Fortis - querelles de juges ?

par Paul Martens - 15 décembre 2008

Comment comprendre que les juges se contredisent avec une sorte de jubilation argumentative, là où les vérités s’inscrivent dans la matière apparemment agnostique des intérêts financiers ?

Qu’on s’étripât jadis sur l’existence de Dieu, des saints, des anges, de l’enfer, qu’on s’entredéchire aujourd’hui sur les sujets de l’euthanasie ou du préservatif, après tout ces querelles charrient des présupposés dogmatiques qui ne prédisposent pas à la tolérance. Mais qu’on se chamaille encore judiciairement sur un sujet aussi terre à terre que l’article 522, § 1er, du Code des sociétés semble déplacer l’intransigeance propre aux convictions religieuses dans le domaine, qui lui semble contraire, de la finance.

Le droit, il est vrai, a toujours eu des problèmes avec l’économie. Mais quand celle-ci se structurait encore sur des concepts simples, tels que l’offre et la demande, le droit pouvait s’y retrouver, lui qui s’ordonne autour des prétentions d’un demandeur et d’un défendeur.

Mais depuis que l’économie est asservie à la finance, c’est-à-dire à un système où les « valeurs » peuvent s’effondrer ou s’envoler selon des évènements qui relèvent du caprice, du cynisme ou de l’émotion, la rationalité juridique s’accommode mal de la versatilité financière : le droit maîtrise déjà si mal le réel ; ne lui demandez pas d’appréhender le virtuel !

Voilà donc que le droit se contredit à tous les niveaux : le parquet d’appel dit le contraire du parquet d’instance et les juges des deux niveaux contredisent l’un et l’autre.

Ce qui les sépare, c’est semble-t-il, de savoir si la trivialité du droit écrit ne doit pas quelque fois s’effacer au nom d’une exigence transcendante ; il y a toujours dans le droit un peu de Créon et d’Antigone, même dans l’univers des grands argentiers et des petits porteurs.

Le droit n’ignore pas les états d’exception qui le forcent à se retirer. C’était à Rome « le temps du Carnaval », au Tonkin, celui du « sommeil de la loi » et, un peu partout dans le monde, de l’état de siège. Chaque fois, le droit était sommé de se retirer au nom d’un intérêt qui lui est supérieur. Encore s’entendait-on alors sur ce qui était préférable à la loi écrite.

Mais comment voulez-vous, dans un monde où le marché est notre seule transcendance, demander au droit de mettre un peu d’éthique là où règne le délicieux désordre du lucre, de la spéculation et de l’esbroufe ?

Mots-clés associés à cet article : Affaire Fortis, Juge,

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