Les services de l’Inspection sociale : présentation générale

par Charles-Éric Clesse - 12 janvier 2018

Lorsque l’on évoque la Justice, on se limite parfois à tort aux magistrats proprement dits (juges, procureurs, etc.). Or, le respect des lois ne pourrait être assuré sans le concours d’importantes administrations chargées de la surveillance du respect de ces législations.

Les dossiers constitués par ces services peuvent aboutir à des sanctions, qu’elles soient de nature administrative ou judiciaire.

L’Inspection sociale est un bel exemple de pareille administration de contrôle.
Justice-en-ligne entame ici, sous la plume de Charles-Éric Clesse, auditeur du travail du Hainaut et chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles, une série de plusieurs articles présentant ce service, ses compétences, ses pouvoirs, son utilité, ses liens avec la Justice, etc.

Le premier de ces articles, ci-dessous, est consacré à une présentation générale de l’Inspection sociale.

1. L’arrêté royal du 6 juin 2017 ‘visant à transférer les agents de l’inspection sociale du Service public fédéral Sécurité sociale à l’Office national de sécurité sociale’ a fusionné depuis le 1er juillet 2017 les deux grands services d’inspection du travail belge : l’Inspection sociale et l’Inspection de l’O.N.S.S.
Désormais, l’Inspection sociale du SPF Sécurité sociale est intégrée dans l’Office national de la sécurité sociale. La DG Indépendants du même SPF sera en grande partie intégrée dans l’Institut national d’assurance sociale des travailleurs indépendants de manière à grouper, lui aussi, les services de contrôle des indépendants dans une seule organisation. Le contrôle des allocations familiales deviendra quant à lui une compétence entièrement défédéralisée au plus tard en 2019.
Le nombre total d’inspecteurs est revu à la hausse et passera progressivement de 1264 à 1364.

2. La fusion étant partielle, elle ne limitera que peu le risque de contrôles successifs. En effet, le nombre de services d’inspection passe de huit à sept. Pas de quoi réduire les contrôles multiples auprès d’un même employeur. Cependant, la nouvelle répartition des compétences entre services d’inspection permettra de ne plus voir deux inspections (ONSS et Inspection sociale) solliciter exactement les mêmes documents.

Les tâches de l’Inspection sociale

3. La Belgique regorge d’inspections du travail.
Ils ont des compétences qui varient de l’un à l’autre, ce pourquoi, il est fréquent qu’un contrôle effectué dans une entreprise se fasse par deux ou trois services différents. En effet, ce n’est que face à une infraction de sa compétence qu’un service d’inspection peut dresser un procès-verbal. S’il n’est pas compétent, l’inspecteur du travail ne pourra qu’établir un rapport qui n’a pas la même force probante qu’un procès-verbal qui, lui, vaut jusqu’à preuve du contraire.

Le Code pénal social détermine les attributions des fonctionnaires qui relèvent de l’autorité des ministres ayant dans leurs attributions l’emploi et le travail, la sécurité sociale, les affaires sociales et la santé publique, ou qui relèvent des institutions publiques qui en dépendent, et qui sont chargés de surveiller le respect des dispositions du Code pénal social et d’autres lois sociales. cela inclut le contrôle du respect des dispositions des arrêtés d’exécution du Code pénal social. De nombreuses législations particulières renvoient au Code pénal social pour déterminer les compétences de certains services d’inspection comme ceux de l’Institut national d’assurance sociale pour travailleurs indépendants ou de la Région wallonne par exemple.

