cette convention : http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/051.htm
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