1. Presse et Justice entretiennent des rapports complexes. L’adage selon lequel « la presse travaille dans la journée, la Justice dans la durée » a longtemps circulé.
La difficulté vient des missions différentes des deux institutions. La Presse doit informer et le plus librement. La Justice, essentiellement pénale, doit assurer le suivi des enquêtes ce qui nécessite une certaine discrétion.
Leurs rapports se sont pendant des années stabilisés en raison de relations plus ou moins bonnes entre les journalistes et les magistrats de presse des parquets.
2. Il y a quelques mois les rapports Presse-Justice ont fait la une des médias suite à une circulaire du Collège du Ministère Public datée du 17 janvier 2019 adressée à tous les procureurs du Roi. La dernière circulaire des Procureurs Généraux relative aux informations pouvant être transmises à la presse, datait du 30 avril 1999. Il était dès lors nécessaire de l’actualiser.
La nouvelle circulaire rappelle que les articles 28quinquies, § 3, et 57, § 3, du code d’instruction criminelle confient au Ministère Public la faculté de communiquer des informations à la presse lorsque l’intérêt public l’exige. Ces communications ont lieu dans le « respect de la présomption d’innocence, des droits de la défense des personnes soupçonnées, des victimes et des tiers, de la vie privée et de la dignité des personnes ». Elle rappelle aussi que, pendant la phase préliminaire au procès, celle de l’information et de l’instruction judiciaire, seul le procureur du Roi peut communiquer avec la Presse. Pendant l’instruction, c’est encore le procureur du Roi qui a la main sur la communication mais avec l’approbation par le juge d’instruction.
L’objet de la nouvelle circulaire est d’améliorer la communication à la presse et non pas de la restreindre.
3. Ce qui a récemment donné lieu à débats, souvent par méconnaissance du texte précis, c’est le principe de la signature d’une convention entre le Parquet et le réalisateur du programme, seulement quand il s’agit d’émissions, de reportages et documentaires télévisés. Cette convention vise essentiellement des principes généraux et des garanties sauvegardant les droits essentiels comme la présomption d’innocence, le secret de l’instruction, le secret professionnel, le respect de la vie privée. Ce document prévoit des accords de diffusion écrits des particuliers et la possibilité de « floutage » des personnes ne souhaitant pas être reconnues.
La convention contient une clause permettant de censurer inconditionnellement le contenu du reportage. Elle est signée entre les chefs de corps concernés et prévoit des autorisations (le suspect et son avocat, les victimes, etc.), un visionnage préalable et quelques dispositions particulières comme la diffusion seulement lorsque la décision judiciaire définitive est intervenue.
4. La Presse, essentiellement francophone, a critiqué la circulaire car elle restreindrait la liberté de la Presse. A l’intervention de l’AJP (association des journalistes professionnels) et de la RTBF une argumentation a été développée dans un document adressé au Collège du Ministère Public en mars 2019, auquel ce Collège a répondu par une lettre circonstanciée en mai 2019.
Dans cette réponse, il indique que la nécessité d’un contrat se justifie pour éviter des violations du droit de la défense et pour mettre à l’aise ceux qui acceptent d’être filmés. Il ne concerne que les reportages sur la Justice « par lesquels la presse a accès, au moins partiellement, à des informations judiciaires ou à des instructions en cours et ce quand la Presse s’invite dans les palais de Justice ».
5. Par ailleurs la circulaire règle également la question des reportages relatifs à des affaires clôturées. La maison de production et le Ministère Public signent également une convention. L’objectif est clairement d’éviter que des magistrats du Ministère Public ne remettent en cause des affaires définitivement jugées et dès lors ne mettent en péril la paix judiciaire. Des autorisations sont nécessaires, dont celle de la victime. Si elle est décédée,
aucune photo tirée du dossier ne pourra être montrée.
6. Cette argumentation du Collège n’a plus entrainé de réaction de la presse
Enfin, il est prévu de faire une évaluation de la pratique de cette circulaire au printemps 2020 alors que ce document aura été utilisé pendant une quinzaine de mois. Cette évaluation se fera avec des représentants de la presse et sur la base de difficultés concrètes qui auraient été rencontrées.
Votre point de vue
skoby Le 15 octobre 2019 à 17:08
Tout cela me paraît fort bien. Il faut des règles et maintenant il y en a et
il faut s’y tenir.
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