La libération récente de Mariusz, qui a été jugé par le tribunal de la jeunesse pour les faits qui ont conduit à la mort de Joe Van Holsbeek, suscite à nouveau des questions. Chacun a pu exprimer sa solidarité à l’égard de la famille et de l’entourage de Joe dans cette affaire ; on ne peut que s’y associer. Mais la libération de Mariusz est l’occasion de se pencher sur les fondements du système belge de jugement des mineurs lorsqu’ils ont commis un fait interdit par la loi pénale.

Il est parfois difficile de comprendre pourquoi deux auteurs d’un même fait peuvent être traités, « sanctionnés » différemment.

A l’égard des jeunes, cette différence de traitement n’a rien d’un dysfonctionnement. Au contraire, elle démontre que le système mis en place dès 1912 trouve toujours, près d’un siècle plus tard, sa juste application, même si tout n’est pas parfait, loin de là.

Ainsi, il faut rappeler que le juge de la jeunesse prend une décision individuelle en fonction de la personnalité du jeune qui comparaît devant lui. Il n’est donc pas rare de voir deux co-auteurs d’un même fait jugés par des juges de la jeunesse différents et se voir appliquer, sur base de leur personnalité respective, des mesures parfois radicalement différentes.

Le cas du meurtre de Joe Van Holsbeek en est un parfait exemple. L’un des auteurs a fait l’objet d’un dessaisissement (cela veut dire que le tribunal de la jeunesse a transféré le dossier à la Justice pénale ordinaire) et s’est vu condamné à 20 ans de prison par la Cour d’assises tandis que l’autre a pu être jugé par le tribunal de la jeunesse et a été placé en Institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ). Pourquoi ? Parce qu’Adam n’est pas Mariusz et que chacun se voit appliquer un traitement individualisé.

La condamnation à une mesure éducative plutôt qu’à une sanction de type répressif est parfois mal comprise par le citoyen. Cette incompréhension peut mener à assimiler le système protectionnel à de l’impunité.

La réalité est tout autre. Le juge de la jeunesse ne laisse pas le mineur « impuni » mais, simplement, il privilégie un certain type de réponse, en l’espèce éducative, et réserve la sanction pénale au cas exceptionnel de l’échec des mesures dites protectionnelles, qui sont prévues par la loi à l’égard des jeunes. Dans cette hypothèse, indépendamment de la gravité des faits et uniquement en fonction de la personnalité du jeune, le juge de la jeunesse peut se dessaisir au profit du juge pénal. S’agissant d’une décision individuelle pour chaque jeune, il est tout à fait envisageable que le juge décide de se dessaisir pour un mineur et de ne pas le faire pour un autre et ce, même s’ils ont commis un même délit ensemble.

L’éducation plutôt que l’enfermement : depuis près d’un siècle, notre système protectionnel repose donc sur le principe que les mineurs, quels que soient les actes qu’ils commettent, ne peuvent être assimilés aux majeurs et doivent bénéficier d’un système distinct basés sur des « mesures éducatives » et non des « peines répressives ».

Le juge de la jeunesse dispose d’un panel de mesure. Celle du placement en IPPJ en est une parmi d’autres (travaux d’intérêt général, médiation, travail rémunéré dont le produit est destiné à indemniser les victimes,…). L’écartement du milieu familial, voire l’enferment, doit être réservé aux cas extrêmes, le législateur privilégiant le travail pédagogique à partir de la famille, plutôt qu’en dehors. Dans l’esprit de la loi mais également de la Convention internationale des droits de l’enfant, le placement doit être une mesure de dernier recours. Elle doit être la plus courte possible et ne peut être envisagée que de manière transitoire.

Les victimes ne sont pas oubliées dans cette procédure : lors de la comparution du mineur en audience publique, la victime pourra réclamer la réparation de son dommage. Elle aura également la possibilité, si elle le souhaite, de prendre la parole et d’exprimer son point de vue en présence de toutes les parties. Ainsi, la Justice peut prendre en compte la compassion qui a été celle de la société belge après la mort de Joe.

Il ne s’agit donc pas d’écarter purement et simplement le jeune mais de le préparer à réintégrer progressivement la société et de lui construire un avenir. Pour revenir au cas de Joe, Mariusz a pu quitter l’IPPJ avant ses 20 ans et rejoindre sa famille en Pologne. Il a pu, à travers le travail éducatif dont il a bénéficié, évoluer et réaliser la gravité de ses actes. D’après ce que l’on sait, il en ressort différent, positivement différent… Pourra-t-on faire le même constat lorsqu’Adam, co-auteur des faits, sortira de prison au terme de l’exécution de sa peine ?

Votre point de vue

  • Françoise Guillaume
    Françoise Guillaume Le 19 avril 2009 à 13:01

    Deux types de questions me restent à la lecture de ce billet :
     qu’en est-il des suites de telles mesures éducatives : si le jeune n’est pas "prêt à être réintégré" à 20 ans (dans ce sens, c’est plutôt rassurant qu’un jeune comme Mariusz soit remis dans la vie sociale avant la fin du temps maximal imparti) ? Ces mesures éducatives font-elles l’objet d’une mémoire quelconque (par exemple casier judiciaire) ou sont-elles effacées des tablettes de la Justice ?
     Comment expliquer que la Belgique puisse tenir une position aussi radicalement différente (au moins par ce que j’en connais) d’autres pays européens où la majorité pénale descend à une vitesse folle jusqu’à 12 ou même 10 ans dans certains pays ? Dans ces pays, ces enfants sont donc bien considérés comme adultes dès qu’ils ont atteint la majorité pénale, même s’ils sont sans doute enfermés à l’écart des majeurs ? Avez-vous des liens intéressants à ce sujet ?

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