Condamné à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à trois ans, que va-t-il m’arriver ?

par Olivia Nederlandt - 3 janvier 2016

Le 18 mars 2015, Olivia Nederlandt, aujourd’hui chercheuse FNRS, membre du Groupe de recherche en matière pénale et criminelle (GREPEC) à l’Université Saint-Louis Bruxelles et membre de l’Observatoire international des prisons, informait les visiteurs de Justice-en-ligne sur la libération provisoire, qui pouvait s’appliquer à certaines conditions aux personnes condamnées à une privation de liberté allant jusqu’à trois ans (« La libération provisoire : pour qui, pourquoi, comment ? »).

La circulaire ministérielle n° 1817 du 15 juillet 2015, entrée en vigueur le 15 septembre 2015, et la circulaire n°ET/SE-2bis du 26 novembre 2015 offrent l’occasion à l’auteur de revenir de manière plus générale sur les règles applicables en matière d’exécution des peines dont la partie à exécuter est inférieure ou égale à trois ans, ce qui va au-delà de la libération provisoire.

1. Pourquoi faire une distinction selon que la partie de la ou des peines à exécuter est supérieure ou inférieure à trois ans ?

Cette distinction est importante car, selon que l’on se trouve au-dessus ou en-dessous du couperet des trois ans, les règles qui s’appliquent et les instances compétentes sont différentes.

En outre, il ne faut pas parler de « peine au-dessus/en-dessous de trois ans », mais de « la partie de la ou des peine(s) à exécuter », car c’est de cette partie, et non de la totalité de la ou des peine(s) prononcée(s) que l’on tient compte pour calculer si l’on se trouve au-dessus ou en-dessous du couperet de trois ans.

C’est l’administration pénitentiaire qui réalise les calculs pour déterminer si vous vous situez au-dessus ou en-dessous de ce couperet de trois ans. Ces calculs sont souvent complexes du fait que la plupart des condamnés exécutent non pas une mais plusieurs peines, dont certaines sont prononcées en état de récidive ou assorties d’un sursis. Par exemple, si une partie de la peine est assortie d’un sursis, la partie couverte par le sursis n’entre pas en ligne de compte pour le calcul.

Si la partie de votre ou de vos peine(s) à exécuter est supérieure à trois ans, vous serez incarcéré dans un établissement pénitentiaire et l’exécution de votre peine dépendra du Tribunal de l’application des peines à qui vous pourrez demander l’octroi d’une surveillance électronique, d’une détention limitée, d’une libération conditionnelle ou de la mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise. Cette matière, régie par la loi du 17 mai 2006 ‘relative au statut externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine’, ne fait cependant pas l’objet de cet article. Pour plus d’informations, il est renvoyé à l’article de Clothilde Hoffmann, « La libération conditionnelle devant le tribunal de l’application des peines : un droit sous haute surveillance » (cliquez ici)

Si la partie de votre ou de vos peine(s) à exécuter est égale ou inférieure à trois ans, c’est le ministre de la Justice et, plus particulièrement, la Direction Gestion de la Détention (DGD) du SPF Justice et les directeurs des établissements pénitentiaires qui sont compétents pour vous octroyer les différentes modalités d’exécution de la peine, soit la surveillance électronique et la libération provisoire. Cette matière est régie par la voie de circulaires ministérielles peu accessibles (certaines ne sont pas publiées) et, par conséquent, source d’insécurité juridique.

Par contre, pour tous les condamnés, c’est la Direction Gestion de la Détention qui est compétente pour statuer sur les demandes de permissions de sortie périodiques, de permissions de sortie spéciales, de congés pénitentiaires et d’interruption de l’exécution de la peine, et c’est le juge de l’application des peines qui est compétent pour accorder une libération provisoire pour raisons médicales.

La répartition des compétences peut donc se résumer comme suit :

VOIR DOCUMENT JOINT CI DESSOUS

2. Que se passe-t-il si je suis condamné à une ou plusieurs peines dont la partie à exécuter n’excède pas trois ans ?

Plusieurs situations sont possibles : soit vous exécuterez l’entièreté de votre ou de vos peine(s), soit vous exécuterez une partie de celle(s)-ci et puis, si vous remplissez les conditions, vous obtiendrez une « libération provisoire » (pour déterminer quelle partie de votre peine vous devez exécuter avant la libération provisoire, voir questions 3 à 9). La partie de la/des peine(s) à exécuter avant d’être libéré provisoirement pourra être purgée soit en prison, soit – à condition de remplir certaines conditions – sous surveillance électronique (voir question 10).

3. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de moins de quatre mois ?

Vous serez tout de suite mis en libération provisoire.

4. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de plus de quatre mois mais sans excéder six mois ?

Deux situations sont possibles :

 si toutes les condamnations mises en exécution sont passées en force de chose jugée (c’est-à-dire qu’elles ne peuvent plus faire l’objet d’un recours, comme un appel par exemple) après le 31 janvier 2014, la libération provisoire sera octroyée dès que vous aurez subi un mois d’emprisonnement ou en bracelet électronique ;

 si toutes ou une partie des condamnations mises en exécution sont passées en force de chose jugée avant le 1er février 2014, la libération provisoire est octroyée immédiatement par le directeur.

5. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de plus de six mois mais sans excéder sept mois ?

Vous devrez exécuter un mois de détention (en prison ou bracelet électronique), puis le directeur de la prison prendra la décision de vous octroyer la libération provisoire.

6. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de plus de sept mois mais sans excéder huit mois ?

Vous devrez exécuter deux mois de détention (en prison ou bracelet électronique), puis le directeur de la prison prendra la décision de vous octroyer la libération provisoire.

7. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de plus de huit mois mais sans excéder un an ?

Vous devrez exécuter trois mois de détention (en prison ou bracelet électronique), puis le directeur de la prison prendra la décision de vous octroyer la libération provisoire.

8. Si je dois exécuter une ou plusieurs peines dont le total est de plus d’un an sans excéder trois ans ?

Vous devrez exécuter le tiers de votre/vos peine(s) (en prison ou bracelet électronique) avant de vous voir octroyer la libération provisoire. Cependant, le directeur peut décider de ne pas vous l’accorder s’il constate l’existence de contre-indications, à savoir une impossibilité de subvenir à vos besoins matériels tels que l’hébergement et les moyens de subsistance, ou un risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers.

Si le directeur l’estime absolument nécessaire, il peut également vous imposer des conditions à respecter afin de limiter le risque de récidive et il mandate alors les maisons de justice pour effectuer un suivi de ces conditions pendant deux ans. Pour être libéré, vous devez accepter les conditions.

Par contre, si vous êtes condamné du chef de faits de mœurs commis à l’encontre de mineurs, la procédure est différente. Vous devrez d’abord faire l’objet d’un avis spécialisé du service psycho-social qui, s’il l’estime nécessaire, propose la mise en place d’une guidance. Le directeur examine ensuite les éventuelles contre-indications à votre libération provisoire mentionnées ci-dessus ainsi qu’une contre-indication supplémentaire : le risque d’importuner la victime. La décision de vous octroyer la libération provisoire est prise non par le directeur, mais par la Direction Gestion de la Détention, sur base de l’avis émis par le directeur.

Des conditions individualisées peuvent vous être imposées non seulement afin de limiter le risque de récidive mais aussi dans l’intérêt des victimes.

9. Si je dois exécuter une peine d’emprisonnement subsidiaire ?

Si vous devez exécuter une peine d’emprisonnement subsidiaire à une peine de travail qui ne dépasse pas quatre mois, vous devrez purger quinze jours de détention avant de bénéficier de la libération provisoire. Si la peine d’emprisonnement subsidiaire dépasse quatre mois, les dates d’admissibilité à la libération provisoire se calculent conformément aux règles mentionnées ci-dessus (questions 3 à 8).

Si vous êtes condamné à une peine d’emprisonnement subsidiaire à une autre peine que la peine de travail, vous ne recevrez en principe pas de billet d’écrou et ne devrez pas vous rendre à la prison. Si tel était le cas, vous seriez tout de suite libéré provisoirement.

Questions 1 à 9, en résumé : VOIR DOCUMENT JOINT CI DESSOUS


10. Vais-je exécuter ma peine en prison ou sous surveillance électronique ?

La circulaire ministérielle n° ET/SE-2 du 17 juillet 2013 pose la surveillance électronique comme la norme en matière d’exécution des peines privatives de liberté dont la partie exécutoire n’excède pas trois ans.

Par conséquent, vous pourrez purger la partie de votre ou de vos peines que vous devez exécuter avant d’atteindre la libération provisoire (en fonction des règles énoncées ci-dessus) sous surveillance électronique plutôt qu’en prison.

