1. La signification est la remise d’un original ou d’une copie de l’acte et elle a lieu par exploit d’huissier de justice (ou, dans les cas prévus par la loi, selon les formes que celle-ci prescrit). Un « exploit d’huissier », c’est un acte authentique (officiel) par lequel l’huissier réalise une formalité procédurale, comme la signification (c’est-à-dire la communication) d’un acte (le plus souvent une citation à comparaître en justice ou un jugement). Pour réaliser cette communication, l’huissier de justice se déplace en principe à l’adresse où il est chargé de remettre l’acte en question. La question posée et examinée ici concerne l’hypothèse de la signification d’un jugement.
2. L’article 806 du Code judiciaire prévoyait autrefois un délai d’un an pour signifier un jugement rendu par défaut. Un jugement est rendu par défaut à l’égard d’une partie (appelée partie défaillante) lorsque cette partie, bien que convoquée à une audience, ne comparaît pas à ladite audience (d’introduction ou de remise) et qu’elle n’a pas non plus remis des conclusions ; on appelle « conclusions » le document émanant d’une partie ou de son avocat exposant son argumentation au juge.
Cet article 806 disposait que « tout jugement par défaut doit être signifié dans l’année, sinon il est réputé non avenu ». Cette obligation de signification dans l’année d’un jugement par défaut a toutefois été supprimée par une loi du 19 octobre 2015 (dite loi « Pot-pourri I »), qui a remplacé l’article 806 du Code judiciaire.
3. Désormais, quel que soit le type de jugement, qu’il soit rendu contradictoirement à l’égard des parties (hypothèse où toutes les parties ont comparu en justice personnellement ou via leurs représentants respectifs, comme par exemple leurs avocats) ou par défaut à l’égard d’une partie, il n’existe pas, à proprement parler, de délai à respecter pour signifier un jugement rendu dans le cadre d’un procès civil.
4. La réponse à la question doit cependant d’abord être nuancée et ensuite complétée sous un angle plus pratique et ce, eu égard à l’intérêt double d’une signification d’un jugement rendu dans le cadre d’un procès civil :
- d’une part, dans la mesure où la signification d’une décision est une condition préalable à l’exécution (forcée) de cette décision (article 1495, alinéa 1er, du Code judiciaire) et où l’action tendant à l’exécution de la condamnation (dénommée aussi « actio judicati ») est soumise à un délai de prescription de dix ans à partir du jugement (voyez notamment en ce sens l’arrêt du 19 octobre 2018 de la Cour de cassation, C.17.0470.N), le créancier sera de facto contraint de faire signifier le jugement dans le délai de dix ans à compter dudit jugement s’il entend poursuivre l’exécution (forcée) du jugement à charge de la partie condamnée, en faisant pratiquer des actes d’exécution forcée (commandement de payer, saisie-exécution) sur les biens de la partie condamnée ;
- d’autre part, la signification du jugement étant en principe l’élément déclencheur du délai de recours (appel, opposition, pourvoi en cassation, selon le cas) contre ledit jugement (article 57 du Code judiciaire), l’absence de signification d’un jugement a en principe pour conséquence que le délai de recours ne commence pas à courir ; en pareil cas, la possibilité d’introduire un recours est, en principe (c’est-à-dire sauf abus de procédure), accordée sans limite de temps (en ce sens à propos du pourvoi en cassation, voyez l’arrêt du 9 novembre 2018 de la Cour de cassation, C.18.0070.N).
5. En conséquence, la signification du jugement dans un laps de temps relativement court après son prononcé peut, sur un plan pratique, présenter l’avantage pour le créancier d’éviter non seulement une insécurité juridique pendant des mois, voire des années, résultant de l’incertitude quant aux intentions (d’un éventuel recours futur) de la partie adverse à l’égard de la condamnation prononcée à sa charge, mais aussi, du même coup, de devoir vivre avec une « épée de Damoclès » qui pèse sur le jugement.
En effet, tant que le délai de recours n’a pas commencé à courir, ledit délai n’est pas a fortiori expiré, de sorte que le jugement rendu n’est pas à l’abri d’une mise à néant future par un juge de même rang (en cas d’opposition) ou supérieur (en cas d’appel ou de pourvoi en cassation) qui serait saisi d’un recours de la partie adverse (par hypothèse celle qui a été condamnée) contre ledit jugement.