A première vue, la décision peut surprendre. En cas d’emprisonnement, l’Etat prend bien évidemment en charge le logement mais aussi le chauffage, la nourriture, les vêtements et leur entretien, les soins de santé, etc.
Cependant, un certain nombre de services sont payants : par exemple, le téléphone, la télévision (environ 22 € par mois), le courrier. En outre, le détenu peut « cantiner », c’est-à-dire commander et acheter différents autres biens indispensables ou de quoi améliorer son ordinaire : nourritures diverses, journaux, tabac, produits d’entretien, etc. Pour financer ces dépenses, le détenu a essentiellement deux possibilités : soit une aide de sa famille, soit un travail en prison.
Précisons que ce travail est rémunéré à un prix dérisoire (de l’ordre d’1 € par heure pour un travail pour une entreprise extérieure et de 0,60 € par heure pour un travail domestique interne). S’il n’a aucune source de revenus, le détenu pourra demander l’intervention d’une caisse de solidarité de la prison. Il aura droit à un montant de l’ordre de 22 à 40 € par mois. Dans certaines prisons, il reçoit un « kit hygiène » mais il semble que cette pratique ne soit pas généralisée. La loi impose pourtant une obligation de l’Etat d’assurer aux détenus l’entretien et l’hygiène personnels.
Dans le passé déjà, plusieurs juridictions du travail ont considéré que des détenus avaient droit à une aide du C.P.A.S. Il s’agit chaque fois de détenus qui n’ont aucun entourage familial pour les aider et qui n’ont pas la faculté de travailler, soit parce qu’ils présentent un handicap physique ou mental qui les en empêche, soit parce que l’offre de travail dans la prison est insuffisante. Les principes qui sont à la base de ces décisions sont les mêmes :
– d’une part, les C.P.A.S. interviennent pour garantir à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ; or, ce droit vaut pour toute personne, en ce compris pour les détenus ;
– d’autre part, l’aide sociale est un droit « subsidiaire », c’est-à-dire qu’il est accordé lorsque la personne n’a pas d’autres possibilités de se procurer un revenu, soit pas son travail, soit par l’aide de la famille.
Le juge vérifie donc si ces conditions sont remplies. L’aide est accordée s’il estime que l’intervention de la caisse de solidarité est insuffisante pour couvrir des besoins essentiels, tels que, par exemple, des produits d’hygiène indispensables, des frais de téléphone pour joindre des proches résidant à l’étranger, de quoi écrire, etc. Cet examen se fait au cas par cas. La question de savoir si l’accès à la télévision constitue un besoin essentiel suscitera évidemment des appréciations en sens divers. Plusieurs juges ont estimé qu’il ne s’agissait pas d’un luxe, mais de la seule manière pour le détenu de garder un contact avec le monde extérieur. A cet égard, en effet, ce maintien d’un lien social ne favorise-t-il pas une meilleure réinsertion en fin de peine ?
Si l’aide est admise, quel C.P.A.S. devra intervenir ? De manière générale, la loi évite de surcharger les C.P.A.S. de communes où se trouvent des institutions d’hébergement (institutions pour personnes handicapées, hôpitaux psychiatriques, prisons, etc.). Elle prévoit dès lors que le C.P.A.S. qui doit fournir une aide sociale est le C.P.A.S. de la commune où la personne était inscrite au moment de son admission. Néanmoins, lorsque la personne n’avait pas de domicile, le C.P.A.S. compétent est celui du lieu de résidence. C’était le cas dans l’affaire jugée par la Cour du travail de Liège et c’est la raison pour laquelle le C.P.A.S. de la commune où la prison se trouve a dû intervenir.
Votre point de vue
GEMINE Marie-Eve Le 20 juin 2014 à 17:56
Bonjour, je suis Directrice financière dans un cpas. Celui-ci a été condamné à payer des aides à des détenus, domiciliés dans notre commune avant leur incarcération. je suis chargée de mettre en cause l’Etat Belge en vue de récupérer les aides. Quelle est la procédure ? J’ai interrogé le SPFJustice à ce sujet en janvier 2014 et je n’ai obtenu aucune réponse. Déjà merci de votre réponse
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Frank P Le 4 avril 2011 à 13:31
Le fait d’avoir des détenus (ou des internés, le problème est le même) désargentés est la norme... et le ministère de la justice doit assurer des conditions de détention compatibles avec la dignité humaine, càd avec tout le nécessaire pour les vêtements, hygiène, loisirs, contacts avec la famille etc...
Les jugements qui condamnent parfois les CPAS déplorent presque tous une carence de l’état "indigne du 21ème siècle" en cette matière -je cite un jugement récent-.
Le juge du travail n’ayant pas autorité sur le ministère de la justice (et la communauté française), condamne alors les CPAS à suppléer à ces carences. Or les CPAS n’ont aucun subsides pour ces interventions, contrairement aux aides accordées aux personnes "en liberté"... Ce n’est PAS à un pouvoir local de suppléer, ou de subsidier indirectement une carence des pouvoirs centraux. Les prisons ont des caisses d’entr-aide qui accordent de 20 à 40 euros/mois, mais ces caisses déduisent l’intervention d’un CPAS, qui de par sa législation est subsidiaire à tout autre droit... Cela signifie que ces caisses sont devenues inutiles, et n’ont plus de raison d’être si les CPAS doivent intervenir ? Absurde : pourquoi les a-t-on créées ? La vérité est qu’elles doivent d’urgence être dotées d’un budget suffisant !
Autre problème non soulevé : faire travailler une personne à 1 ou 0.6€/heure, est-ce bien légal ? Il y a autorité, horaires imposés etc, bref tous les ingrédients pour imposer un "contrat" de travail...
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greg Le 22 mars 2011 à 14:56
Merci beaucoup pour cet article, limpide dans les explications qu’il fournit.
C’est la presse, pourvoyeuse de sensationnel, qui devrait en prendre de la graine et le diffuser par ses canaux, presse écrite ou audiovisuelle !
L’information qu’elle a donnée au public lors de ce "non-événement" était tronquée, sans nuances, et frisait la malhonnêteté intellectuelle : du vrai journalisme d’investigation, racoleur juste comme il faut pour faire le "buzz" !
Aucun des auteurs des articles diffusés n’a pris la peine de demander à lire les motifs de l’arrêt de la Cour, aucun n’a tenté de prendre contact avec les protagonistes du dossier pour avoir l’explication juridique (et implacable) sous-jacente à cette affaire.
Merci donc à Monsieur Funck de remettre, par cet article, l’église au milieu du village !
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