Il existe toutefois plusieurs conditions pour pouvoir exécuter sa peine sous bracelet électronique :
 avoir un titre de séjour en Belgique ;
 avoir une résidence en Belgique adaptée à l’exécution de la surveillance électronique (un espace fermé avec raccordement à l’électricité) et un numéro de téléphone auquel on peut vous joindre – si le condamné n’est pas domicilié à l’adresse où se déroulera la surveillance électronique, le directeur doit aussi s’assurer de l’accord du cohabitant majeur domicilié à cette adresse.
 ne pas être condamné du chef d’une infraction terroriste (article 135 à 141 du Code pénal), et ne pas devoir exécuter une ou plusieurs peines d’emprisonnement alors qu’on subit une mesure de mise à disposition du tribunal de l’application des peines (condition ajoutée par la circulaire ministérielle n°ET/SE-2bis du 26 novembre 2015)

Si ces conditions sont remplies, il faut encore obtenir l’accord du directeur de la prison. Si vous êtes condamné à une peine d’emprisonnement d’au moins un an pour des faits de mœurs commis à l’encontre de mineurs, ce n’est pas le directeur mais la Direction Gestion de la Détention qui doit donner son accord.

Si le directeur donne son accord, il prendra contact avec le Centre de surveillance électronique pour fixer une date d’activation de la surveillance électronique. Jusqu’à cette date d’activation, vous serez en « interruption de peine » (en d’autres termes, « libre mais en attente de bracelet électronique »).

Pendant la surveillance électronique, vous devrez respecter un certain nombre de conditions générales, parmi lesquelles : ne pas commettre d’infractions, rester joignable par téléphone, avoir une résidence fixe en Belgique, donner suite aux convocations du centre de surveillance électronique, de l’assistant de justice et du directeur de prison, respecter l’horaire qui aura été établi en fonction de vos occupations et s’abstenir de toute manipulation du matériel de surveillance électronique.

Si vous ne respectez pas les conditions, le centre de surveillance électronique préviendra le directeur de prison qui pourra, entre autres, décider de révoquer la mesure et vous devrez par conséquent purger votre peine en prison.

11. Si je suis de nationalité étrangère ?

Si vous êtes de nationalité étrangère, mais que vous êtes en ordre de séjour en Belgique, les règles exposées ci-dessus s’appliquent à vous, sans particularité.

Par contre, si vous n’êtes pas en ordre de séjour, cinq mois avant que vous n’atteignez la date d’admissibilité à la libération provisoire, le directeur de la prison interrogera l’Office des Étrangers quant à ses intentions à votre égard :

 si l’Office des Étrangers ne compte pas prendre de mesures à votre égard, ne répond pas en temps utile ou déclare qu’il prendra un ordre de quitter le territoire à votre encontre à votre libération, vous serez libéré provisoirement selon les règles expliquées ci-dessus ;

 si l’Office des Étrangers constate que vous faites déjà l’objet d’un arrêté royal d’expulsion exécutoire ou d’un arrêté ministériel de renvoi exécutoire ou d’un ordre de quitter le territoire avec preuve d’éloignement effectif, vous serez libéré provisoirement en vue d’être éloigné du territoire ou d’être transféré vers un centre fermé. Cette libération en vue d’être éloigné ou transféré vers un centre peut intervenir à partir de quatre mois avant la date d’admissibilité à la libération provisoire et jusqu’à dix jours après cette date. Si le dixième jour à 14 heures, votre éloignement ou transfert n’a pas pu être exécuté, vous serez libéré.

12. La libération provisoire peut-elle être révoquée ?

La circulaire n° 1817 du 15 juillet 2015 prévoit que la révocation de la libération provisoire n’est possible que dans l’hypothèse d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit commis dans les deux ans de l’octroi de la libération provisoire ; sous le régime précédent de la circulaire ministérielle n°1771 du 17 janvier 2005, la révocation pouvait intervenir jusqu’à l’expiration du délai de prescription des peines prononcées.

Pour les condamnés auxquels des conditions particulières ont été imposées, la révocation est également possible en raison du non-respect de ces conditions.

13. Qu’en est-il de la partie de la ou des peine(s) que je n’ai pas exécutée ?

Le grand désavantage de la libération provisoire est que, au contraire de la libération conditionnelle, elle n’est pas une modalité d’exécution de la peine mais une modalité de suspension de celle-ci.

