Quels recours contre les actes ou les abstentions du parquet ?

par Laurent Kennes - 24 août 2018

Un internaute visiteur de Justice-en-ligne nous a demandé quels sont les recours organisés contre les actes ou les abstentions du parquet.

La question a été posée à Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles, maître de Conférences à l’Université libre de Bruxelles, qui répond ci-dessous.

1. En l’état actuel du droit, il n’est pas organisé de procédure spécifique pour introduire une demande de réalisation de devoirs complémentaires auprès du procureur du Roi, à l’inverse de ce qui est prévu dans le cadre d’une instruction judiciaire, pour laquelle la chambre du conseil (au niveau du tribunal de première instance) ou la chambre des mises en accusation (au niveau de la cour d’appel) peuvent, à la demande des parties, ordonner au juge d’instruction qu’il accomplisse tel ou tel devoir.
Une demande de cet ordre auprès du parquet est donc purement informelle. Le procureur n’a aucune obligation d’y répondre et aucun recours n’est prévu.
Il en va autrement de la possibilité de demander l’accès au dossier d’enquête et de demande la levée d’une saisie.

Sur la demande d’accès ou de copie du dossier d’enquête

2. La demande d’accès au dossier est organisée à l’article 21bis du Code d’instruction criminelle. Toute personne directement intéressée peut, à tout moment, en fonction de l’état de la procédure, demander au procureur du Roi qu’il lui donne accès au dossier ou d’en obtenir une copie.
Est considérée comme personne directement intéressée : l’inculpé, la personne à l’égard de laquelle l’action publique est engagée dans le cadre de l’instruction, la personne soupçonnée, la partie civilement responsable, la partie civile, celui qui a fait une déclaration de personne lésée, ainsi que ceux qui sont subrogés dans leurs droits (c’est-à-dire ceux qui remplacent les titulaires de ces droits parce qu’ils leur succèdent pour un motif ou pour un autre, par exemple les compagnies d’assurance) ou les personnes qui les représentent en qualité de mandataire ad hoc, de curateur, d’administrateur provisoire, de tuteur ou de tuteur ad hoc.

3. Cette personne déposée une requête motivée auprès du procureur et doit contenir élection de domicile en Belgique si le requérant n’y a pas son domicile ou son siège. Il est conseillé également de mentionner une adresse électronique.
Le procureur dispose d’un délai de quatre mois pour y répondre et la décision est notifiée au requérant dans un délai de huit jours à dater de la décision.

4. Le procureur du Roi peut interdire la consultation ou la prise de copie du dossier ou de certaines pièces si les nécessités de l’information le requièrent, si la consultation présente un danger pour les personnes ou porte gravement atteinte à leur vie privée, si le requérant ne justifie pas d’un motif légitime la consultation du dossier, si le dossier ne contient que la déclaration ou la plainte, dont le requérant ou son avocat a déjà reçu une copie, si l’affaire a été mise à l’instruction ou si le requérant a été renvoyé devant une juridiction de jugement ou a été cité ou convoqué par procès-verbal.
Il peut limiter la consultation du dossier ou la prise de copie à la partie du dossier à l’égard de laquelle le requérant a fait valoir un intérêt.

5. Si la demande de consultation du dossier ou d’obtention d’une copie de ce dernier est acceptée, le requérant ne peut faire usage des renseignements obtenus par la consultation ou par la prise d’une copie du dossier que dans l’intérêt de sa défense, à condition de respecter la présomption d’innocence et les droits de la défense de tiers, la vie privée et la dignité de la personne.

6. Si la consultation ou la prise d’une copie du dossier ou de certaines pièces a été refusée, le requérant peut porter l’affaire devant la chambre des mises en accusation par une requête motivée déposée au greffe du tribunal de première instance, dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision au requérant, et insérée dans un registre prévu à cet effet.
Si le ministère public n’a pas pris de décision dans le délai prévu par la loi, le requérant peut s’adresser à la chambre des mises en accusation. Ce droit prend fin si la requête motivée n’est pas déposée dans les huit jours suivant l’expiration du délai, au greffe du tribunal de première instance. La requête est insérée dans un registre prévu à cet effet.

7. Le requérant ne peut envoyer ni déposer de requête ayant le même objet avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la dernière décision portant sur le même objet.

Sur la demande de levée d’une saisie

8. L’article 28sexies, § 1er, du Code d’instruction criminelle organise la procédure de levée d’une saisie.
Toute personne lésée par un acte d’information relatif à ses biens peut en demander la levée au procureur du Roi.
La requête est motivée et contient élection de domicile en Belgique, si le requérant n’y a pas son domicile. Elle est adressée ou déposée au secrétariat du parquet et est inscrite dans un registre ouvert à cet effet.
Le procureur du Roi statue au plus tard dans les quinze jours de l’inscription de la requête dans le registre.

9. La décision motivée est notifiée au requérant et, le cas échéant, à son conseil par télécopie ou par lettre recommandée à la poste dans un délai de huit jours à dater de la décision.
Le procureur du Roi peut rejeter la requête s’il estime que les nécessités de l’information le requièrent, lorsque la levée de l’acte compromet la sauvegarde des droits des parties ou des tiers, lorsque la levée de l’acte présente un danger pour les personnes ou les biens, ou dans les cas où la loi prévoit la restitution ou la confiscation desdits biens.
Il peut accorder une levée totale, partielle ou assortie de conditions.

10. La chambre des mises en accusation peut être saisie dans les quinze jours de la notification de la décision au requérant.
Si le procureur du Roi n’a pas statué dans le délai, majoré de quinze jours, le requérant peut saisir la chambre des mises en accusation. Celui-ci est déchu de ce droit si la requête motivée n’est pas déposée, dans les huit jours, au greffe du tribunal de première instance
Cette procédure auprès du procureur n’est recevable que si aucun juge, d’instruction ou du fond, n’est saisi de l’enquête au cours de laquelle la saisie a été réalisée.

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 27 août 2018 à 21:22

    Je pense qu’il y a des lacunes dans cette règlementation.
    En effet, j’ai été victime d’une détérioration volontaire de mon
    véhicule par un individu bien identifié par sa plaque minéralogique
    et deux témoins s’étaient portés volontairement comme témoins,
    choqués par cette agression gratuite. Malgré l’intervention de l’avocat
    de mon assurance le procureur à décidé de classer l’affaire.
    Copinage ou commission occulte ? Nul ne le saura jamais.

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Laurent Kennes


Auteur

Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Namur,
Maître de Conférences à l’Université libre de Bruxelles

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