4. Nous avons sélectionné ci-après certains services d’inspection, parmi les dizaines qui coexistent, à savoir ceux auxquels les employeurs sont le plus fréquemment confrontés lors d’un contrôle dans leur entreprise.
Succinctement, nous établirons leurs compétences et renseignerons les sites internet de ces différents services afin de connaitre leurs heures d’ouverture.
En effet, il est toujours intéressant pour l’employeur ou le travailleur, de rencontrer les inspecteurs du travail lors de ses permanences car ils ont une mission de conseil et d’avis auprès d’eux.
À cet égard, l’article 3, 1, b), de la Convention de l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) n° 81 dispose que « le système d’inspection du travail sera chargé […] de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales ».
En outre, les inspections peuvent recevoir les plaintes des travailleurs en conservant leur anonymat.
Chaque inspection se répartit en bureaux ou directions régionales. Les inspecteurs dépendent administrativement d’un bureau ou d’une direction mais conservent une compétence nationale.

Le contrôle des lois sociales

5. Le contrôle des lois sociales dépend du SPF Emploi, travail et concertation sociale.

Il est chargé de veiller au respect des conditions de travail et de rémunération en général. Il est donc notamment compétent pour les matières suivantes : la durée du travail, la loi sur le travail (travail des femmes, des enfants, des jeunes, repos du dimanche, travail de nuit et protection de la maternité), le travail de nuit, le travail à temps partiel, le règlement de travail, la protection de la rémunération, les jours fériés et de repos, la réglementation du travail temporaire et intérimaire, la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, l’occupation de travailleurs étrangers, l’exercice par un étranger d’une activité professionnelle indépendante, l’égalité de traitement entre hommes et femmes, la formation permanente des travailleurs, l’interruption de carrière, le congé parental, la non-discrimination, la lutte contre le racisme, les conseils d’entreprise, le comité pour la prévention et la protection au travail, la tenue des documents sociaux, la déclaration immédiate à l’emploi, le stage d’insertion professionnelle des jeunes, les titres-services, les volontaires, etc.

Le Contrôle du bien-être au travail

6. Dépendant du SPF Emploi, travail et concertation sociale, cette inspection, composée notamment d’ingénieurs et de médecins, a pour objectif, d’une part, de prévenir et de contrôler le harcèlement moral et sexuel au travail et, d’autre part, de veiller à l’application du Code du bien-être et du Règlement général sur la protection du travail (R.G.P.T.).
C’est cette inspection qui descend sur les lieux d’un accident du travail et qui peut imposer à l’employeur certaines mesures, voire faire fermer l’entreprise en cas de danger.

L’Office national de sécurité sociale

7.L’inspection qui dépend de l’Office national de sécurité sociale (O.N.S.S.) a pour objectif de veiller au correct assujettissement des travailleurs salariés, au respect de la loi du 27 juin 1969 sur la sécurité sociale des travailleurs salariés et de ses arrêtés d’exécution ainsi que, depuis l’intégration de l’Inspection sociale en son sein, du respect des différentes législations en matière de sécurité sociale pour travailleurs salariés, à l’exception de la matière des accidents du travail.
L’inspection de l’O.N.S.S. est notamment compétente pour la surveillance des matières suivantes : la sécurité sociale des travailleurs salariés, la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés, les retenues sur les indemnités d’invalidité et de prépension, les retenues sur la prépension conventionnelle, les réductions de cotisations, en ce compris dans le secteur non marchand, la tenue des documents sociaux, la Dimona, la Limosa, la modération des rémunérations, la redistribution du travail dans les services publics, les plans d’entreprise de redistribution du travail, le développement de services d’emploi et de proximité, l’emploi des jeunes dans le secteur non marchand, l’outplacement, les travailleurs à temps partiel et les dérogations à l’horaire normal, l’occupation de travailleur de nationalité étrangère ou l’exercice par les étrangers d’activité indépendante (carte professionnelle).

Les Régions

8. Chaque Région dispose d’un service d’inspection du travail qui est compétent pour la surveillance de certaines matières régionales. Ainsi, l’Inspection du ministère de la Région wallonne est compétente pour surveiller et contrôler les législations relatives à la reconversion et le recyclage professionnels, la politique de l’emploi et l’exécution de la loi du 30 avril 1999 ‘relative à l’occupation des travailleurs étrangers’.