En d’autres termes, il ne faut pas considérer que ces « reliquats de peine(s) » que vous n’avez pas exécutés ne seront jamais mis à exécution. Ils peuvent en effet être exécutés dans l’hypothèse où votre libération provisoire est révoquée en raison d’une condamnation définitive qui tombe pour un crime ou un délit commis durant les deux années qui suivent votre libération provisoire.

En outre, si ces reliquats de peine(s) se sont cumulés dans le temps jusqu’à dépasser le couperet des trois ans et sont mis à exécution à la suite de la révocation de votre libération provisoire, vous devrez aller purger vos peines en prison, dans l’attente qu’une libération conditionnelle vous soit octroyée par le tribunal de l’application des peines. Cet « effet boomerang » est très néfaste car il survient parfois pour des faits anciens (en raison du retard de la justice pénale à traiter les affaires « sans détenus ») et après une période de resocialisation de la personne condamnée, qui va alors perdre tout ce qu’elle avait mis en place (travail, logement, etc.).

Si les règles ne sont pas modifiées à l’avenir, ces deux exemples illustreraient la pratique :

_ Exemple n° 1

En janvier 2016, vous êtes condamné à une peine de quatre mois : vous ne l’exécutez pas et vous êtes libéré provisoirement. Il reste donc un reliquat de quatre mois.

En janvier 2017, vous êtes condamné à une peine de trois ans, vous exécutez un an et sortez en libération provisoire en décembre 2017. Il reste donc un reliquat de deux ans.

Vous commettez un nouveau fait dans le mois de votre libération en janvier 2018, puis vous vivez quelques années sans commettre aucune infraction.

En avril 2020, une condamnation pénale tombe pour le fait commis en janvier 2018, donc endéans le délai de deux ans après votre libération de janvier 2016 et de décembre 2017, et vous êtes condamné à une peine de dix mois : vos deux libérations provisoires sont révoquées et vous devrez exécuter les reliquats de deux ans et quatre mois.

Cela donne ceci : 2 ans + 4 mois + 10 mois = 38 mois, donc au-dessus de 3 ans. Vous devez être incarcéré.

Par contre, il n’y pas d’effet « domino » : tous les reliquats de peine(s) ne sont pas mis à exécution en raison d’une révocation d’une libération provisoire. Seul le reliquat de la peine pour lequel la libération provisoire est révoquée sera mis à exécution.

Exemple n° 2

En novembre 2015, vous êtes condamné à une peine de quatre mois : vous ne l’exécutez pas et vous êtes libéré provisoirement. Il reste donc un reliquat de quatre mois.

En janvier 2017, vous êtes condamné à une peine de trois ans, vous exécutez un an et sortez en libération provisoire en décembre 2017. Il reste donc un reliquat de deux ans.

Vous commettez un nouveau fait dans le mois de votre libération en janvier 2018 puis vous vivez quelques années de sans commettre aucune infraction.

En avril 2020, une condamnation pénale tombe pour le fait commis en janvier 2018, donc endéans le délai de deux ans après votre libération de décembre 2017 mais hors ce délai de deux ans pour la libération de novembre 2015, et vous êtes condamné à une peine de dix mois : votre libération provisoire est révoquée, et vous devrez exécuter le reliquat de deux ans. Le reliquat de quatre mois ne sera pas mis à exécution car le fait commis n’entre pas dans le délai de deux ans après la libération provisoire de novembre 2015.

Cela donne ceci : 2 ans + 10 mois = 34 mois, donc en-dessous de 3 ans. Vous pouvez exécuter votre période de détention sous bracelet électronique si vous remplissez les conditions, et ce jusqu’à votre nouvelle date d’admissibilité à la libération provisoire.

Votre point de vue

  • Math
    Math Le 23 mars 2020 à 10:57

    J’ai été juger par un tribunal néerlandophone à qui j’ai demander pour faire appel car je travail j’ai été sous bracelet et j’ai excecuter des heures d’interet Général que la cours a démenti au tribunal.Je n’ai pas eu de courrier concernant l’appel mais pr contre j’ai bien reçus mon billet d écrou que la police est venu déposer à mon domicile qui fait que j’ai mon sursis de mon dessaisissement mineur qui tombe et je n’ai aucun délai d’appel pourtant je travail depuis 1 an j’ai respecter mes heures et le bracelet que puis-je faire apart me rendre et attendre le tap ?

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Olivia Nederlandt


Auteur

professeure et chercheuse post-doctorante à l’Université Saint-Louis Bruxelles, et membre du Groupe de recherche en matière pénale et criminelle (GREPEC)

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