Les autorités disciplinaires du barreau sont-elles indépendantes et impartiales à l’égard de l’un des leurs ?

par Pierre Lambert - 20 avril 2012

Un internaute a fait part sur notre site de son incompréhension venant du fait que la discipline des avocats est réglée par le bâtonnier ou les autorités du barreau (le Conseil de l’Ordre des avocats), c’est-à-dire par des avocats eux-mêmes, et non par une instance extérieure. Il suggère de régler cela de manière publique par l’intervention d’un journaliste d’investigation.

L’avocat Pierre Lambert, spécialiste de la déontologie des avocats et des droits de l’homme, explique la raison d’être de ce régime, en montrant qu’il y va de la démocratie et des droits de la défense, à l’encontre notamment de l’ensemble des pouvoirs.

Il s’adresse, ci-dessous, directement à notre correspondant mais sa réponse vaut pour tous.

Vous n’êtes pas le premier à vous préoccuper de l’indépendance du bâtonnier de l’Ordre des avocats et des membres du Conseil de l’Ordre, lorsqu’ils sont appelés « à examiner des cas touchant des proches », alors qu’ils sont élus par leurs confrères. La question concerne leur objectivité et leur impartialité lorsqu’ils siègent en qualité de juges disciplinaires. L’avocat poursuivi comme le plaignant peuvent être un de leurs amis ou parents ; quant à l’avocat, il est par définition un concurrent au moins potentiel.

Tant notre Cour de cassation que la Cour européenne des droits de l’homme ont jugé, l’une et l’autre, que cette impartialité « ne fait pas problème » : élus par leurs pairs, les membres ne relèvent d’aucune autorité et ne sont soumis qu’à leur propre conscience. Le juge disciplinaire a l’obligation, au même titre que tout autre juge, de se déporter chaque fois que son impartialité est mise en cause ou est susceptible de l’être.

Vous évoquez une deuxième question en suggérant que le citoyen, victime d’une faute professionnelle, puisse « avoir le droit de faire publier ses accusations, aux frais des avocats, après examen par un journaliste d’investigation ». L’intéressé a parfaitement le droit de publier ses accusations, bien évidemment à ses risques et périls si les accusations manquent de fondement. Quant à l’intervention d’un journaliste qui remplacerait le membre du Conseil de l’Ordre, chargé de l’instruction disciplinaire, je n’en vois pas l’opportunité, alors qu’il ne serait pas soumis aux mêmes obligations impérieuses d’impartialité.

Certes, le mécanisme actuellement en vigueur, mis en place il y a des décennies, peut paraître réserver aux avocats, un régime particulier qui leur serait favorable. Le principe du jugement par les pairs est une garantie de l’indépendance du barreau à l’égard du pouvoir, notamment du pouvoir judiciaire, et du parquet. Cette indépendance est le corollaire indispensable de l’indépendance de la magistrature dans un Etat de droit. Ce n’est pas par hasard que les Etats dictatoriaux ne l’acceptent pas.

Votre point de vue

  • Mat
    Mat Le 17 mai 2016 à 15:07

    Un avis du Conseil de l’Ordre est déterminant dans la décision de la Justice qui a saisi le Conseil de l’Ordre.

    La justification fournie par Me Lambert n’explique absolument pas pourquoi l’instance indépendante de l’Etat doit être choisie parmis la profession d’une des parties, laquelle ne pourra être que favorable à la profession dont elle est issue ...
    Il n’y a pas de raison que seuls les avocats soient des surhommes capables de faire abstraction de toute consideration personnelle.
    De la meme façon, un jury n’est, heureusement pour les prévenus ou pour les victimes, pas composé d’une seule catégorie de personnes.

    Une telle pseudo-justice, même si elle est mieux maquillée, n’a rien à envier aux Etats dictatoriaux (si ce n’est que le dictateur n’est pas directement l’Etat, et ne peut, heureusement, que se limiter à sa petite sphère de responsabilités).

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  • mario
    mario Le 24 septembre 2014 à 12:45

    il est bien claire qu’il n’y a pas d’impartialité et qu’ils se protègent uns-aux-autres comme les magistrats de la cour de cassation protègent ses collègues de même juridiction/instance et ses collègues d’instances inférieures.

    or, la constitution présent de fautes législatives à cet sujet car qui peut juger la cour de cassation et ses juges, sera ses propres collègues de la même cour ou la CEDH, limitée aux requêtes...

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  • KOULOS
    KOULOS Le 28 avril 2012 à 09:41

    Bonjour à tous ! Effectivement, le principe du jugement par les pairs est une garantie évidente pour défendre en premier les intérêts des avocats, puis les intérêts de la seule compagnie d’assurances qui couvre la responsabilité professionnelle de cette profession. Donc, il y a sans aucun doute "conflit d’intérêts" et partialité ! Ce mécanisme doit être changé, car, il viole incontestablement certaines règles du Code de déontologie et du Code judiciaire. En effet, où est l’indépendance de l’avocat si aucun avocat ne veut mettre en cause les flagrants manquements de leur Confrère ? Qui garanti ces règles strictes et précises si les Bâtonniers, ainsi que les Présidents des Conseils de discipline de l’O.B.F.G. ne font pas leur devoir ? L’avocat n’est pas indépendant, pour preuve, je suis victime de deux flagrantes escroquerie au jugement à cause de mes anciens avocats corrompus, j’ai été escroqué par plusieurs autres avocats qui ont reçu indûment des provisions pour faire valoir mes droits, en vain ! Plusieurs plaintes ont été déposées avec des preuves irréfutables (Barreaux de NAMUR, de NIVELLES, de DINANT, de CHARLEROI, de BRUXELLES, de MONS, de LIEGE), ainsi qu’aux Procureurs du Roi de NAMUR et de LIEGE, en vain ! Où est notre "Etat de Droit" ?

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