Eternit en appel : le principe de la responsabilité confirmé

par Bérénice Fosséprez - 30 mai 2017

La société Eternit avait interjeté appel d’une décision lui ayant reproché de ne pas avoir adopté les mesures de protection susceptibles de diminuer le danger lié à l’exposition à l’amiante pour les membres des familles de ses employés et pour limiter l’exposition environnementale. La décision d’appel est intervenue le 28 mars 2017 et confirme l’existence d’une faute dans le chef de l’entreprise.

Après de précédents articles (cliquer ici et ici) consacrés à cette affaire, Bérénice Fosséprez, avocate au barreau de Bruxelles, nous livre les grandes lignes de l’arrêt.

Par un jugement du 28 novembre 2011, le Tribunal de première instance de Bruxelles avait retenu la responsabilité de la S.A. Eternit à l’égard d’une personne décédée d’un mésothéliome dû à une exposition paraprofessionnelle, son époux ayant travaillé chez Eternit entre 1952 et 1986, et à une exposition environnementale, le couple ayant occupé entre 1957 et 1991 une maison située à proximité immédiate d’une usine Eternit. L’entreprise avait été condamnée à verser aux héritiers de cette personne une indemnité d’un montant de 250.000 euros.

Par un arrêt du 28 mars 2017, la Cour d’appel de Bruxelles a confirmé le principe de la responsabilité mais a réformé le jugement sur le plan des indemnités, accordant la somme de 24.820 euros.

Devant la Cour d’appel, la société Eternit contestait avoir adopté une attitude fautive en faisant valoir que la relation entre le mésothéliome et l’amiante fut seulement mise en évidence à la fin des années ‘70 et qu’elle a toujours, et certainement à partir de cette période, pris toutes les précautions qui s’imposaient au regard des connaissances scientifiques de l’époque.

À l’issue de l’examen d’une liste de publications scientifiques sur le sujet, la Cour d’appel de Bruxelles a toutefois constaté que le lien entre le mésothéliome et l’amiante était connu au moins depuis le milieu du XXe siècle et qu’il était impossible qu’Eternit n’ait pas eu connaissance du risque que l’exposition à l’amiante faisait courir non seulement aux membres de son personnel mais également aux membres des familles de ses employés et aux personnes résidant à proximité de ses usines. La Cour s’est appuyée sur le fait que la S.A. Eternit fait partie d’un groupe qui, historiquement, joue un rôle de premier plan dans l’industrie de l’amiante et qu’elle a des années d’expérience dans les produits à base d’amiante pour affirmer que la société savait, ou aurait dû savoir, que l’amiante est une substance cancérigène.

La Cour d’appel de Bruxelles en a conclu que la société Eternit était tenue d’adopter, dans son activité industrielle, toutes les mesures appropriées pour prévenir et/ou limiter les risques, également pour les résidents, et qu’à défaut d’avoir adopté pareilles mesures, elle avait commis une faute.
Cette faute étant en lien causal avec le dommage subi par la victime, la société Eternit a été condamnée à en indemniser ses héritiers.

La Cour d’appel a toutefois réformé sur ce point le jugement entrepris après avoir constaté que le premier juge avait accordé une indemnité aux héritiers pour un dommage propre, sans que cela ait été effectivement réclamé et alors que l’action avait été introduite aux seules fins d’obtenir la réparation d’un dommage personnel à leur auteur.

Votre point de vue

  • Nadine Goossens
    Nadine Goossens Le 15 juillet 2017 à 18:14

    Tiens, je relance le fil ....

    AFP 28 juin 2017 http://www.francetvinfo.fr/sante/affaires/scandale-de-l-amiante/amiante-vers-un-non-lieu-dans-une-vingtaine-de-dossiers-emblematiques_2258745.html

    Amiante : vers un non-lieu dans une vingtaine de dossiers emblématiques
    Le parquet de Paris a requis la fin des investigations dans plusieurs enquêtes emblématiques ouvertes dans le scandale de l’amiante, considérant qu’il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle les victimes ont été intoxiquées.

    A défaut d’honorer la mémoire des défunts, on peut toujours essayer de saluer les prouesses sémantiques de certain(e)s.

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  • skoby
    skoby Le 9 juin 2017 à 17:48

    Sujet difficile ! Quand a-t-on eu des certitudes ? S’il y avait des indications sérieuses
    il est un fait que la société aurait dû prendre des mesures.
    Mais si c’était si évident, le gouvernement n’aurait-il pas dû imposer des
    mesures de sécurité ? Un peu facile d’accuser si on a soi-même négligé de
    prendre les précautions nécessaires afin de protéger la sécurité publique !

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  • Nicolas de Sadeleer
    Nicolas de Sadeleer Le 8 juin 2017 à 17:35

    S’agissant des découvertes scientifiques au cours du XXème s. de l’amiante sur la santé humaine, voy. le chapitre 5 " Asbestos : from ’magic’ to malevolent mineral" publié par l’Agence européenne de l’environnement en 2002 Late lessons from early warnings : the precautionary principle 1896-2000 https://www.eea.europa.eu/publications/environmental_issue_report_2001_22

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  • Nadine Goossens
    Nadine Goossens Le 31 mai 2017 à 15:49

    " À l’issue de l’examen d’une liste de publications scientifiques sur le sujet, la Cour d’appel de Bruxelles a toutefois constaté que le lien entre le mésothéliome et l’amiante était connu au moins depuis le milieu du XXe siècle et qu’il était impossible qu’Eternit n’ait pas eu connaissance du risque que l’exposition à l’amiante ..."

    Dès 1899 à Londres, 20 ans après le début de l’exploitation des mines d’amiante, le lien de cause à effet est "suggéré" par un médecin suite au décès d’un ouvrier.

    Dès 1906 à Caen, un rapport de l’inspection du travail sur la "surmortalité" des ouvriers exposés professionnellement - souvent dès l’âge de 14 - alerte les pouvoirs publics.

    La dangerosité de l’amiante sur la santé humaine est alors connue des pouvoirs publics et n’a eu de cesse d’être dénoncée. Mais raison d’état et lobby industriel, dont ETERNIT entre autres a usé et abusé jusqu’à la fin du XXè S. (1997) feront en sorte de l’ignorer.

    Discussion entre un cancer et ses métastases....

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