I. Les avocats et les membres de la société civile à l’épreuve de l’intensification de la répression et de l’arbitraire : Avocats Sans Frontières donne l’alerte sur la situation en Tunisie
Un élan inédit vers une transition démocratique avait suivi la révolution de 2011 en Tunisie. Une nouvelle constitution était écrite. Un processus de justice transitionnelle pour juger des crimes du régime de Ben Ali était mis en place. La société civile revivait enfin après des décennies de dictature.
Cet élan démocratique a subi un brutal coup d’arrêt. Le 25 juillet 2021, le Président Kaïs Saied organisait un coup d’État institutionnel. Son régime s’attaque violemment à l’État de droit, aux droits fondamentaux de la population et à l’espace civique.
Le 11 mai 2024, Sonia Dahmani, chroniqueuse et avocate, est arrêtée à la maison des avocats pour avoir exprimé son opinion sur la situation migratoire en Tunisie. Elle est incarcérée depuis lors.
Sihem Ben Sedrine, militante tunisienne avec qui Avocats Sans Frontières a eu l’honneur de collaborer à de nombreuses reprises, est arrêtée le 1er août 2024 pour son rôle en tant que présidente de l’Instance Vérité et Dignité, en charge de juger des crimes commis sous le régime de Ben Ali, rôle pourtant immunisé de toute poursuite ultérieure selon la loi. Elle a entamé une grève de la faim le 14 janvier 2025 pour protester contre sa détention arbitraire.- Après avoir été hospitalisée suite à des complications de santé, elle a mis fin à sa grève de la faim ce 4 février. Les autorités persistent toujours à la maintenir incarcérée en violation de ses droits procéduraux et malgré son état de santé.
Ces cas ne sont malheureusement pas isolés. Mourad Zeghidi (journaliste), Borhen Bsaies (journaliste), Saadia Mosbah (militante associative), Siwar Bargaoui (militante politique), Abir Moussi (opposante politique et avocate), Chadha Haj Mbarek (journaliste), Ayachi Zammel (opposant politique), Ghazi Chaouachi (opposant politique et avocat), etc., sont autant de personnes —et surtout de femmes— qui ont été arrêtées et emprisonnées pour leurs opinions ou leur militantisme en Tunisie. Avocats Sans Frontières continue de s’inquiéter pour eux et elles, et entend alerter sur l’intensification de la répression et de l’arbitraire en Tunisie.
II. Samat Matsakov, avocat kirghiz
Défenseur des droits humains, Samat Matsakov, avocat kirghiz, travaille principalement sur les restrictions de la liberté d’expression en s’opposant aux poursuites de masse orchestrées par l’État à l’encontre des personnes accusées d’avoir « appelé à des troubles civils de masse ». Il a notamment défendu les défenseurs des droits humains et lanceurs d’alerte Zhoomart Karabaev et Akyn Askat Zhetigen, et fait partie de l’équipe juridique qui a défendu les journalistes du média d’investigation Temirov Live. Samat Matsakov travaille également sur des cas très médiatisés de tortures présumées perpétrées par le Comité d’État pour la sécurité nationale.
Il a été arrêté le 30 novembre 2024, accusé de « fraude à grande échelle », une inculpation à laquelle le pouvoir recourt fréquemment pour emprisonner les avocats des opposants. Alors que le délai maximum de détention préventive (deux ans) était expiré, le tribunal de district de Bichkek vient de décider de prolonger sa détention jusqu’au 28 février 2025, sans communiquer les motifs de son ordonnance.