Constat sans appel pour la justice de paix. Elle est sollicitée, dans la toute grande majorité du contentieux locatif, par des bailleurs soucieux de récupérer des loyers impayés (c’est le cas dans neuf affaires sur dix) et d’expulser le locataire au passage.
Très peu de locataires sont à la manœuvre. À peine 7 %. Et ce, même si les logements loués présentent de gros défauts.
Pourtant, les associations qui travaillent avec des habitants précarisés témoignent de situations catastrophiques. Des locataires qui se plaignent de l’état de leur logement, les associations en rencontrent tous les jours.
Mais alors, pourquoi les juges de paix ne sont-ils pas, eux aussi, assaillis de doléances émanant de locataires ? Il y certainement un manque criant de confiance en l’institution. La justice y compris celle dite de proximité jouit d’une image peu reluisante auprès des locataires, elle est considérée comme étant toujours du côté du plus fort.
Plutôt que d’infirmer cette hypothèse, les chiffres et affaires dépouillées dans l’étude ont tendance à la renforcer.
Le locataire aura toujours plus à perdre que le bailleur : son logement est en jeu !
Qu’il soit considéré comme dangereux et donc fermé, ou que le la relation avec le bailleur soit irrémédiablement dégradée, il faudra presqu’à tous les coups partir. Partir mais pour aller où ?
Et puis, une fois la procédure judiciaire introduite, les bailleurs parviennent, sans peine, à prouver des dettes locatives alors que les difficultés s’accumulent pour les locataires dénonçant l’insalubrité vécue. Il leur faudra multiplier les preuves écrites (ce qui n’est pas évident quand l’écrit n’est pas familier) et démontrer la responsabilité du bailleur... avec des rapports techniques pas toujours pris en compte, avec des juges qui refusent de venir voir les logements (ce n’est pourtant pas le nombre de visites potentielles qui devrait les effrayer).
Pourtant, lorsque le logement est insalubre, la justice devrait aussi faire partie des options pour rétablir le locataire dans son droit et l’indemniser. Elle ne l’est pas aujourd’hui. Se faire conseiller, accumuler les preuves, anticiper le relogement...
Même en remplissant toutes ces conditions, le locataire n’obtient que rarement gain de cause.
Oui, les juges reconnaissent le trouble de jouissance c’est le cas dans 80 % des affaires analysées mais rarement à la hauteur de ce que le locataire demande.
Et puis, quand on est locataire, même en cas de victoire, on perd... presque toujours son logement. C’est aussi la réalité d’une action en justice de paix.
Les risques ne sont pas partagés également entre parties. La machine à récupérer des arriérés est bien rôdée. Elle s’avère nettement moins efficace lorsqu’il s’agit de rendre justice aux locataires victimes de mal-logement.
Cette étude s’appuie sur deux jeux de données inédites issues des justices de paix bruxelloises : l’ensemble des jugements rendus sur une année dans deux cantons pour l’objectivation statistique et 95 jugements impliquent un trouble de jouissance, provenant de différents cantons.
Votre point de vue
Mère Michelle Le 13 janvier 2021 à 18:27
Un-e propriétaire(ou une agence immobilière qui gèrerait son bien) n’est-il/elle pas obligé-e de fournir une boîte aux lettres personnelle et sécurisée à chacun-e de ses locataires ?
Ceci me semble être une question de dignité humaine et de droit élémentaire (confidentialité de la correspondance).
De plus, on voit, dans l’article ci-dessus, à quelles extrémités peut conduire l’absence de celle-ci(impossibilité de se défendre au tribunal, expulsion arbitraire...)
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Skoby Le 4 janvier 2021 à 17:57
C’est effectivement une matière difficile, car le locataire mécontent peut changer
de domicile. Si le logement est insalubre, il ne fallait pas le louer et probablement
que le prix est fixé en fonction de la valeur du logement. Cependant il est vrai
que les propriétaires qui louent des biens insalubres devraient être sanctionnés
s’ils ne prennent pas les mesures adéquates.
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