9. L’Inspection régionale bruxelloise de l’Emploisurveille l’application de deux législations, à savoir la loi du 30 avril 1999 ‘relative à l’occupation des travailleurs étrangers’ et son arrêté d’exécution du 9 juin 1999, et l’ordonnance du 26 juin 2003 ‘relative à la gestion mixte du marché de l’emploi dans la Région de Bruxelles-Capitale’ et son arrêté d’exécution du 15 avril 2004. Elle trouve ses compétences dans le Code pénal social.
L’Office national de l’emploi

10. Les services d’inspection de l’Office national de l’emploi(ONEm.) ont pour but de contrôler le respect de la législation relative au chômage, tant auprès des employeurs qu’auprès des assurés sociaux.
Leurs matières de compétence sont entre autres : la réglementation du chômage, les prépensions conventionnelles, les documents sociaux, la Dimona, la Limosa, la carte d’identité sociale, l’interruption de la carrière professionnelle, les allocations d’interruption, le congé parental, le système de crédit-temps, les diminutions de carrière, la réduction de prestation de travail à mi-temps, les prestations de travailleurs à temps partiel, les fermetures d’entreprise, le licenciement collectif, le reclassement professionnel, le licenciement des délégués et candidats délégués du personnel au conseil d’entreprise ou au comité pour la prévention et la protection au travail ou l’occupation du personnel de nationalité étrangère.
Elle doit également rencontrer les objectifs sectoriels chiffrés contenus dans le Plan d’action national du Secrétaire d’Etat à la lutte contre la fraude sociale. Le plan d’action 2018 impose ainsi 10.000 contrôles répartis entre les différentes cellules et dans différents secteurs (Horeca, gardiennage, déménagement, construction, secteur « vert », etc.). Bien entendu, les membres de la cellule déterminent eux-mêmes, au sein des secteurs imposés, les entreprises à contrôler et peuvent, s’ils le souhaitent, effectuer d’autres contrôles.

11. Dès lors qu’un service d’inspection dresse un procès-verbal de constat d’infraction, celui-ci est envoyé à l’auditorat pour suites pénales éventuelles. Nous reviendrons dans un article ultérieur sur la procédure pénale sociale. Mais, il est important de constater que sans une bonne collaboration entre services administratifs et judiciaires, la lutte contre la fraude sociale serait moins efficace. Il faut donc éviter que soit que les inspections du travail œuvrent seuls de leur côté en ne tenant pas compte des priorités de politiques criminelles des auditorats du travail, soit que l’auditorat ne prenne pas suffisamment en compte les spécificités administratives des inspections et leur impose une charge de travail judiciaire trop lourde.

Mots-clés associés à cet article : Sécurité sociale, Travail, Droit social, Chômage, Emploi, Inspection sociale,

Votre point de vue

  • BERNARD VANDEVANDEL
    BERNARD VANDEVANDEL Le 15 janvier 2018 à 12:00

    A l’instar des réformes qui ont été opérées au sein des services de police à la fin des années 1990, il serait judicieux créer un service d’inspection du travail intégré (et donc unique) qui résulterait de la fusion de TOUS les services d’inspection compétents pour la surveillance de la législation en matière de droit social (droit du travail et droit de la sécurité sociale). L’inspection du travail ne serait donc non plus un concept, mais bien bien un réel service public comme le sont la douane ou la police.

    • versfio
      versfio Le 5 mars 2019 à 10:36

      Votre article est judicieux mais avec la Régionalisation du Pays plus un Gvt. Fédéral on irait donc à l’ encontre de compétences politiques de trois Ministres régionaux et d’ un au fédéral ou alors il faudrait réfédéraliser comme certains le préconisent pour la mobilité, l’énergie, le commerce extérieur ou la santé. Parmi les signataires figurent deux ministres fédéraux, Sophie Wilmès et François Bellot, la présidente du Sénat, Christine Defraigne, et plusieurs députés. "Non pas que nous voulions revenir à la Belgique de papa, précisent les signataires, mais le fédéralisme belge doit s’appuyer sur un principe simple : l’efficacité." Exactement !

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